Le SOS d’un patrimoine en détresse

Par Aurélien Girard
18 septembre 2022 19:32 Mis à jour: 18 septembre 2022 19:32

Au grand loto du patrimoine, tout le monde n’a pas tiré le bon numéro.

Car, même si le chef de l’État se félicite des 200 millions d’euros collectés depuis 2018, rappelle que quelques chantiers de réhabilitation et de sauvegarde ont commencé depuis, et même si de nouvelles éditions du « loto du patrimoine » sont annoncées, l’apport ne comble pas la perte.

L’animateur Stéphane Bern ne mâche d’ailleurs pas ses mots : «Nous sommes à la veille d’un désastre si nous ne nous mobilisons pas.» En France, plus de 40.000 constructions humaines sont protégées en tant que monuments historiques, parmi lesquelles 15.000 édifices religieux. Mais bien peu, qu’elles fassent partie du patrimoine public ou soient des propriétés privées, ont les moyens suffisants à leur préservation. « J’ai l’impression d’être dans un bateau qui prend l’eau et d’écoper avec une cuillère à soupe ! », a lancé l’animateur, au mois de juin, devant les sénateurs de la Commission de la culture qui l’auditionnaient sur l’état du patrimoine religieux.

Dans un rapport publié début juillet 2022, les Sénateurs constatent que ce patrimoine, le plus riche d’Europe après l’Italie, fait face à un risque croissant du fait de la sécularisation de la société. Près de 85.000 édifices religieux sont à la charge des communes et ne bénéficient pas des subventions allouées aux monuments historiques. Ils passent bien souvent « après » tout le reste, la loi ne donnant aucune obligation pour les maires en matière d’entretien des édifices cultuels. Les diminutions des recettes des communes et la mutualisation par l’inter-communalité ajoutent aux difficultés à mettre le sujet du patrimoine parmi les priorités, d’où des clochers qui s’écroulent, des œuvres d’art qui se dégradent, les plantes et l’humidité qui envahissent les bâtiments.

La situation est comparable, même si dans une moindre mesure, pour les autres bâtiments : beffrois, fermes, lavoirs, fontaines, moulins, théâtres, musées, châteaux, remparts et jusqu’aux plus grands édifices nationaux : à Paris, l’Institut de France, qui abrite sous sa coupole l’Académie française, est d’après la Cour des Comptes en danger. Celle-ci déplore un « patrimoine artistique et culturel exceptionnel, en partie laissé à l’abandon. » Plus de 25 millions d’euros de travaux sont nécessaires pour la seule mise en sécurité des archives du bâtiment, menacées par la vétusté et le risque d’incendie. Or, ces sommes ne sont pas disponibles malgré la richesse foncière du prestigieux Institut. Depuis plus de 5 ans, celui-ci perd 4 millions d’euros par an du fait de « graves désordres » dans sa gestion financière, assène la Cour. Le domaine de Chantilly est lui aussi à la recherche de 20 millions d’euros pour permettre la survie du château du prince de Condé.

« Il y a un enjeu de civilisation devant nous. Si on laisse le patrimoine se dégrader, les futures générations n’auront plus de lien avec leur passé et leur histoire. Pourtant, on sait bien que 30.000 ou 50.000 euros dépensés dans un monument ou un petit patrimoine peuvent faire revivre un village» explique Stéphane Bern dans les colonnes du Figaro. Ce sont aussi 35.000 artisans d’art qui travaillent dans ce secteur et préservent des savoir-faire manuels vieux de plusieurs siècles.

La mission Bern, confiée à l’animateur par le chef de l’État, a déjà recensé 4.800 sites culturels en danger, dont 20% de châteaux et jardins. Le financement participatif joue à plein pour compléter les opérations partiellement financées par l’État. Pour 2022, dix-huit nouveaux sites seront soutenus, depuis le théâtre à l’italienne de Guéret jusqu’au premier château des princes de Salm, avec des montants de travaux dépassant généralement le million d’euros.

Mais, ce que pointe l’animateur comme la Cour des Comptes est que le problème rencontré dans la préservation du patrimoine français n’est pas uniquement financier. L’absence d’anticipation, la faible efficacité de gestion ainsi que des prises de décision politiques peu éclairées ont amplifié le problème. L’État a par exemple récemment ordonné la destruction du pavillon Napoléon III, à Saint-Cloud, pourtant bâtiment classé, pour le remplacer par une « promenade piétonne ». À d’autres endroits, ce sont des éoliennes dont la construction est prévue à proximité directe de sites historiques et patrimoniaux remarquables. Dans son discours pour annoncer la poursuite de l’opération « loto du patrimoine », Emmanuel Macron affirmait que le patrimoine, « c’est la fierté, ce sont des projets, c’est la vie de nos territoires, et puis c’est le beau. On en a besoin pour redonner du sens à la vie ». Le patrimoine n’est pas qu’une façon de faire fonctionner le tourisme, il nous permet de nous sentir inscrits dans un fil d’histoire. La perspective sur nos existences est différente avec la hauteur donnée par le temps, comme si c’était plus beau, plus beau vu d’en haut.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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