Allons-nous vers une pénurie de lait en France ?

Par Sarita Modmesaïb
5 octobre 2023 07:07 Mis à jour: 5 octobre 2023 10:46

En dépit d’une demande forte en France, la filière lait connait une baisse sans précédent qui pourrait la conduire, d’ici 2027, à devoir importer le précieux liquide blanc. 

« La situation de la production laitière en France est préoccupante », constatait l’Institut français de l’élevage (Idele) en avril dernier. Pourtant, alors que le prix du lait s’envolait en 2022 sur le marché mondial et que les concurrents européens de la France, les Pays-Bas et l’Allemagne surfaient sur cette hausse en augmentant leur production laitière, celle-ci est demeuré au même stade en France.

Pourtant, la demande de lait, yaourts, beurre, crème est toujours aussi forte dans l’Hexagone, les Français ayant consommé 8 millions de tonnes de lait en 2021, soit 49 kg de lait, 27 kg de fromage et 8kg de beurre, par habitant et par an.

Le pays au 1200 variétés de fromages demeure le 2ème pays producteur de lait en Union européenne, se vantant d’exporter encore 40% de sa production. Pourtant le secteur connaît une crise majeure et durable du fait d’une baisse de la collecte de lait.

Sur l’année 2022, la production française a ainsi reculé de 0,7 % (après -1,5 % en 2021) et on enregistre une accélération de la baisse, passant à -1,4 % sur janvier et février 2023, reporte Les Echos.

Le nombre d’exploitations laitières a ainsi chuté du tiers en dix ans, et devrait poursuivre sa chute avec un quart des éleveurs qui disparaîtra, beaucoup partant à la retraite sans relève. A cela, s’ajoute une diminution du cheptel, avec 16,4 millions de vaches à lait et à viande en 2022 contre 20,2 en 2000.

« Si on ne fait rien, la France perdra sa souveraineté en 2027 », prédit ainsi François Xavier Huard, le directeur général de la Fédération des industries laitières, sur TF1.

Un manque d’attractivité pour la profession

Denis Lenormand, 56 ans et éleveur à Moncy dans l’Orne est un exemple typique de la situation que vivent nombre d’agriculteurs de la filière: « Dans un an, toutes les vaches que vous voyez là auront disparu », déclare-t-il sur TF1. « Aujourd’hui, à 56 ans, je me prélève un peu plus du Smic par mois, tout ça en faisant 65 heures par semaine et avec une semaine de vacances », précise-t-il.

Outre un salaire largement insuffisant, après 40 ans dans le métier, il vendra toutes ses vaches car la ferme ne trouvera probablement pas de repreneur, ses trois enfants n’ayant pas voulu exercer ce métier difficile.

Parallèlement, une étude a été effectuée par Innoval, groupe coopératif de services en amont de l’élevage, sur 1000 éleveurs du Grand Ouest à l’occasion de ses 75 ans. Elle révèle ainsi que 60 % des éleveurs se disent optimistes sur l’avenir de leur métier et c’est d’autant plus vrai chez les 18-29 ans (87 %).

Près de la moitié des éleveurs envisagent un scénario d’avenir comprenant un même nombre d’animaux mais une production par vache en augmentation pour une meilleure marge par litre de lait, reporte Innoval sur Web-agri.

Mais, les préoccupations sont bien là, avec en tête le manque de visibilité sur le prix du lait. Viennent ensuite le problème de pénurie de main-d’œuvre, suivi par la lourdeur des tâches administratives.

Selon Innoval, « pour avoir une meilleure prise sur les nombreuses contraintes dont les éleveurs font face, ils attendent beaucoup de la transformation de leurs exploitations, dont ils veulent devenir de vrais pilotes ».

De nouveaux profils d’éleveurs

Interrogés par Innoval, le politologue Jérôme Fourquet, le sociologue François Purseigle et l’économiste Olivier Mevel exposent leur stratégies quant à l’avenir de la profession. Olivier Mevel dénonce ainsi une « absence de politique menée par le ministère de l’agriculture » et un « manque de créativité de la part des industriels pour que notre pays gagne en compétitivité », arguant sur la nécessité de reconstruire l’offre produit pour reconnecter le consommateur avec son territoire.

François Purseigle plaide pour de nouveaux profils d’éleveurs, avec la mise en place d’installations hors cadre familial, l’arrivée de néoruraux, la création de nouveaux collectifs… Dans la même optique, Jérôme Fourquet estime qu’une évolution de l’exploitation familiale sera nécessaire, misant sur un accompagnement pour développer les énergies renouvelables tout en gagnant en autonome et en résilience.

Sur TF1, Thierry Roquefeuil, président national des producteurs de lait en France, gage sur une augmentation des prix du lait afin de « rémunérer les salariés à un bon niveau », permettant ainsi d’alléger le quotidien des éleveurs « jeunes et moins jeunes qui ont besoin de prendre des week-ends et des vacances ».

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