Opinion
Violences des jeunes : « Nous vivons désormais dans l’époque ‘orange numérique' », analyse Pascal Lardellier

Photo: Crédit photo : Pascal Lardellier
ENTRETIEN – Aujourd’hui, les jeunes et les adolescents semblent être plus violents qu’auparavant. L’actualité nous le rappelle tristement. Cette violence voire ultraviolence touchant une partie de la jeunesse continue de nourrir le débat sur l’impact des réseaux sociaux. Si certains experts de la question les analysent comme une cause de cette ultra-violence, d’autres les voient comme un accélérateur.
Pascal Lardellier est sociologue, professeur à l’université de Bourgogne, spécialiste des usages numériques. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont Générations 3.0 Enfants et ados à l’ère des cultures numérisées (EMS Éditions, 2016). L’exposition continue à des contenus ultra-violents peut accélérer la possibilité de passage à l’acte, explique-t-il.
Epoch Times : En 2022, un rapport sénatorial indiquait qu’entre 2016 et 2019, le nombre de mineurs mis en cause pour coups et blessures sur des individus de moins de 15 ans avait augmenté de 12,4 %. Un rapport du ministère de la Justice de juin 2025 montrait que le nombre de mineurs mis en cause pour violences sexuelles a augmenté de 77 % entre 2017 et 2024. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Pascal Lardellier : Contrairement à ce que certains affirment, notamment Emmanuel Macron, les attaques au couteau, les rixes et autres règlements de compte ne sont pas des faits de violence inventés par certains médias, ce que la gauche appelle la « bollosphère ». Ils sont bien réels.
Aujourd’hui, le débat est entre ceux qui considèrent que ces actes de violence, en particulier des jeunes, constituent un phénomène de société et ceux qui n’y voient que des faits divers.
Au regard des chiffres que vous m’apportez, qu’on ne peut d’ailleurs soupçonner d’être manipulés à des fins idéologiques, nous ne pouvons que déplorer une généralisation de la violence, et même de l’ultraviolence.
Cette violence peut probablement s’expliquer par une surexposition d’une certaine jeunesse aux écrans et plus précisément à des contenus violents. Nous vivons désormais dans l’époque « orange numérique ».
Les réseaux sociaux sont-ils une cause ou un accélérateur de ce fléau ?
Sans être trop déterministe ou manichéen, on peut quand même dire qu’il y a une accoutumance à des contenus ultra-violents. Je pense en particulier à des vidéos montrant de la violence physique, sexuelle, etc. Ce à quoi les générations précédentes n’avaient manifestement pas accès.
L’exposition continue à des contenus ultra-violents peut accélérer la possibilité de passage à l’acte.
La recherche du buzz nourrit-elle également cette violence ?
Oui, tout à fait. La recherche du buzz et des challenges. Par ailleurs, en tant qu’anthropologue, je constate qu’aujourd’hui, dans certaines communautés de socialisation, l’exposition des plus jeunes à la violence relève d’un rite de passage, un passage vers une forme de virilité.
Autrefois, les parents empêchaient leurs enfants de regarder ces contenus dits « inappropriés ». Ce n’est plus le cas désormais.
Faut-il, pour vous, davantage réguler les réseaux sociaux ?
Les interdire non, mais les réguler oui. L’État a probablement un rôle à jouer dans cette affaire. Mais les parents surtout !
Aujourd’hui, par facilité, beaucoup de parents offrent à leurs enfants des smartphones ou des tablettes et les laissent regarder pendant des heures des photos ou des vidéos, pour la plupart à caractère violent…
La solution pour combattre efficacement la violence passe donc aussi par l’école et les parents ?
Oui, mais la solution n’est pas simple parce que le débat lui-même est complexe.
Emmanuel Macron a récemment répété sa volonté d’interdire l’accès aux réseaux sociaux aux jeunes de moins de 15 ans. Pourquoi pas, si cela peut empêcher l’accès à certains contenus. Mais il ne faudrait pas non plus que les écrans de manière générale soient interdits.
En tant que père d’une adolescente, j’estime qu’elle doit avoir un smartphone pour que je puisse la contacter en cas d’urgence, par exemple. Le débat aurait donc tout à gagner à être rendu plus limpide.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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