Un rapport inadéquat des services secrets américains sur la mort de Khashoggi pour renverser le prince héritier saoudien et plaire à l’Iran

Par Stephen Bryen
28 février 2021 18:53 Mis à jour: 1 mars 2021 06:13

L’Arabie saoudite est un pays autoritaire où les chefs religieux ont un pouvoir énorme et où la famille royale en a encore plus. Ses normes en matière de justice sont très différentes des normes européennes et américaines.

Ainsi, lorsque la CIA rédige un rapport sur la mort d’un journaliste saoudien aux mains d’hommes de main saoudiens, il n’est pas surprenant que le rapport, publié par le Bureau du directeur du renseignement national (ODNI), pointe du doigt le prince héritier saoudien, Mohammed bin Salman. Ce qui est surprenant, c’est que le rapport sur le meurtre de Jamal Khashoggi n’occupe que les trois quarts d’une page et soit rempli d’insinuations qui semblent avoir été faites par un amateur.

D’accord, quatre pages seulement ont été publiées : une page de couverture; une page avec le résumé (ci-dessous) ; une page qui répète le résumé et qui ajoute quatre puces d’insinuations ; il y a une liste d’individus à la fin de la troisième page et qui se prolonģe jusqu’à la quatrième page, et c’est tout.

Le résumé complet vaut la peine d’être lu :

« Nous estimons que le prince héritier d’Arabie saoudite, Muhammad bin Salman, a approuvé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

– Nous basons cette estimation sur le contrôle qu’exercice le prince héritier sur la prise de décision dans le royaume, l’implication directe d’un conseiller clé et des membres du détachement de protection de Muhammad bin Salman dans l’opération, et le soutien du prince héritier à l’utilisation de mesures violentes pour faire taire les dissidents à l’étranger, dont Khashoggi.
– Depuis 2017, le prince héritier a le contrôle absolu des organisations de sécurité et de renseignement du Royaume, ce qui rend très improbable que des fonctionnaires saoudiens aient mené une opération de cette nature sans l’autorisation du prince héritier. »

Aucune preuve n’est présentée.

En effet, la formulation « Nous estimons » n’est pas une affirmation confiante. En outre, le rapport ne contient aucune source humaine (pas même anonyme ou censurée), pas de preuves physiques, et même pas de preuves du tout. Juste «  nous estimons » parce que le prince héritier a « le contrôle de la prise de décision » et « le contrôle absolu » des opérations de renseignement. Est-ce que nous avions vraiment besoin d’un rapport pour cela ?

Plus tard, sur la même page, le rapport note : « Le prince héritier a probablement favorisé un environnement dans lequel les assistants craignaient que l’échec de l’accomplissement des tâches assignées puisse l’amener à les licencier ou à les arrêter. »

Probablement ?

Nous ne savons pas si le prince héritier a ordonné le meurtre de Khashoggi, ou s’il a ordonné sa capture, ou s’il a ordonné quoi que ce soit. On pourrait également affirmer que, dans un « environnement où les collaborateurs avaient peur » et sachant que le prince héritier méprisait Khashoggi, ils ont pris sur eux de se débarrasser de ce pauvre homme, espérant obtenir les faveurs d’un patron exigeant. L’ont-ils fait ? Qui sait ? Le prince héritier a-t-il ordonné le meurtre ? Qui sait ? Pas la CIA, apparemment.

Le rapport est plus une mise en accusation de la politisation de la CIA qu’un document qui dit au gouvernement quoi que ce soit de valable sur l’Arabie saoudite. Tout ce que contient ce document sur les trois quarts de page a été publié dans les journaux.

Comment l’ODNI a-t-il pu publier un rapport d’une qualité aussi douteuse ? Prenez note que le rapport n’est approuvé par aucun fonctionnaire des services de renseignement – il a été publié par « le Bureau du directeur ». Se pourrait-il que le rapport ait été rédigé de telle manière que l’Arabie saoudite puisse facilement en souligner les défauts, mais que personne du côté américain ne puisse être tenu pour responsable ? Ce genre de complot aurait ravi Shakespeare.

Alors que le prince héritier pourrait parfaitement avoir les mains sales dans cette sordide affaire, pourquoi la CIA le dit-elle alors qu’elle ne le sait clairement pas ? Et même si nous en étions sûrs, pourquoi chercherions-nous à créer une crise politique en Arabie saoudite, un allié important et un grand producteur de pétrole ?

En fait, le rapport a été publié par l’administration pour renverser le prince héritier au pouvoir. Peu importe que le rapport soit crédible – ce qui compte, c’est que le président américain Biden le dise. Et il est important qu’il travaille en faveur de l’Iran.

M. Biden a lancé « une offensive de charme » pour convaincre les Iraniens de reprendre les négociations sur un nouveau pacte concernant le programme nucléaire iranien. Les Iraniens s’attendent à être payés à l’avance et saper le prince héritier Mohammed bin Salman est un billet d’entrée.

Par conséquent, le rapport est mieux compris dans le contexte d’autres mesures imprudentes prises par l’administration Biden : Le «  gel » des ventes d’armes aux ÉAU et à l’Arabie saoudite, l’arrêt de l’aide des services de renseignement à la coalition arabe contre les Houthis, le retrait des Houthis de la liste des terroristes et la collaboration avec la Corée du Sud pour débloquer au moins un milliard de dollars d’avoirs iraniens.

Le retard de Biden à appeler le Premier ministre israélien fait partie de la même politique, tout comme le fait de revenir sur la réaffirmation de la politique américaine concernant la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan et de saper les accords d’Abraham en arrêtant la vente de F-35 aux Émirats arabes unis.

Alors même que le président américain Trump était en fonction, John Kerry rencontrait le ministre iranien des Affaires étrangères pour définir le cadre d’un accord une fois que Biden aurait été élu. Bien que cela constitue très certainement une violation de la loi Logan, Biden ne l’appliquera pas parce que Kerry a travaillé sous son ordre.

Le président Biden est en bonne voie pour déstabiliser le golfe Persique et encourager l’Iran, un des principaux commanditaires du terrorisme régional et international. Et ses alliés au Congrès lui apportent leur aide.

Le député Adam Schiff, qui dirige aujourd’hui la commission des renseignements de la Chambre des représentants, souhaite que l’administration impose « de graves répercussions » aux responsables, peu importe ce que cela puisse signifier. M. Schiff n’a pas demandé à examiner le rapport, ni à voir les sources d’information ou à examiner les faits (ou leur absence), il veut juste du sang.

De préférence celui du prince héritier Mohammed bin Salman.

Stephen Bryen est l’auteur du nouveau livre “Security for Holy Places” (sécurité des lieux saints) Shoshana Bryen est directrice principale du Jewish Policy Center à Washington, D.C.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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