S’il n’y a pas de vérité, il n’y a pas d’injustice

Par Paul Adams
4 octobre 2021 22:34 Mis à jour: 4 octobre 2021 22:34

Peut-il y avoir de l’injustice s’il n’y a pas de vérité ?

Martin Luther King Jr. s’est posé cette question dans sa puissante lettre de la prison de Birmingham (1963). Il répondait aux membres du clergé qui s’opposaient à la ségrégation, mais rejetaient la désobéissance civile, qui impliquait d’enfreindre la loi. Son point central était que les lois peuvent être justes ou injustes. Nous avons le devoir d’obéir aux lois justes et de nous opposer, voire de défier, les lois injustes. Nous devons reconnaître l’existence de ces deux types de lois et apprendre à les distinguer.

Prenant deux exemples, celui de la tyrannie nazie sous Hitler et celui de la révolution hongroise de 1956 contre la dictature communiste, Martin Luther King écrit :

« Nous ne devons jamais oublier que tout ce qu’Adolf Hitler a fait en Allemagne était ‘légal’ et que tout ce que les combattants de la liberté hongrois ont fait en Hongrie était ‘illégal’. Il était ‘illégal’ d’aider et de réconforter un Juif dans l’Allemagne d’Hitler. Malgré cela, je suis sûr que, si j’avais vécu en Allemagne à l’époque, j’aurais aidé et réconforté mes frères juifs. Si je vivais aujourd’hui dans un pays communiste où certains principes chers à la foi chrétienne sont réprimés, je préconiserais ouvertement de désobéir aux lois antireligieuses de ce pays. »

Martin Luther King donne des exemples – tirés de la Bible, du martyre des premiers chrétiens et du Boston Tea Party – du refus de se soumettre à des lois injustes.

Vérité et justice

À l’instar des fondateurs américains et de la Déclaration d’indépendance, Martin Luther King ne cherche pas à abolir la primauté du droit, mais à y faire appel. Il perçoit, comme Thomas Jefferson, qu’il ne suffit pas de définir le droit comme ce que le pouvoir souverain déclare être. Il constate, comme les Fondateurs, que le droit ainsi défini n’offre aucune contrainte aux tyrans qui veulent le réduire leur propre volonté et pouvoir.

Alors, qu’est-ce qui distingue une loi juste d’une loi injuste ?

Pour répondre à cette question, Martin Luther King et la Déclaration d’indépendance s’appuient sur la tradition classique du droit ancré dans la réalité objective, dans ce que sont incontestablement les choses, une tradition au moins aussi ancienne qu’Aristote. Martin Luther King cite Saint Augustin selon lequel « une loi injuste n’est pas une loi du tout ». Il cite également saint Thomas d’Aquin qui enseigne qu’« une loi injuste est une loi humaine qui n’est pas enracinée dans la loi éternelle et la loi naturelle ».

De la même manière, la Déclaration d’indépendance fait appel aux « lois de la nature et du Dieu de la nature ». Elle se fonde sur des vérités qu’elle tient pour évidentes et affirme des droits inaliénables qui sont dotés par le Créateur plutôt que conférés par l’État ou le souverain :

« Nous tenons ces vérités pour évidentes : Que tous les hommes sont créés égaux ; qu’ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables ; que parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. »

Pas de vérité, pas d’injustice

Pour certaines personnes aujourd’hui, de tels renvois à une vérité ou à une réalité sont intrinsèquement intolérants. Votre vérité est différente de ma vérité. Nous voyons un relativisme radical envahir le droit, l’éducation et les médias. Un relativisme qui s’ancre partout sauf dans la tolérance. Le fait que vous acceptiez que j’ai le droit de proclamer ma croyance, absurde, illogique, contraire la nature même de l’espèce humaine, ne suffit pas. Que vous le tolériez ne suffit pas. Vous devez maintenant l’approuver avec autant d’enthousiasme qu’un membre du comité central d’un parti communiste applaudissant face aux déclarations de son dirigeant adoré.

Le relativisme est l’idéologie des tyrans. Pour Staline et Hitler, l’histoire était de leur côté, la victoire était inévitable, et quiconque remettait en cause leur version de la vérité était un ennemi de l’État. La « vérité » elle-même dépendait de la volonté et du pouvoir du dirigeant. Si le résultat de leurs politiques et de leurs décrets n’était pas celui qu’ils avaient promis, ce n’était pas parce qu’ils contredisaient la réalité, la vie telle qu’elle est et ses contraintes, c’est parce que des ennemis, à l’intérieur et à l’extérieur du parti au pouvoir, conspiraient pour saboter le programme.

Aux États-Unis, nous constatons une telle vision débridée de la réalité, non pas dans le totalitarisme pur et dur d’un Staline ou d’un Hitler, mais dans le déni croissant de la réalité elle-même. C’est un rejet des processus démocratiques, un refus de l’argumentation ou du débat, la censure ou la suppression de la parole ou même de la simple information, dans les médias et sur les campus. Ceux qui s’expriment courageusement pour la vérité et contre l’injustice ne sont pas susceptibles d’affronter des gardes rouges ou des chemises brunes dans la rue, par contre ils doivent faire face à des masses haineuses sur Twitter.

Anthony Kennedy, juge de la Cour suprême à la retraite, a souvent accompagné son activisme judiciaire ultra-agressif de fioritures rhétoriques sur le droit d’inventer sa propre réalité. Cette rhétorique était le signe que Kennedy allait bientôt ignorer la Constitution et imposer ses propres vues à la place des processus politiques et législatifs démocratiques.

Dans la décision Casey sur l’avortement de 1992, Anthony Kennedy a fait une déclaration devenue célèbre : « Au cœur de la liberté, se trouve le droit de définir son propre concept de l’existence, du sens, de l’univers et du mystère de la vie humaine. » Ed Whelan, du Centre d’éthique et de politique publique (Ethics and Public Policy Center), traduit : « Nous, les juges, avons l’autorité illimitée de décider des questions que vous, citoyens mal dégrossis, ne devriez pas être autorisés à résoudre grâce aux lois. » En pratique, la prose pourpre d’Anthony Kennedy marquerait le début des décennies où le meurtre à une échelle sans précédent d’innocents vulnérables deviendrait légal, des décennies de déni de la réalité, de répudiation du droit à la vie de toute une catégorie d’êtres humains, les plus vulnérables d’entre nous.

L’idéologie de l’identité transgenre apparaît sous cet angle comme un cas extrême de négation de la réalité comme condition d’intégration de la bonne société. L’absurdité et l’incohérence d’affirmations présentées comme scientifiques, là où il est question d’une pseudo-science quasi-religieuse, ainsi que le catastrophisme et le zèle de ceux qui y adhèrent (vous devez accepter mon auto-diagnostic ou vous me tuerez ; dire cela, c’est commettre un génocide) prouvent qu’une secte marginale d’extrémistes est à l’œuvre derrière cette idéologie. Le nombre de personnes qui s’identifient comme transgenres est faible, même si l’on tient compte de l’engouement des adolescentes aux États-Unis et au Royaume-Uni. Par contre l’adhésion rapide à l’idéologie des partis de gauche, des organismes professionnels, des médias, de l’éducation, des bibliothèques et de l’État bureaucratique a été extraordinaire, et ce malgré les dommages irréversibles causés aux jeunes, à leur corps et à leurs relations familiales.

Ne pas vivre de mensonges

Le communisme et le nazisme acceptent tous deux un relativisme qui réduit la « vérité » à une question de volonté et de pouvoir, tout en cherchant à imposer leur propre vérité aux autres. Ils sont évidemment tyranniques, totalitaires. Mais nous observons les mêmes tendances dans les idéologies et les mouvements promus par les élites occidentales qui nient aujourd’hui la réalité objective et cherchent à réprimer la liberté d’expression, le débat ouvert et la prise de décision démocratique.

La tyrannie du relativisme radical est l’un de ses paradoxes. Il nie l’existence même de la réalité objective tout en insistant sur sa propre vérité.

Devons-nous céder à cette tyrannie par crainte de dire une vérité qui attirera des foules enragées sur Twitter exigeant que nous soyons bannis, licenciés, que l’on nous refuse l’accès à l’université ou à l’emploi de notre choix, que nous soyons déplacés de nos engagements en tant que conférenciers ou que l’on nous refuse un emploi futur ?

Le témoignage de ceux qui ont survécu aux plus graves persécutions de notre époque, sous les nazis, les communistes ou les terroristes djihadistes d’ISIS, offre une réponse. Que les victimes survivantes soient juives ou chrétiennes, victimes de l’esclavage ou de persécutions religieuses, elles ont toujours insisté sur l’importance ultime de dire et d’entendre la vérité sur ce qui s’est passé. Les points de vue des gardiens des camps de concentration et de leurs victimes de l’Holocauste étaient différents, tout comme ceux des chrétiens de l’Europe de l’Est communiste et des agents qui les persécutaient.

Dire cela ne revient pas à affirmer qu’il n’existe qu’un seul récit véridique d’un événement, ou que les accusateurs doivent toujours être crus. La ruine de nombreuses vies et réputations par le pédophile fantaisiste, Carl Beech, dont les fausses allégations ont conduit la police britannique à mener une vaste enquête historique sur les abus sexuels (2014-2016), devrait nous faire réfléchir avant d’adopter le mantra alors à la mode « croire toutes les victimes » ou de jeter aux orties la procédure régulière et la présomption d’innocence. Des années plus tard, en 2019, Carl Beech sera reconnu coupable de plusieurs accusations de détournement de justice et d’une accusation de fraude. Il sera condamné à 18 ans de prison. Ses fausses allégations contre des personnes éminentes, dont certaines ne sont plus en vie, ont conduit à une enquête désastreuse et défectueuse et à d’immenses dommages pour les personnes accusées et leurs familles, tout en décourageant les véritables victimes d’abus de se manifester.

L’importance de la vérité

La justice peut être pervertie ou refusée par de fausses allégations, par l’incapacité à prendre au sérieux les véritables victimes (comme cela s’est produit de manière notoire à Rotherham, au Royaume-Uni, pendant plusieurs décennies, où les autorités n’ont pas donné suite aux rapports faisant état d’un véritable trafic sexuel et d’abus sexuels organisés sur des enfants) et par la peur des victimes de subir des représailles si elles disent la vérité – on estime à 1 400 le nombre de victimes à Rotherham, dont beaucoup n’ont pas été crues.

La question est simplement que la justice dépend de la reconnaissance de la nature réelle et objective de la vérité (au-delà de ce que l’État, le parti ou les dirigeants disent qu’elle est à l’heure actuelle), de l’établissement de la vérité sur le sujet, et ensuite de la révéler (ou du moins de ne pas mentir à son sujet) même si le coût de la révélation de la vérité est élevé en termes de sécurité de l’emploi ou, en ces jours de doxing, de risque pour sa famille. C’est la priorité de ceux qui ont été témoins d’horreurs telles que le goulag russe ou les camps de concentration nazis. Elle devrait être la nôtre aussi. Sans vérité, il ne peut y avoir d’injustice, et donc de justice.

Paul Adams est professeur émérite à l’Université de Hawaï et a été professeur et vice-doyen des affaires universitaires à l’Université Case Western Reserve. Il est co-auteur de «La justice sociale n’est pas ce que vous pensez» et a écrit de nombreux articles sur la politique de protection sociale, l’éthique professionnelle, la vertu.


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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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