Un lanceur d’alerte avait signalé des problèmes de sécurité dans le submersible disparu et avait été licencié

Par Tom Ozimek
23 juin 2023 03:29 Mis à jour: 25 juin 2023 18:41

Un lanceur d’alerte de la société propriétaire du submersible disparu lors d’une plongée sous-marine autour du Titanic avait révélé l’existence de problèmes de sécurité, et a été licencié par la suite.

David Lochridge a été directeur des opérations maritimes chez OceanGate, l’entreprise propriétaire du submersible « Titan », disparu le 18 juin.

Il a été licencié en janvier 2018 peu de temps après avoir signalé des problèmes relatifs à la coque en fibre de carbone et à d’autres systèmes, selon une plainte déposée par M. Lochridge contre OceanGate à la suite de son licenciement.

Lors d’une réunion à Washington pour discuter de la livraison du Titan par le département d’ingénierie d’OceanGate à l’unité opérationnelle de M. Lochridge, des problèmes de contrôle de qualité ont été soulevés, notamment le fait qu’il y ait eu des « défauts évidents [présents] tout au long du processus de construction », d’après la plainte.

Les dirigeants d’OceanGate avaient demandé à M. Lochridge de procéder à une inspection de la qualité de l’engin expérimental, mais selon l’état de la plainte, il s’est vu refusé l’accès à des documents clés, et les communications verbales qu’il a eu avec la direction sur l’existence de problèmes de sécurité et de contrôle de la qualité ont été ignorées.

Le logo d’OceanGate est apposé sur un bateau dans le chantier naval du port d’Everett, à Everett (Washington), le 20 juin 2023. Stockton Rush, amateur de sensations fortes en haute mer, a fondé OceanGate en 2009 dans l’espoir de faire progresser la technologie des véhicules submersibles et d’emmener les voyageurs dans les profondeurs les plus sombres de l’océan. Lors d’une telle mission, le 18 juin 2023, le submersible – avec M. Rush à bord – a disparu, perdant le contact avec le navire de surface moins de deux heures après avoir entamé sa descente. (Photo by Jason Redmond / AFP) (Photo by JASON REDMOND/AFP via Getty Images)

Il a publié son rapport d’inspection le 18 janvier 2018, dans lequel il détaille « de nombreux problèmes qui posent de graves problèmes de sécurité », tout en formulant des recommandations de mesures correctives.

« Il est maintenant temps d’aborder correctement les points qui peuvent présenter un risque pour la sécurité du personnel. Les échanges verbaux pour discuter de ces éléments clés, détaillées dans le document ci-joint, ont été ignorés à plusieurs reprises, c’est pourquoi j’estime qu’il est nécessaire de faire ce rapport pour qu’il y ait une trace écrite officielle », a écrit M.Lochridge dans le préambule du rapport, selon les documents déposés.

L’un des problèmes de sécurité signalés dans son rapport est le fait que des « défauts visibles » dans la fibre de carbone utilisée dans la coque du submersible ont été relevés, qui pourraient provoquer des déchirures plus importantes en cas de « cycles de pression », ou de changements de pression lorsque l’engin descend à des profondeurs océaniques extrêmes.

OceanGate n’a pas répondu à une demande de commentaire pour cet article.

Inquiétudes concernant les essais non destructifs

Selon le procès, le lanceur d’alerte était surtout préoccupé par le fait que la coque du Titan n’avait pas fait l’objet d’essais non destructifs.

« M. Lochridge a été informé à plusieurs reprises qu’aucun balayage de la coque ou de la ligne de liaison ne pouvait être effectué pour vérifier les délaminations, la porosité ou les vides d’adhérence de la colle utilisée, pour des raisons liées à l’épaisseur de la coque », peut-on lire dans la plainte.

Au lieu de suivre des méthodes d’essai non destructives, OceanGate a préféré s’en remettre à un système de surveillance acoustique, dont la fonction est de détecter tout début de rupture de la coque en cas de faille.

Selon la société, son système de surveillance acoustique, développé en interne, constitue un dispositif de sécurité « inégalé » pour contrôler l’intégrité de la coque de l’engin à chaque plongée.

« Ce système d’analyse et d’alerte à bord permet au pilote d’être alerté rapidement et de disposer de suffisamment de temps pour arrêter la descente et revenir à la surface en toute sécurité », a écrit OceanGate dans un blog.

Toutefois, M. Lochridge s’est inquiété du fait qu’une analyse acoustique ne permettait pas de détecter l’existence de défauts préexistants dans la coque, mais uniquement en cas de pression sur celle-ci, précisant que la faille ne serait détectée « que lorsqu’un composant est sur le point de céder, soit quelques millisecondes avant l’implosion ».

Plus de détails

Citant des défauts « prévalents » dans le modèle à l’échelle 1/3 testé précédemment et des défauts « visibles » dans les échantillons de fibre de carbone pour le vaisseau, M. Lochridge a souligné à plusieurs reprises l’existence d’un danger potentiel pour les passagers du Titan lorsque celui-ci atteindrait des profondeurs extrêmes.

« Le cycle de pression constant fragilise les défauts existants, et entraîne de grandes déchirures du carbone », peut-on lire dans la plainte. « Des essais non destructifs étaient indispensables pour détecter les défauts potentiellement existants et garantir un produit solide et sûr pour la sécurité des passagers et de l’équipage ».

Le lendemain de la remise de son rapport, M. Lochridge était convoqué par les dirigeants d’OceanGate. Il a compris, lors de cette réunion, pourquoi on lui avait refusé l’accès à la documentation technique des ingénieurs sur le construction du hublot..

« Le hublot situé à l’avant du submersible n’a été construit que pour une pression certifiée de 1300 mètres, alors qu’OceanGate avait l’intention d’emmener ses passagers à des profondeurs de 4000 mètres », peut-on lire dans la plainte.

Il a découvert que le fabricant du hublot ne le certifiait que pour une profondeur de 1300 mètres (4265 pieds) en raison de sa nature expérimentale et qu’OceanGate refusait de payer le fabricant pour qu’il construise un hublot capable de résister à la profondeur extrême à laquelle le Titan était censé descendre.

L’épave du Titanic repose au fond de l’océan Atlantique à une profondeur d’environ 3800 mètres.

M. Lochridge a également fait part de ses inquiétudes concernant les matériaux inflammables dangereux utilisés dans l’engin et a déclaré au cours de la réunion qu’il n’autoriserait aucun essai habité du Titan à moins que la coque ne fasse l’objet d’un contrôle non destructif.

Il a été licencié à la fin de la réunion et escorté hors du bâtiment.

OceanGate a poursuivi M. Lochridge en justice, l’accusant dans une plainte d’avoir écrit un rapport erroné et de s’être rendu coupable de fraude en inventant un prétexte pour se faire licencier.

La société a examiné son ordinateur portable professionnel et « a constaté que son disque dur avait été nettoyé de tous les documents de la société (…), ce qui suggère qu’il souhaitait se faire renvoyer et qu’il avait préparé son rapport et répondu à OceanGate au cours de la réunion de manière à précipiter son licenciement », selon la plainte.

Par la suite, M. Lochridge a intenté une action en justice pour licenciement abusif.

Epoch Times n’a pas été en mesure de joindre M. Lochridge pour un commentaire.

Le Titan a effectué son premier voyage vers l’épave du Titanic en 2021.

« Nous avons dû surmonter d’énormes défis techniques, opérationnels, commerciaux et finalement le Covid-19, pour en arriver là, et je suis très fier de cette équipe et reconnaissant du soutien de nos nombreux partenaires », avait déclaré Stockton Rush, fondateur et PDG d’OceanGate, dans un communiqué à l’époque.

Le submersible de 6.5 mètres de long a été porté disparu le 18 juin à environ 435 miles au sud de St. John’s, à Terre-Neuve, au Canada, après qu’il ne soit pas revenu au Polar Prince, le navire de recherche canadien à partir duquel il avait été mis à l’eau.

M. Rush, le plongeur français Paul-Henri Nargeolet, le milliardaire britannique Hamish Harding et l’homme d’affaires pakistanais Shahzada Dawood et son fils se trouvaient à bord.

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