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Opinion

Le système de santé canadien n’est finalement pas si équitable

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Unité de soins intensifs de l'hôpital Humber River à Toronto, le 28 avril 2021.

Photo: par COLE BURSTON/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

Au cours des 14 dernières années, le Dr Brian Day, un chirurgien de Vancouver, a mis beaucoup d’efforts pour une réforme dans les soins de santé, en insistant que les patients devraient avoir le droit de payer pour des soins de santé privés, si leur bien-être est menacé en raison de l’attente dans le système public, souvent stagnant et surchargé.
Il a fait valoir que les attentes prolongées violent le droit constitutionnel d’un patient à la vie, à la liberté et à la sécurité.
Cet argument semble raisonnable pour deux raisons.
Tout d’abord, les Canadiens peuvent déjà payer pour une chirurgie plastique, des traitements de fertilité et des chirurgies oculaires, ainsi que des traitements en clinique de dermatologie, de veines et de pieds, entre autres.
Comme les Canadiens peuvent payer pour être beaux, ils devraient nécessairement pouvoir payer pour soulager leur douleur et maladie.
Deuxièmement, le Canada est le seul pays développé s’appuyant exclusivement sur un système de financement public et empêchant ses citoyens d’utiliser leur propre argent pour payer les soins médicaux nécessaires. Tous les autres pays développés disposent de systèmes publics et privés parallèles qui garantissent aux citoyens des soins lorsque nécessaire. En particulier, ces pays n’ont pas de listes d’attente le Canada.
Cependant, un tribunal de Colombie-Britannique a jugé qu’il était légal pour le gouvernement d’empêcher les citoyens de payer pour leurs propres soins médicaux. Malgré le préjudice causé aux patients, le système d’assurance-maladie est un bien public qui doit être protégé, même si des personnes meurent chaque jour en attendant pour un service médical.
Il n’est pas surprenant que le Dr Day ait porté cette question devant la Cour suprême du Canada, mais la plus haute juridiction du pays a refusé d’entendre l’affaire. Cette audience, si elle avait eu lieu, aurait pu initier un changement positif et nécessaire dans un système de santé canadien dysfonctionnel.
La fin abrupte de l’action en justice entreprise par le Dr Day est tout simplement hypocrite et mal fondée.
Sur le plan politique, la plupart des ministres provinciaux et territoriaux de la santé ont déclaré qu’il s’agissait d’une victoire pour le système de santé universel, alors que de nombreuses provinces font désormais appel à (c’est-à-dire qu’elles paient) des cliniques privées pour effectuer des opérations chirurgicales afin de réduire les listes d’attente dangereusement longues et ridicules du système.
De même, de nombreux Canadiens ont considéré la décision de la Cour suprême comme un triomphe pour les gens « normaux », car elle signifie que le système de santé canadien traite ostensiblement tout le monde sur un pied d’égalité et que les soi-disant « riches » ne peuvent pas utiliser leur argent pour « acheter » un traitement médical et bénéficier d’un service plus rapide. Pour une raison quelconque, ces Canadiens pensent que l’idéal de l’accès universel – tout le monde attendant son tour – aux soins de santé égalise en quelque sorte les règles du jeu.
Mais devinez quoi ?
Le système de santé canadien n’est pas aussi juste qu’il le prétend : certaines personnes ont accès aux soins médicaux plus rapidement que d’autres.
La liste des privilégiés comprend toutes les personnes couvertes par l’assurance maladie fédérale. Les juges, les députés, les fonctionnaires fédéraux, les sénateurs, la GRC, les militaires et les prisonniers fédéraux bénéficient d’un accès préférentiel aux services de santé, y compris aux soins de santé privés. En d’autres termes, les législateurs fédéraux qui maintiennent les lois archaïques qui rendent les soins privés illégaux bénéficient d’un accès total aux soins de santé privés lorsqu’ils en ont besoin.
Selon le Dr Day, les travailleurs syndiqués couverts par l’assurance de la Commission des accidents du travail constituent le groupe démographique le plus courant des patients de sa clinique chirurgicale privée. Les syndicats ont compris depuis longtemps qu’il était moins coûteux de payer l’opération d’un travailleur que d’effectuer des paiements aux travailleurs qui poirotent sur des listes d’attente pendant des mois, voire des années. Il en va de même pour les employés de nos nombreuses sociétés d’État.
Le fait d’être riche ne fait pas la différence, comme semblent le croire de nombreux Canadiens. Fait remarquable, les personnes qui paient de leur poche pour des services chirurgicaux ne représentent que 10 % des patients du Dr Day.
Pourquoi si peu ?
Parce que la plupart des personnes fortunées se rendent aux États-Unis ou dans d’autres pays pour acheter un accès immédiat aux soins de santé. Les décisions des tribunaux canadiens n’ont aucun impact sur leurs décisions. Par conséquent, l’idée selon laquelle l’élimination des établissements de santé privés au Canada imposera des restrictions aux « riches » du pays est contraire à la réalité. La politique de deux poids, deux mesures demeure.
Ironiquement, la fin du procès pour le Dr Day intervient au moment où les Canadiens commencent à reconnaître que le système de santé universel est défaillant et qu’il n’y a pas assez d’argent pour le réparer. Selon un sondage Ipsos réalisé en janvier, 59 % des Canadiens sont favorables à la prestation privée de soins de santé financés par l’État, et 85 % estiment que des « changements radicaux » sont nécessaires pour répondre à leurs besoins en matière de santé.
Cette décision de la Cour suprême montre clairement que nous ne pouvons plus faire confiance aux tribunaux pour mettre en place les réformes nécessaires dans le domaine de la santé. Nous ne pouvons pas non plus attendre de nos dirigeants politiques qu’ils effectuent les changements nécessaires ; pour la plupart, ils n’ont pas la vision et la perspective nécessaires pour lancer des innovations positives.
Il ne reste plus qu’aux Canadiens, ou plus probablement, aux patients canadiens à souligner les échecs de notre système public et à plaider en faveur d’un changement sérieux.
Malheureusement, alors que ces patients crient, trop d’entre eux mourront avant d’être soignés et avant que des changements ne soient apportés.
Malheureusement, ils sont tels les canaris anciennement utilisés par les mineurs, cependant cette fois pour notre système de santé, et notre incapacité à le réformer ce fait à leurs dépens.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Susan Martinuk est une chercheure principale pour le Frontier Centre for Public Policy, un groupe de réflexion canadien sur les politiques publiques et auteur.

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