Un Xi Jinping au pouvoir amoindri perd de son influence dans les pourparlers avec les États-Unis

Des experts signalent des signes de déclin de l'autorité de Xi Jinping, ce qui nuit à son influence dans les négociations entre les États-Unis et la Chine

Par Olivia Li
7 juin 2025 23:41 Mis à jour: 10 juin 2025 12:56

Après une absence de 14 jours, le dirigeant chinois Xi Jinping est réapparu le 4 juin pour accueillir le président biélorusse Alexandre Loukachenko dans sa résidence officielle à Pékin. La rencontre s’est déroulée dans une atmosphère plutôt sombre, les médias chinois et bélarusses la décrivant comme « familiale » et informelle. Contrairement aux visites d’État habituelles, elle n’a fait l’objet que d’une couverture médiatique limitée, ce qui souligne son caractère discret.

Ces développements inhabituels, conjugués aux nombreuses allégations de lanceurs d’alerte suggérant que Xi Jinping n’exerce désormais que des fonctions nominales, ont suscité de nombreuses spéculations sur des troubles politiques au sein de la haute direction du Parti communiste chinois (PCC). Certains experts estiment que Xi Jinping pourrait perdre son emprise autrefois incontestée sur le pouvoir, ou du moins être confronté à des contraintes internes quant à son pouvoir décisionnel, notamment sur des questions clés comme les négociations sino-américaines.

Dans une interview accordée à Epoch Times le 3 juin, Wu Zuolai, un universitaire et commentateur politique basé aux États-Unis, a proposé une analyse détaillée de ce qu’il considère comme des changements significatifs dans la position de Xi Jinping au sein du PCC.

Selon M. Wu, la position de leadership de Xi Jinping a été considérablement affaiblie depuis la troisième réunion plénière du PCC en juillet 2024, avec l’émergence d’un nouveau contrepoids interne, dirigé par des factions réformistes et modérées.

« Un groupe central temporaire semble avoir mis sur la touche l’autorité centrale de Xi Jinping », a estimé M. Wu.

Selon lui, cette force réformatrice s’appuie probablement sur l’héritage politique de dirigeants à la retraite tels que Wen Jiabao et Hu Jintao, avec le soutien de certains membres du Politburo et de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), l’organe consultatif suprême du pays.

« Regardez les remaniements de personnel en cours : ils viennent de toutes les directions, et pas seulement des loyalistes de Xi. Ensemble, ils forment un réseau diversifié de contrôles et d’équilibres internes », a-t-il noté. « Beaucoup de ceux qu’il avait promus auparavant ont été écartés, suggérant un effort systématique pour démanteler les fondations du pouvoir à long terme de Xi. »

M. Wu a décrit ce changement non pas comme une défiance ouverte, mais comme un rééquilibrage silencieux du pouvoir, motivé par des changements de personnel et des ajustements politiques visant à freiner le culte de la personnalité et l’extrémisme politique de Xi.

Pendant l’absence de M. Xi, d’autres membres du comité permanent du Politburo, dont le Premier ministre Li Qiang, ont continué à participer à des événements officiels. Le fait que le PCC n’ait pas donné d’informations sur la tenue au mois de mai de sa réunion de routine du Politburo, qui a généralement lieu à la fin de chaque mois, n’a fait qu’alimenter les spéculations.

Plusieurs analystes ont émis des évaluations similaires.

Le commentateur politique Tang Jingyuan a noté que la couverture médiatique discrète de l’État pendant l’absence de M. Xi est révélatrice.

« Si Xi Jinping avait encore le contrôle total du pays, la machine de propagande se déchaînerait pour réaffirmer son autorité – une pratique courante en Chine », a affirmé M. Tang à Epoch Times. « Au lieu de cela, il a disparu de la scène publique pendant plus de dix jours, et sa couverture médiatique n’a fait que diminuer. Ce qui laisse fortement penser qu’il se passe quelque chose d’important au sommet du Parti. »

Gordon Chang, expert de la Chine et chercheur confirmé d’un groupe de réflexion conservateur américain, a estimé que l’autorité potentiellement diminuée de M. Xi pourrait affecter le succès des négociations commerciales entre lui et le président américain Donald Trump.

« Ne nous faisons pas d’illusions », a- t-il écrit le 2 juin sur le réseau social X. « Xi a perdu beaucoup de pouvoir récemment, il n’a donc probablement plus l’autorité nécessaire pour négocier. »

M. Chang, titulaire d’un diplôme en droit de l’université de Cornell et réputé pour ses analyses critiques du PCC, est l’auteur de plusieurs ouvrages influents sur la Chine, notamment Plan Red : China’s Project to Destroy America (« Plan rouge : le projet chinois de destruction de l’Amérique »), The Great US-China Tech War (« La grande guerre technologique entre les États-Unis et la Chine ») et le très controversé The Coming Collapse of China (« L’effondrement prochain de la Chine ») (2001).

La complexité interne du PCC

M. Wu a averti que la stratégie du président Trump consistant à rechercher un dialogue direct avec Xi Jinping pour résoudre les tensions bilatérales pourrait sous-estimer les complexités internes au sein du PCC aujourd’hui.

Selon M. Wu, M. Trump considère probablement toujours M. Xi comme le principal obstacle dans les négociations entre les États-Unis et la Chine et semble ignorer les importants réalignements politiques qui se déroulent actuellement à Pékin.

« Dans le contexte politique actuel, Washington pourrait devoir envisager des approches audacieuses et inédites face à la Chine », a-t-il suggéré. « Par exemple, il pourrait proposer l’admission de Taïwan aux Nations Unies. »

Il pense qu’en s’appuyant sur des outils politiques tels que le soutien au statut international de Taïwan, les États-Unis pourraient soutenir les réformateurs internes du PCC, qui limiteraient alors davantage les politiques agressives de Xi et ouvriraient la voie à des négociations sérieuses.

« Deux lignes concurrentes au sein du système »

Ces derniers mois, la Chine a connu une série de changements de personnel inhabituels. Le PCC a remplacé son principal responsable des affaires taïwanaises, et son principal représentant chargé de Hong Kong. Le 2 juin, les autorités ont annoncé la mort de Xu Qiliang, un haut commandant militaire, suscitant des spéculations sur les médias sociaux quant aux circonstances suspectes de son décès. Lors du dialogue Shangri-La 2025, qui s’est tenu du 30 mai au 1er juin 2025, la Chine a envoyé son délégué le moins important depuis des années, ce qui a été largement interprété comme un signal inhabituel dans le domaine de la diplomatie militaire.

Selon M. Wu, ces développements témoignent d’une lutte de pouvoir interne croissante qui rappelle les luttes intestines qui ont entouré les manifestations de la place Tiananmen en 1989.

« Il y a désormais deux camps rivaux au sein du système, comme en 1989, avant le massacre de Tiananmen », a indiqué M. Wu. « L’issue reste incertaine, ce qui entraîne des nominations inhabituelles. »

Le massacre, qui a eu lieu le 4 juin 1989, a vu les troupes chinoises réprimer violemment un mouvement prodémocratie mené par des étudiants, entraînant des milliers de morts et de blessés.

Le commentateur politique Li Yanming reconnaît que les multiples développements inhabituels suggèrent que la disparition de Xi Jinping pendant deux semaines était très inhabituelle. Il pense que la haute direction du PCC, par le biais de diverses actions et signaux médiatiques, envoie un message à la fois au sein du Parti et au monde extérieur, indiquant un mouvement de diminution de l’autorité de M. Xi.

« D’une part, cela équivaut à une reconnaissance semi-publique de l’affaiblissement de Xi Jinping. D’autre part, du crédit est accordé aux rumeurs concernant l’exercice effectif du pouvoir par des dirigeants chevronnés tels que Hu Jintao et Wen Jiabao », a-t-il expliqué à Epoch Times. « Une tempête politique se prépare dans les coulisses de Pékin. »

Un moment critique pour la Chine et la stratégie américaine

M. Wu a souligné que les mois à venir seront cruciaux pour déterminer l’avenir de la Chine, ainsi que l’orientation de ses politiques intérieures et étrangères.

Pour les États-Unis, M. Wu estime que les sanctions économiques ou le dialogue à eux seuls ne suffiront probablement pas à modifier la stratégie du PCC.

Au lieu de cela, il a réitéré la nécessité d’une approche plus affirmée, incluant un soutien ouvert à la souveraineté de Taïwan et une pression internationale coordonnée sur Pékin.

« Cette approche pourrait accentuer les divisions au sein du PCC, ce qui permettrait à la réforme interne de prendre racine », a-t-il conclu.

Li Jing et Luo Ya ont contribué à la rédaction de cet article.

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