Le maire d’Istanbul, principal opposant d’Erdogan et en prison depuis le mois de mars, risque jusqu’à 2340 ans de prison
Le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, principal rival du président turc Recep Tayyip Erdogan, fait désormais l’objet de poursuites officielles pour 142 infractions. Selon l’acte d’accusation révélé mardi par le parquet de la ville, consulté par l’AFP, l’édile est incarcéré depuis mars.

ANKARA, TURQUIE – 14 septembre 2025 : Le chef du CHP, Özgür Özel, s’adresse à la foule à la veille d’une audience pouvant annuler le congrès 2023 du parti et menacer son poste. Plusieurs membres du CHP, dont le maire d’Istanbul Ekrem İmamoğlu, sont détenus pour corruption présumée.
Photo: Serdar Ozsoy/Getty Images
Âgé de 54 ans, Ekrem Imamoglu, arrêté en mars pour « corruption », est présenté par la justice comme le chef d’une organisation criminelle. Selon l’agence officielle Anadolu, il encourt une peine de prison pouvant atteindre 2430 ans.
Le maire de la plus grande métropole turque, candidat du principal parti d’opposition à la prochaine présidentielle, se voit notamment reprocher fraude, blanchiment et falsification d’appels d’offres. L’acte d’accusation, volumineux de plus de 3700 pages, place M. Imamoglu au centre d’un vaste réseau qualifié de « pieuvre ». Ce dernier dénonce farouchement toutes les charges portées à son encontre. Figure du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), il bénéficie du soutien actif de la principale force d’opposition au Parlement.
« Ce qui s’est passé aujourd’hui est un cas flagrant d’ingérence judiciaire dans la politique », a estimé sur X Özgür Özel, patron du CHP, fustigeant une justice qui, selon lui, cherche à entraver la candidature d’Ekrem Imamoglu à la magistrature suprême. Affirmant que « cette affaire n’a rien de juridique ; elle est purement politique », il n’a pas hésité à qualifier les magistrats de « putschistes ».
Un procès fleuve et des ramifications politiques
Au total, 402 suspects figurent dans le dossier, parmi lesquels de proches collaborateurs du maire arrêtés simultanément le 19 mars et accusés d’avoir agi au sein de la même « organisation à but lucratif ». Le parquet décrit une structure ayant provoqué, sur une décennie, un préjudice estimé à 160 milliards de livres turques (soit 3,3 milliards d’euros) et 24 millions de dollars (20,7 millions d’euros) au détriment de l’État.
Le parquet affirme que l’organisation aurait été créée pour permettre à Ekrem Imamoglu de prendre le contrôle du CHP et de générer les fonds nécessaires à sa candidature présidentielle. Plusieurs autres maires CHP et administrateurs municipaux sont visés pour des infractions diverses, telles que trucages d’appels d’offres, blanchiment, tentative d’abus de pouvoir et corruption.
Vers un procès très attendu
L’acte d’accusation, transmis à un tribunal d’Istanbul, sera examiné avant la programmation du procès. Le procureur général, Akin Gürlek, souligne que M. Imamoglu, « en tant que dirigeant d’une organisation, (…) est également tenu responsable des crimes commis par d’autres ». Il précise que l’audience se tiendra dans l’enceinte de la vaste prison de Marmara, à Silivri, où le maire est incarcéré à l’isolement.
Son arrestation, qualifiée de « coup d’État » par le CHP, avait engendré une vague de protestation inédite depuis 2013. Toutefois, les manifestations quotidiennes ont cessé après près de 2 000 interpellations. Dans le même élan, le parquet souhaite poursuivre le CHP pour « violation de la Constitution », accusant ce parti d’avoir transmis illégalement des listes électorales par le biais du réseau présumé d’Imamoglu.
Ekrem Imamoglu, qui fait aussi l’objet d’autres enquêtes et a vu son diplôme universitaire invalidé en mars — compromettant sa candidature présidentielle —, affronte une nouvelle procédure pour « espionnage », ouverte fin octobre en lien avec sa campagne de 2019.
Selon le président du CHP, Özgür Özel, « tous ces procès ne visent qu’à maintenir notre candidat en prison », une accusation réitérée lors de la récente comparution du maire devant la justice en septembre.

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