L’impitoyable chevalier Galgano Guidotti n’avait plus à se battre. Fils d’un noble seigneur de l’époque des croisades, il eut, à l’aube de la trentaine, une vision de saint Michel qui changea sa vie. Galgano a été appelé à renoncer aux pièges du monde et à se soumettre à Dieu. Il a donc abandonné son poste et ses armes pour devenir un ermite, et vivre sur une colline.
En 1180, Galgano se retira dans un ermitage en Toscane. Dans un acte qui scella sa dévotion – littéralement dans la pierre – il enfonça son épée, un instrument de guerre, dans le sol où elle était censée y rester ; cet acte annonçait la paix. La poignée de l’épée et la garde forment le signe christique et sont restées conservées dans la pierre depuis lors.
C’est du moins ce que dit la légende de ce chevalier. Il deviendra saint Galgano lorsqu’après sa mort en 1181, il sera canonisé par le pape Lucius III en 1185. Certains pensent que cette histoire d’« épée dans le rocher » est à l’origine de la légende du roi Arthur, qui a vu le jour vers 1200 et qui porte le même nom.
Il est possible que cette légende soit en réalité née en Italie et qu’elle ait été apportée en Angleterre par ceux qui ont visité la chapelle où l’épée était conservée ou qui ont entendu parler de cette chapelle. Cependant, comme beaucoup de légendes, il est difficile d’en vérifier la véracité, car les récits sont nombreux et contradictoires.
Après la mort de Galgano, le pape fit construire la rotonde de la chapelle Montesiepi sur la colline où la légende se serait déroulée. Près de la ville natale du saint, Chiusdino, à Sienne, en Italie, cette chapelle devait être son tombeau et son mémorial. Enveloppée de pierre, l’épée était conservée dans une enceinte ronde et décrétée relique sacrée par l’Église catholique. À l’époque, les pèlerinages étaient fréquents et de nombreux voyageurs affluaient pour découvrir cette épée magique emprisonnée dans la pierre.
« L’épée dans le rocher a une grande signification », a déclaré à la BBC le curé de la chapelle Montesiepi, Don Vito Albergo, qui s’exprimait en italien. « Elle représente la paix. Alors que si l’épée est retirée cela signifie le début de la guerre. »
Selon M. Albergo, Galgano n’a pas planté son épée dans la pierre à l’endroit où elle se trouve aujourd’hui, mais dans le sol de la colline ; elle a ensuite été déplacée à l’intérieur de la chapelle pour être gardée en lieu sûr.
La légende anglaise de l’épée dans le rocher veut que celui qui la retire de son socle lithique ne soit autre que le roi divinement désigné, le véritable héritier d’Uther Pendragon. C’est peut-être pour cette raison que de nombreux voleurs ont tenté, au fil des siècles, de retirer l’épée de saint Galgano de son emplacement, car elle était peut-être synonyme de grandeur.
« Le problème, c’est que les gens ont une mauvaise compréhension de la signification de l’épée, que si l’on brandit l’épée, on peut dominer le monde », a déclaré M. Albergo. « Jusqu’à il y a 50 ou 60 ans, l’épée pouvait être retirée et remise en place. Rien ne ressemblait à la légende du roi Arthur tirant l’épée de force. »
Du vivant de Galgano, la chapelle affichait un avertissement sous forme d’une paire de mains coupées. L’histoire raconte qu’un voleur qui tentait de s’emparer de l’épée fut attaqué par un loup qui lui arracha les mains, l’empêchant ainsi de s’enfuir avec l’épée. Bien qu’invérifiable, l’histoire est intrigante, car les mains sont toujours exposées aujourd’hui.
Un autre récit fait état d’un voleur réputé qui aurait été foudroyé de la même manière ; l’épée est restée à sa place.
À l’époque moderne, au cours des 46 années de son mandat, M. Albergo a été témoin de deux tentatives pour retirer l’arme médiévale de son rocher. Dans les années 1960, du plomb fondu a été versé dans la fissure, la scellant ainsi pour empêcher d’autres tentatives de vol. Aujourd’hui, l’arme est conservée derrière une vitrine en plastique transparent pour plus de sécurité.
Malgré son attrait, l’authenticité de l’épée reste incertaine. En 2001, des chercheurs ont tenté de déterminer son origine par une analyse scientifique. Bien que le métal lui-même ne révèle pas son âge, le chimiste Luigi Garlaschelli a établi, par un examen chimique et une analyse au microscope, que « la composition du métal et le style sont compatibles avec l’époque couverte par la légende ».
Lors de sa vérification, la poignée, la garde transversale et une partie de la lame se sont brisées alors que le chimiste tentait d’enlever une partie du béton qui l’entourait. M. Garlaschelli a ensuite réalisé une réplique parfaite du segment de la poignée avant de la repositionner et de la fixer sur son emplacement d’origine. Il est certain que le reste de l’épée est resté incrusté dans la roche.
« Les deux pièces s’emboîtent, il s’agit donc du même objet », a déclaré M. Garlaschelli. « Je suis donc convaincu que l’épée originale a été placée là au 12e siècle ».
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