S’il y a une nouvelle guerre froide, elle est instiguée par Pékin

Par Shane Miller
9 août 2021 20:19 Mis à jour: 9 août 2021 20:37

En mars dernier, le sénateur canadien Yuen Pau Woo a prononcé un discours devant la Société d’amitié Canada-Chine dans lequel il a déploré l’état des relations entre les deux pays. Il a été angoissé par l’argumentation de ceux qui suggéraient qu’en cas d’une nouvelle guerre froide, le Canada devrait choisir entre la Chine et les États-Unis.

« C’est précisément du fait que nous ne sommes pas dans une guerre froide redoublée, lorsqu’il est facile de prendre parti, que notre politique envers la Chine est si complexe », a-t-il déclaré.

Cependant, tout comme lors de la guerre froide avec l’Union soviétique, une nouvelle guerre froide a déjà été déclarée – et pas par Washington. Le régime de Pékin manifeste son désir de suivre la voie de cette guerre depuis un certain temps déjà.

On a beaucoup parlé du discours que Xi Jinping a prononcé le 1er juillet pour célébrer le centenaire du Parti communiste chinois (PCC). Dans ce discours, il a vanté l’héritage de la « nouvelle révolution démocratique » du Parti et a annoncé que la Chine devait « mener une immense lutte avec de nombreuses particularités contemporaines ». Il a proclamé que les forces étrangères qui tentent « d’intimider » la Chine « seront anéanties face à une grande muraille d’acier ». Il s’agit d’une menace tous azimuts visant les États-Unis et leurs alliés occidentaux en réponse à leurs tentatives de demander des comptes à Pékin.

Le discours de Xi Jinping au Congrès national du PCC en octobre 2017 contenait déjà des messages similaires, mais dans des termes peut-être légèrement moins belliqueux. Présageant une nouvelle ère de montée en puissance et de domination chinoise, le chef du PCC a déclaré qu’il s’agissait « d’une ère qui verra la Chine se rapprocher du centre de la scène mondiale » par la voie d’un grand rajeunissement de la nation. Il a également lancé un appel au peuple chinois lui demandant de soutenir « la direction forte du Parti et de s’engager dans une lutte tenace ».

Les cibles de cette lutte sont l’Occident et les aspects de la société chinoise jugés dépravés par le Parti. Parmi les éléments de la lutte figure le renforcement rapide de l’armée chinoise et les campagnes « d’assimilation ethnique » menées contre les minorités ouïghoures et tibétaines afin de protéger le Parti des populations « subversives ». On peut se rappeler qu’il s’agit d’un régime qui, à l’époque, pratiquait des politiques telles que l’établissement de quotas d’assassinats pour les « contre-révolutionnaires » – comme l’historien Frank Dikötter le documente sans ménagement dans sa trilogie sur la création de la Chine communiste. Le PCC est une organisation qui, historiquement, n’a connu aucune limite.

Le PCC s’est montré aussi effronté depuis des années, mais les Occidentaux ne se montrent pas prêts à rejeter fermement l’idéologie qui forme la base de l’État-parti chinois. Dans un article récent dans le Hub, l’analyste politique Sean Speer affirme qu’il est erroné de considérer la rivalité entre les États-Unis et l’Occident d’un côté et la Chine de l’autre comme une guerre froide, car il s’agit « d’une concurrence technologique dans des domaines stratégiques tels que l’intelligence artificielle, l’industrie biopharmaceutique et les semi-conducteurs plutôt que d’un conflit idéologique ». Pourtant, cet article ne tient pas compte du facteur qui stimule aujourd’hui les démarches de la Chine dans le domaine technologique : l’idéologie marxiste du PCC. C’est une erreur de minimiser l’élément idéologique.

Le PCC politise chaque domaine de la société chinoise pour maintenir continuellement la légitimité de son règne. Hanté par l’effondrement de l’Union soviétique, Xi Jinping a mis l’accent sur le renouvellement de l’idéologie du Parti et l’endoctrinement des fonctionnaires et de la population. S’adressant à ses camarades du Parti en 2012, il a attribué l’effondrement de l’Union soviétique au fait que « leurs idéaux et leurs convictions ont vacillé ». Pour éviter un tel destin, il a une fois de plus fait du Parti l’autorité du contrôle omniprésent, sans séparation entre lui et ses sociétés technologiques ou l’armée chinoise.

En conséquence, l’accent mis sur l’engagement idéologique inspire aux dirigeants du Parti une approche implacable et souvent paranoïaque aux affaires étrangères. L’un des facteurs clés du début de la guerre froide a été le rejet par Joseph Staline du plan Marshall de reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, un acte inspiré par la volonté de Staline de solidifier le bloc communiste et sa paranoïa à l’égard de l’Amérique « capitaliste » qui « asservissait » l’Europe. Ce qui a suivi a accéléré la dérive vers la guerre froide.

« Si les États-Unis devaient gagner d’une manière ou d’une autre en Europe, alors l’URSS devait perdre », explique les calculs de Staline l’historien Robert Gellately dans son livre Stalin’s Curse (La malédiction de Staline).

Cette logique est également à la base des calculs de Xi Jinping. Malgré ses discours sur la paix et l’harmonie, l’objectif de chaque démarche diplomatique de Pékin est d’isoler les États-Unis et leurs alliés occidentaux, et permettre au régime chinois de prendre la place centrale sur la scène mondiale. Tout ce qui profite à l’Occident de quelque manière que ce soit sera traité comme suspect et comme une attaque contre le « développement » de la Chine.

Il n’y a pas de doute qu’une guerre froide n’est pas souhaitable, mais c’est juste ce qui se passe actuellement. Cependant, ce ne sont pas les faucons anti-Chine en Occident qui l’ont recherchée – c’est le PCC qui établit ses termes. L’État-parti chinois ne cache pas tellement ses objectifs. Il est temps que nous commencions enfin à y prêter attention et à nous préparer à ce qui nous attend.

Shane Miller est chercheur pour l’organisation indépendante Probe International basée à Toronto, Canada, et collaborateur indépendant d’Epoch Times.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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