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Acétamipride : plusieurs filières agricoles françaises en péril faute d’alternatives, révèle l’INRAE
Un rapport de l’INRAE dévoile que cinq ans après avoir interdit l’acétamipride sans solution de remplacement, la France a fragilisé, sinon condamné, certaines de ses filières agricoles, compromettant de facto sa souveraineté alimentaire et augmentant sa dépendance aux importations étrangères.

DIMITAR DILKOFF/AFP via Getty Images
Rendu public le 28 octobre 2025, le rapport de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) intitulé « Les alternatives chimiques et non chimiques existantes à l’usage des néonicotinoïdes » pour six filières confirme ce que les agriculteurs répètent en vain depuis cinq ans. Depuis l’interdiction française de l’acétamipride en 2020, alors que le reste de l’Europe en autorise l’usage, aucune alternative crédible n’a vu le jour pour lutter contre les pucerons, les punaises, les mouches qui détruisent les cultures.
L’étude de l’institut, mandatée par le ministère de l’Agriculture, vient donc entériner une réalité que le terrain constatait déjà : la science et la pratique agricole ne suivent pas le rythme des injonctions politiques écologistes.
Quand la réalité politique rencontre la réalité agricole
Les six filières concernées (betterave, pomme, cerise, noisette, figue et navet) n’ont jamais été des bastions d’un conservatisme agricole, arc-boutées sur leurs habitudes. Loin de l’image caricaturale souvent véhiculée, ces secteurs se sont montrés ouverts au changement, souligne l’INRAE : « Dans toutes les filières rencontrées, l’interdiction des molécules toxiques ou dommageables pour l’environnement est comprise. » Mieux encore, ajoute le rapport, « toutes les filières interrogées montrent un engagement dans la recherche de nouveaux modes de protection des cultures, mais avec des degrés d’avancement variés. »
Le problème ne vient donc pas de la volonté, mais de la faisabilité. Répondre aux attentes écologistes ne suffit pas lorsque la chimie, tout simplement, n’a pas d’alternative à offrir. Les filières ont intégré, poursuit l’INRAE, que la protection des cultures devait désormais reposer sur une approche « combinatoire » : surveillance accrue des parcelles, mesures prophylactiques, lutte biologique, recours à des produits chimiques partiels. Toutefois, si ce mode opératoire peut paraitre intellectuellement élégant, il est techniquement insuffisant.
Car la conclusion du rapport est sans détour : « Les filières concernées, à l’exception du navet, sont toutes fragilisées par le manque de solutions opérationnelles et disponibles pour la protection contre les ravageurs, mais à des degrés divers. »
Les agriculteurs n’ont donc pas protesté pour rien. Le virage pris par la politique française, au nom d’une transition verte mal outillée mais poussée par des lobbys écologistes déterminés, place aujourd’hui plusieurs filières essentielles au bord du décrochage.
Le détail du drame
Cette mise en danger ne frappe pas toutes les cultures avec la même intensité, mais aucune n’en sort indemne.
La noisette, d’abord, a basculé dans le rouge. La filière est « soumise à une telle pression sanitaire qu’elle est au bord de la faillite », alerte le rapport. Le constat est brutal : la récolte 2024 s’est effondrée de moitié, faute de traitements efficaces contre les punaises. Il ne s’agit plus seulement de rendements en baisse, mais d’une extinction progressive. L’INRAE le dit sans détour : « Le risque est qu’elle disparaisse avant que les solutions soient opérationnelles ». C’est, littéralement, une filière qui s’éteint sous nos yeux et, à travers elle, un pan entier de l’agriculture française qui contemple sa propre disparition en temps réel.
La betterave, elle, vit dans la crainte permanente d’un désastre. Le retrait des néonicotinoïdes, note le rapport, « a pu entrainer des accidents très marquants, avec des pertes de rendement importantes », même si ces épisodes restent ponctuels. Mais la menace plane sans cesse. Pour y faire face, l’INRAE recommande d’« ajuster la couverture sanitaire » afin de « couvrir spécifiquement les situations problématiques lorsqu’elles se produisent ». Autrement dit, faute de prévention, on se résigne à une logique d’urgence : éteindre les incendies au coup par coup, dans une agriculture transformée en caserne de pompiers.
La pomme, quant à elle, traverse une crise chronique. Les producteurs peinent à contenir les ravageurs, en particulier le puceron cendré, qui prolifère. « La filière arrive de moins en moins à contenir les attaques », admet le rapport.
S’agissant de la cerise, les rendements français sont en baisse et s’accompagnent d’un afflux de cerises étrangères, comblant artificiellement le vide laissé sur le marché intérieur. L’INRAE prévient que la situation pourrait « fortement se dégrader à court terme si l’accès à des solutions efficaces n’est pas rapidement sécurisé sur le plan réglementaire ». Autrement dit, sans assouplissement urgent des règles, la filière française est condamnée à céder sa place aux concurrents étrangers.
Enfin, la figue est « pénalisée par un accès limité à des solutions opérationnelles », tandis que le navet, seul rescapé de cette débâcle, s’en sort mieux, rare exception dans un paysage agricole globalement sinistré.
« Lorsque les écologistes affirment que l’acétamipride est nuisible pour la santé et l’environnement, c’est trompeur »
L’INRAE confirme dans son rapport que cette décision d’interdire l’acétamipride s’est imposée sans préparation : « Il serait pertinent d’accompagner la construction de stratégies alternatives de protection des cultures d’une analyse économique ». En d’autres termes, personne n’a voulu anticiper les conséquences avant de presser le bouton.
Le résultat ne s’est pas fait attendre. Alors que le reste de l’Europe continue d’utiliser l’acétamipride, les producteurs français voient leurs cultures ravagées par des parasites que leurs homologues parviennent à maîtriser facilement. La suite était prévisible : importations massives, hausse des prix, fermetures d’exploitations incapables de rivaliser dans un marché où la concurrence n’est pas équitable.
Une distorsion de concurrence autoinfligée, au nom d’une ambition écologique plus soucieuse de symboles que de résultats tangibles. Face à cette situation, le monde agricole demande des dérogations pour laisser respirer les filières en crise le temps que de véritables solutions alternatives émergent. Car une interdiction sans solution n’est pas une politique : c’est une sentence de mort différée.
Mais depuis des années, la demande des agriculteurs, « pas d’interdiction sans solution », reste lettre morte. Une situation qui n’a pas manqué de faire rejaillir la colère du monde agricole au moment où le Conseil constitutionnel confirmait l’interdiction de l’acétamipride en août dernier : « Nous, agriculteurs français, on se demande si le prochain Conseil constitutionnel ne va pas interdire… le soleil, au prétexte qu’il donne des coups de soleil », n’hésitait pas à ainsi railler la Coordination rurale dans un communiqué.
Auprès d’Epoch Times, Bertrand Alliot, porte-parole d’Action Écologie, soulignait en effet qu’aucune étude scientifique ne corrobore les accusations portées contre cette substance : « Lorsque les écologistes affirment que l’acétamipride est nuisible pour la santé et l’environnement, et qu’ils prétendent s’appuyer sur la science, c’est trompeur », martelait-il.
En l’état des connaissances scientifiques disponible, aucune preuve de génotoxicité ni de cancérogénicité n’a été mise en évidence et les études menées sur les abeilles, au cœur des polémiques autour des néonicotinoïdes, n’ont montré aucun effet notable, même après exposition chronique, rappelait l’ingénieur maître en gestion de l’environnement.
Reste une question, en filigrane : le constat de l’INRAE se traduira-t-il par des actes concrets, ou ne restera-t-il qu’un moment de lucidité administrative, pendant que, saison après saison, les récoltes françaises continuent à être détruites ? Pour l’heure, le ministère de l’Agriculture n’a annoncé aucune mesure.

Etienne Fauchaire est un journaliste d'Epoch Times basé à Paris, spécialisé dans la politique française et les relations franco-américaines.
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