Toute censure est vouée à l’échec

Par David Thunder
9 mars 2024 02:23 Mis à jour: 9 mars 2024 02:23

L’ère numérique expose les gens à un éventail vertigineux de sources d’information et de vérités. L’époque où l’information publique était vérifiée par quelques journaux, chaînes de télévision et stations de radio de premier plan est révolue. C’est dans ces conditions que l’idée de recourir à la censure et au contrôle par le biais d’experts peut être tentante : on y voit un moyen efficace de mettre de l’ordre, de la cohérence et de la prévisibilité dans ce micmac d’informations et de preuves contradictoires. Mais c’est une solution (aussi réconfortante soit-elle sur le plan émotionnel) qui en fin de compte est vouée à l’échec, car elle suppose naïvement qu’il est parfaitement possible de combiner recherche rationnelle et contrôle autoritaire.

L’idée selon laquelle les citoyens en quête de vérité bénéficieraient grandement de la mise en place de mécanismes de tri est assez séduisante : cela permettrait d’éliminer les informations fausses ou trompeuses avant qu’elles ne parviennent sur les tablettes de la population. C’est une idée qui repose sur un principe de confiance vis-à-vis des censeurs , en ce que l’on s’imagine qu’ils ne cibleront que les informations fausses et trompeuses, et ce de manière totalement rigoureuse et impartiale. Dans ce monde hautement idéalisé, on se prend à croire que la mise en place de règles centralisées pour lutter contre la « mésinformation » (informations fausses ou trompeuses) et la « désinformation » (informations intentionnellement fausses ou trompeuses) permettrait de purger la place publique des erreurs et des mensonges.

Cependant, dans notre monde réel et non idéal de petits intellectuels, de penseurs qui ne raisonnent que de façon superficielle, de lâches, de carriéristes égoïstes et de crapule occasionnelle, la censure politique et scientifique ne fonctionne jamais de cette manière. Dans ce monde non idéal fait de connaissance imparfaite et de corruption potentielle, la censure risque tout aussi bien d’entraver la vérité que de la faciliter.

La sagesse et le savoir d’une personne n’est pas infaillible

Considérons tout d’abord le fait que personne, pas même la personne la plus éduquée ou la plus brillante, ne possède un savoir parfait et infaillible, que ce soit sur des questions morales ou scientifiques. Bien sûr, certaines personnes peuvent être mieux informées que d’autres ou plus sages sur telle ou telle question. Cependant, l’idée que quelqu’un puisse jouir d’une forme de connaissance ou de sagesse qui soit la seule à être infaillible ou à l’abri de toute contestation est absurde. Qui d’autre que Dieu seul pourrait racheter une affirmation aussi farfelue, et sur quelle base ?

L’idée qu’il existe une classe supérieure de personnes dont le savoir et les connaissances l’emportent automatiquement sur le savoir et les connaissances des autres est incompatible avec l’expérience ordinaire, qui confirme que des personnes réputées très savantes et sages peuvent commettre des erreurs graves, voire catastrophiques. En outre, elle repose sur une vision profondément naïve et erronée du processus complexe et désordonné par lequel la connaissance humaine est acquise.

La quête de vérité est un processus difficile

La quête humaine de vérité est un processus difficile, et engendre des rebondissements inattendus. Ce n’est en aucun cas une forme d’enquête dont le résultat pourrait être prédéterminé ou contrôlé de manière rigide à l’avance. La vérité émerge progressivement, à travers un processus continu de correction et d’affinement, un processus dans lequel les preuves et les arguments jouent un rôle au moins aussi important que les références épistémiques et le prestige.

Ce processus de correction et d’affinement ne peut avoir lieu que dans des conditions où les participants au débat sont libres d’avancer leurs opinions et de soulever les objections qu’ils jugent appropriées. Toute tentative d’immuniser un certain ensemble d’opinions contre la critique ou la remise en question va inévitablement et artificiellement court-circuiter le processus de découverte et favoriser le dogme du censeur.

C’est le processus de découverte lui-même, plutôt que les vérités éternelles solennellement promulguées par une classe d’ « experts », qui permet de découvrir les mérites et les limites des opinions des autres. Il n’y a tout simplement aucun moyen de décider, une fois pour toutes, qui est le plus proche de la vérité ou qui est l’ « esprit le plus brillant » dans la salle, en l’absence d’une enquête et d’un débat rationnels ouverts et non contraints.

Un processus fiable pour recruter les meilleurs et les plus brillants ?

Mais supposons, pour les besoins de l’argumentation, qu’il existe effectivement une personne qui, sans être infaillible, possède une forme de connaissance à des années-lumière de la plupart des autres citoyens, et qui est donc qualifiée pour juger les opinions des autres, et faire remonter aux autorités les affirmations fausses et trompeuses afin qu’elles les retirent des plateformes. Comment pourrions-nous identifier une telle personne, et être sûr de pouvoir lui confier le pouvoir d’arbitrer les affirmations morales et scientifiques de ceux qui sont moins bien informés et moins sages ?

Dans une société vaste comme la nôtre, il est impossible d’avoir une connaissance intime de l’intelligence, de la sagesse et du savoir de tous les citoyens. Par conséquent, ceux qui sont en mesure de conférer des pouvoirs de censure utiliseront un mécanisme de tri, tel que la reconnaissance sociale ou le prestige. Par exemple, quelqu’un pourrait être nommé censeur parce qu’il possède un doctorat de l’université de Harvard, ou un impressionnant dossier de publications, ou un prix Nobel, ou des lettres de recommandation réconfortantes d’autres experts réputés.

Le problème est qu’aucune de ces références, aussi impressionnantes soient-elles, ne peut raisonnablement garantir que quelqu’un mérite de juger les affirmations de ses collègues et de ses concitoyens. En effet, ni les connaissances morales, ni les connaissances scientifiques, ni la compréhension ne correspondent au prestige professionnel. La reconnaissance et le respect des pairs sont influencées par des facteurs non scientifiques tels que la politique et la pensée de groupe, et peuvent prendre une direction très différente de celle du progrès scientifique et de l’éveil des consciences.

Le fait qu’un individu gagne le statut de célébrité parmi ses pairs et qu’un autre ne le gagne pas ne nous dit pas lequel de ces individus est le plus sage ou le plus perspicace dans ses jugements. Le fait que les travaux d’un scientifique trouvent grâce auprès d’un comité Nobel ou attirent le patronage d’une institution importante ne signifie pas nécessairement que d’autres scientifiques ayant des références différentes, ou moins prestigieuses, sont moins fiables ou ont une moins bonne compréhension de la réalité.

Dans un régime de censure contrôlé par l’expertise, un « fact-checker » nommé par l’OMS aurait l’autorité de déclarer, par décret, que les opinions d’un scientifique n’appartenant pas à l’OMS devraient être censurées ou éliminées de la sphère publique, car ce scientifique partage, selon leurs critères, des informations fausses ou trompeuses. Mais le fait que les opinions de quelqu’un soient approuvées par l’OMS ou ses « experts » désignés ne signifie pas qu’elles sont vraies, à moins de penser que seuls ces experts en question sont à l’abri de l’erreur, ce qui est évidemment absurde. Un expert de l’OMS est tout aussi sujet à l’erreur qu’un expert travaillant dans une autre institution.

Le fait est qu’il n’existe pas de classe d’experts dont les opinions méritent automatiquement de prendre le pas sur celles des autres et d’être hermétiques à toute critique. Si nous acceptions l’existence d’une telle classe, nous devrions rejeter la conception dominante de l’entreprise scientifique, à savoir la présentation d’hypothèses fondées sur des preuves et susceptibles d’être réfutées et corrigées publiquement au sein de la communauté scientifique. En effet, dans un régime où certains individus peuvent unilatéralement censurer ce qu’ils considèrent comme des informations « fausses ou trompeuses », les opinions des censeurs sont effectivement à l’abri de toute contestation, correction ou réfutation publique de la part de leurs pairs. Il s’agit là de l’antithèse même de la science et de la recherche rationnelle.

Les outils de la censure sont une invitation aux dérives

Outre le fait qu’aucun groupe d’individus ne peut prétendre de manière plausible être plus sage ou mieux informé que les autres, il existe un risque très sérieux que les instruments de la censure morale et scientifique soient utilisés de manière inappropriée à des fins privées ou politiques.

Le pouvoir de faire taire de manière sélective les opinions de certains citoyens est un instrument de contrôle important. Il peut s’agir de réduire au silence des esprits critiques qui dérangent ou de vouloir protéger une industrie juteuse du regard des autres. Un tel pouvoir placé entre les mains de politiciens ambitieux ou de régulateurs publics serait une invitation permanente à la corruption et aux dérives.

La censure est aussi vieille que la politique. Il sera toujours dans l’intérêt de certains – généralement les puissants – de contrôler le flux d’informations et d’arguments, que ce soit pour protéger leur carrière ou pour renforcer un discours qui les maintient au pouvoir. La seule chose qui change vraiment, d’un point de vue historique, c’est que la censure est rationalisée et habillée dans le langage et les concepts de son époque. Il fut un temps où les hérétiques étaient censurés parce qu’ils portaient atteinte aux vérités éternelles de la foi ; aujourd’hui, les scientifiques sont censurés car accusés par les censeurs aux commandes de propager de la « désinformation ».

Publié à l’origine sur le site Substack de l’auteur, repris du Brownstone Institute.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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