Suicide d’un cardiologue de l’hôpital Pompidou: l’AP-HP jugée à Paris pour harcèlement moral

Par Epoch Times avec AFP
29 mai 2023 14:10 Mis à jour: 29 mai 2023 16:48

Le suicide de ce cardiologue avait mis en lumière la souffrance au travail des médecins : l’AP-HP, l’ancienne directrice de l’hôpital parisien Georges-Pompidou et trois professeurs sont jugés à partir de mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris pour harcèlement moral.

Dans l’après-midi du 17 décembre 2015, Jean-Louis Mégnien, un professeur en cardiologie de 54 ans, s’était jeté par la fenêtre du 7e étage de l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). Il avait repris le travail trois jours plus tôt, après neuf mois d’arrêt maladie.

Son épouse avait rapidement déposé une plainte auprès du parquet de Paris, qui avait ouvert une enquête pour harcèlement moral, puis une information judiciaire en février 2016. Des collègues de ce père de cinq enfants avaient rapporté sa « descente aux enfers progressive » depuis deux ans. Les « maltraitances » et « manœuvres » de ses supérieurs pour que le poste de chef de service de médecine préventive cardio-vasculaire qu’il convoitait lui échappe, et l’organisation de sa « placardisation ». Ils avaient assuré qu’un avertissement sur la souffrance de ce médecin et ses risques suicidaires n’avait pas été pris en compte.

La gestion d’Anne Costa, qui dirigeait alors le prestigieux établissement hospitalier situé dans le XVe arrondissement de la capitale, avait aussi été mise en cause. Le directeur général de l’AP-HP de l’époque, Martin Hirsch, l’avait défendue, dénonçant des « attaques infondées, parfois avec des procédés déloyaux ». Au cours des cinq ans d’une instruction menée dans la plus grande discrétion, l’AP-HP, Anne Costa et trois professeurs – alors responsables hiérarchiques du cardiologue – ont été mis en examen pour harcèlement moral.

« Dégradation » de sa santé bien liée au « climat » de travail

Si Jean-Louis Mégnien avait bien un suivi psychiatrique régulier depuis une quinzaine années, il n’y a pas eu de « cassure d’ordre privé » comme avait pu l’écrire l’un des professeurs, estime l’accusation, pour qui la « dégradation » de son état était bien liée au « climat » sur son lieu de travail. Les agissements, propos et comportements de « déconsidération, et de déstabilisation » ainsi qu’une « stratégie d’isolement » et de « mise à l’écart », et « la limitation de ses moyens matériels et humains », ont porté « gravement atteinte à ses droits, sa dignité et son avenir professionnel ».

Avec « pour point d’orgue » selon l’enquête, le maintien du déménagement de son bureau au moment de son retour au travail, qui « a probablement joué un rôle majeur dans le geste suicidaire » du Pr Mégnien. « De manière symbolique depuis la fenêtre de son bureau qu’il ne voulait pas quitter », « de manière réfléchie puisqu’il a fallu qu’il dévisse la fenêtre de son bureau ».

La famille du professeur « a gardé le silence pendant sept longues années afin de laisser la justice travailler sereinement », a déclaré à l’AFP son avocate, Me Christelle Mazza. « Il est temps désormais de mettre à jour ce dont certains médecins de haut niveau et l’administration hospitalière sont capables. Le harcèlement moral se niche dans les détails ». L’AP-HP n’a pas souhaité s’exprimer avant l’ouverture du procès, prévu jusqu’au 7 juillet.

Absence de signalement et alerte tardive

« Dans cette affaire, qui est un drame humain, tout est délirant et dans la démesure », a regretté Me Marie Burguburu, avocate d’un des professeurs : « une accusation intégralement portée par une juge d’instruction, avec une ordonnance de renvoi de 232 pages pour un réquisitoire définitif de 25 pages, les droits de la défense allègrement bafoués depuis le début, et maintenant un procès prévu sur 5 semaines ».

L’Inspection générale des affaires sociales (Igas), saisie par la ministre de la Santé de l’époque Marisol Touraine, avait relevé des « dysfonctionnements » et des « manquements » dans la gestion du conflit opposant le Pr Mégnien et certains de ses collègues.

L’Igas avait pointé notamment « l’absence de signalement et l’alerte tardive sur la souffrance du Pr Mégnien » et des défaillances n’ayant « pas permis à la direction de saisir la médecine du travail, ni la médecine de prévention » de la faculté de médecine dont dépendait le professeur.

Le suicide du cardiologue avait libéré la parole sur la souffrance au travail des médecins, mettant en lumière l’absence de prévention et de prise en charge. Un plan pour « mieux prévenir les risques psychosociaux dans les hôpitaux » avait été mis en place un an après.

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