ANALYSE : Bataille pour le contrôle du cerveau – La Chine intensifie sa guerre cognitive contre l’Inde

Selon les experts, l'Inde est une cible probable pour les attaques NeuroStrike.

Par Venus Upadhayaya
22 juillet 2023 08:59 Mis à jour: 22 juillet 2023 09:13

Sur les plateformes diplomatiques, la Chine appelle à un soutien mutuel et à un apaisement des tensions militaires avec l’Inde, mais secrètement, elle continue d’accélérer son utilisation de la guerre cognitive contre le sous-continent, allèguent les analystes stratégiques.

Le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, et le plus haut diplomate chinois, Wang Yi, se sont rencontrés en marge de l’ANASE dans la capitale indonésienne, Jakarta, le 14 juillet. Wang Yi a appelé au soutien plutôt qu’à la suspicion entre les deux voisins géants.

« Les deux parties devraient se soutenir mutuellement et accomplir des choses ensemble, plutôt que de s’épuiser ou de se soupçonner mutuellement », a déclaré M. Wang.

Toutefois, les analystes stratégiques qualifient de bluff les propos de M. Wang et affirment que depuis le conflit sanglant de la vallée de Galwan, Pékin a intensifié sa guerre cognitive contre l’Inde. Pendant ce temps, l’Inde prend des contre-mesures.

« Les efforts massifs de la Chine en matière de guerre cognitive soutenue par l’IA (intelligence artificielle) sont appliqués dans le monde entier, à tous les points d’inflexion, dans tous les domaines [à savoir] économique, diplomatique, politique et militaire », a déclaré le Retd. Col. Vinayak Bhat, un ancien officier du renseignement militaire indien, à Epoch Times dans un message écrit.

« Cette guerre cognitive s’est accélérée contre l’Inde après Galwan. L’Inde a bien compris le jeux mental chinois et contrecarre les efforts du PCC par des contre-mesures telles que le blocage préalable, le blocage direct, le blocage indirect, la diversion et l’éducation des publics cibles. »

Le conflit de la vallée de Galwan a été une bataille brutale entre les forces chinoises et indiennes en juin 2020. Combattue à coups de bâtons et de pierres, elle a fait des dizaines de victimes dans les deux camps.

Ces allégations ont été formulées à l’occasion de la publication d’un rapport sur le programme NeuroStrike du Parti communiste chinois (PCC), rédigé par les chercheurs américains Ryan Clarke, Sean Lin et L.J. Eads.

Le Dr Clarke est chercheur principal à l’Institut d’Asie de l’Est de l’Université nationale de Singapour ; le Dr Lin est un ancien microbiologiste de l’armée américaine qui travaille actuellement au Feitan College. Ancien officier de renseignement de l’armée de l’air, M. Eads est actuellement spécialisé dans l’IA pour la communauté du renseignement des États-Unis.

Intitulé « Enumerating, Targeting and Collapsing the Chinese Communist Party’s NeuroStrike Program » (Énumération, ciblage et effondrement du programme NeuroStrike du Parti communiste chinois), le rapport affirme que le programme chinois peut désactiver les capacités cognitives des cibles et contrôler leur cerveau.

« Il y a eu une forte augmentation statistique de l’activité militaire chinoise en mer de Chine méridionale, en mer de Chine orientale, dans le détroit de Taïwan et le long de la frontière sino-indienne pendant les phases les plus aiguës de l’épidémie de Covid-19 en 2020 et 2021 », note le rapport, suggérant que la Chine a utilisé la Covid-19 comme une opportunité stratégique.

La guerre cognitive de la Chine est souvent considérée comme une simple stratégie militaire, alors qu’en réalité, elle est activement utilisée pour promouvoir l’objectif de la Chine de dominer le monde, a averti le colonel Bhat.

Un homme passe devant une affiche avec les portraits des soldats indiens tués pendant le conflit de la vallée de Galwan en juin 2020, à New Delhi, le 31 août 2020. (Jewel Samad/ AFP via Getty Images)

Mensonges et jeux mental

Les auteurs du récent rapport décrivent la NeuroStrike comme le « ciblage technique du cerveau des combattants et des civils à l’aide d’une technologie non cinétique distincte afin d’altérer la cognition, de réduire la conscience de la situation, d’infliger une dégradation neurologique à long terme et de brouiller les fonctions cognitives normales ».

En général, la guerre non cinétique est une guerre menée par d’autres moyens que l’action militaire directe et conventionnelle.

Il peut s’agir de tactiques telles que la guerre de l’information, la cyberguerre ou les opérations psychologiques. Toutefois, le rapport tire également la sonnette d’alarme au sujet de tactiques telles que les offensives électromagnétiques qui utilisent la technologie pour cibler directement le cerveau humain.

Le rapport indique que le PCC s’est imposé comme un leader mondial dans le développement de plates-formes d’armement qui « attaquent directement, voire contrôlent, le cerveau des mammifères (y compris les humains) avec des armes à micro-ondes/à énergie dirigée via des plates-formes autonomes (c’est-à-dire un pistolet à main) ou le spectre électromagnétique au sens large ».

Toutefois, les neurosciences sont un sujet vaste et en constante évolution, et les chercheurs affirment que la guerre chinoise est allée bien au-delà de l’utilisation d’armes à micro-ondes classiques. L’un des aspects des opérations de guerre cognitive chinoises consiste à utiliser des interfaces homme-machine pour contrôler des populations entières, ainsi qu’à employer une gamme d’armes conçues pour causer des dommages cognitifs.

Trois fronts de guerre

Les auteurs du rapport ont détaillé le concept stratégique des « trois guerres », formulé pour la première fois en 2014 par l’Université de défense nationale de Chine.

« Ce concept est spécifiquement conçu pour permettre à la Chine d’atteindre des objectifs qui ont été traditionnellement atteints par la force militaire conventionnelle grâce à l’utilisation efficace de la guerre psychologique, de la guerre médiatique et de la guerre juridique », expliquent-ils.

Selon les chercheurs, les fonctions essentielles de ces trois domaines de guerre sont le contrôle de l’opinion publique, l’affaiblissement de la détermination de l’adversaire, la transformation des émotions, l’orientation psychologique, l’effondrement de l’organisation de l’adversaire, la défense psychologique et la restriction par le biais de la loi.

D’une manière générale, il s’agit de saisir l' »occasion décisive » de contrôler l’opinion publique, d’organiser l’offensive et la défense psychologiques, de s’engager dans le « lawfare » (utilisation du droit visant à établir, pérenniser ou renverser un rapport de force dans le but de contraindre un adversaire) et de lutter pour la volonté populaire et l’opinion publique.

Cibler le sous-continent

Les experts indiens affirment que la Chine utilise de plus en plus la guerre cognitive contre l’Inde depuis 2020.

Le colonel Bhat a déclaré qu’un « mensonge répété cent fois devient une vérité », paraphrasant le propagandiste nazi Joseph Goebbels.

Selon lui, après Galwan, les Chinois ont eu recours à une propagande agressive pour saper le moral des troupes indiennes stationnées à la frontière contestée dans la région du Ladakh, dans les hauteurs de l’Himalaya. Sur le front froid et pauvre en oxygène, où les températures peuvent atteindre -58° Fahrenheit (-50° Celsius), le jeu mental prend une importance accrue.

La rumeur selon laquelle les Chinois utilisaient des armes à micro-ondes contre les soldats indiens en est un exemple. Un professeur de relations internationales de l’université Renmin de Pékin aurait affirmé que les forces chinoises avaient transformé deux collines stratégiques en « four à micro-ondes », provoquant de violents malaises chez les troupes indiennes et les obligeant à battre en retraite.

Cette affirmation a ensuite été rapportée par des publications britanniques et australiennes. En novembre 2020, une analyse du Daily Guardian l’a qualifiée de « fausse ». Les médias indiens ont largement publié des rapports réfutant les affirmations chinoises.

Le colonel Bhat a également affirmé que cette affirmation était fausse. À une altitude de 14 000 pieds, il est techniquement impossible pour les armes à micro-ondes d’avoir le même impact que celui revendiqué par les Chinois.

Le commandant de régiment chinois Qi Fabao crie à un soldat indien qui veut négocier avec lui dans la vallée de Galwan, une région frontalière entre l’Inde et la Chine, en juin 2020. Le commandant chinois a ensuite été honoré en étant choisi comme porteur de la flamme pour les Jeux olympiques d’hiver de Pékin en 2022. L’Inde a boycotté les Jeux olympiques à la suite de cette décision. (Capture d’écran/Weibo)

Repas chauds livrés par drone

Quelques mois après Galwan, les médias chinois ont rapporté que des drones fournissaient des repas chauds aux soldats de l’Armée populaire de libération (APL) à la frontière indochinoise. Une vidéo censée montrer des drones livrant des repas a été publiée sur Twitter par Hu Xijin, rédacteur en chef du Global Times.

Le colonel Bhat a fait remarquer que Twitter est officiellement bloqué en Chine et que la vidéo était donc clairement destinée à être vue par des étrangers.

L’histoire a été reprise par des médias internationaux comme l’Eurasian Times.  Le South China Morning Post, quant à lui, a brossé un tableau confortable de la vie sur le front glacial, sous le titre « Les troupes chinoises s’installent pour l’hiver himalayen avec des livraisons de plats chauds et de l’oxygène à volonté ».

Le colonel Bhat a exprimé ses doutes quant à l’article, affirmant qu’il était destiné à jouer avec le moral des troupes indiennes.

En réponse, « l’Inde a commencé à parler de commander des vêtements de haute altitude fabriqués en Europe et aux États-Unis pour ses soldats, afin de contrer le jeu de l’esprit chinois », a déclaré le colonel Bhat.

Au-delà du jeu mental

Le rapport prévient que la guerre cognitive chinoise contre l’Inde ira probablement au-delà des jeux de l’esprit et des mensonges de la propagande. Les opérations psychologiques de la Chine contre l’Inde se heurtent à des limites en raison de l’étendue du territoire indien, de sa forte population et de ses importantes capacités militaires conventionnelles et non conventionnelles.

En outre, compte tenu du climat politique du pays, il est peu probable que la Chine soit en mesure « d’obtenir des partenaires favorables à Pékin au sein des dirigeants indiens, qui opéreraient en Inde pour faire avancer les objectifs chinois le long de la frontière contestée ».

Dans ce contexte, les auteurs avertissent que la Chine pourrait frapper les systèmes informatiques critiques de New Delhi.

« Étant donné les limites claires des opérations psychologiques de la PLASSF [Force de soutien stratégique de l’APL] contre l’Inde, il est possible que la PLASSF se concentre davantage sur les capacités coercitives de NeuroStrike et sur le ciblage précis des systèmes informatiques critiques de l’Inde, y compris le système régional indien de navigation par satellite (IRNSS) », ont-ils déclaré, ajoutant que l’IRNSS fournit des capacités de positionnement en temps réel à l’intérieur de l’Inde, ainsi que dans un rayon de 1500 kilomètres à l’extérieur de l’Inde.

Des membres de la City Youth Organization tiennent des affiches avec les logos d’applications chinoises pour soutenir le gouvernement indien dans l’interdiction de l’application de partage de vidéos TikTok, à Hyderabad, en Inde, le 30 juin 2020. (Noah Seelam/AFP via Getty Images)

Jeux vidéo et attaques des médias

Un autre analyste indien, N.C. Bipindra, président de la Law and Society Alliance, basée à New Delhi, a donné des exemples de la manière dont les Chinois utilisent les jeux vidéo et les médias mondiaux pour une propagande spécifique contre des dirigeants indiens de premier plan.

« Après Galwan, les Chinois ont créé un jeu vidéo montrant un match de boxe entre Xi Jinping et le premier ministre indien Narendra Modi », a expliqué M. Bipindra, rédacteur d’un rapport intitulé « Mapping Chinese Footprints and Influence Operations in India » (Cartographie des empreintes chinoises et des opérations d’influence en Inde).

Le message du jeu est loin d’être subtil : « Lorsque le match de boxe commence, tous les pays d’Asie du Sud : Bangladesh, Népal, Srilanka, etc., sont du côté de Modi, et à la fin du match, tout le monde est du côté de Xi Jinping ».

N.C. Bipindra a également cité l’attaque de cette année contre Sridhar Vembu, l’un des hommes les plus riches de l’Inde. M. Vembu a été nommé au Conseil consultatif sur la sécurité nationale du pays en 2021.

Le 13 mars, un article de Forbes accusait M. Vembu d’avoir abandonné sa femme, dont il était séparé, et leur fils de 24 ans ayant des besoins spéciaux, et alléguait des malversations financières de la part du milliardaire indien.

De nombreux lecteurs de Forbes ne savaient peut-être pas qu’à l’époque, le magazine était contrôlé par les Chinois.

En 2014, une société d’investissement chinoise, Integrated Whale Media, a acquis une participation majoritaire dans le magazine. Par ailleurs, en 2021, une société d’acquisition à but spécial (SPAC) basée à Hong Kong, Magnum Opus, a racheté l’éditeur américain de Forbes, dans le cadre d’une transaction évaluée à 630 millions de dollars. Magnum Opus était soutenu par le fonds souverain chinois.

Sridhar Vembu a été à l’avant-garde d’une révolution de l’IA en Inde par l’intermédiaire de son entreprise, Zoho. Depuis la parution de l’article dans Forbes, il a lancé un nouveau « navigateur privé » en Inde. Il a également dévoilé son intention d’intégrer la technologie de l’IA générative en interne et de l’ajouter au portefeuille de solutions commerciales de l’entreprise.

M. Bipindra suppose que l’entrepreneur technologique était perçu comme une menace pour la Chine. « À l’époque où l’histoire de Sridhar Vembu a été publiée, les Chinois détenaient une participation majoritaire dans Forbes », a déclaré M. Bipindra, affirmant que l’histoire avait été rédigée spécifiquement pour ternir le nom de M. Vembu auprès du public.

M. Vembu a démenti les allégations de sa femme dans un message sur Twitter le lendemain et a déclaré : « L’affaire est devant le tribunal aux États-Unis, mes documents sont publics ».

Aujourd’hui, Forbes appartient à un milliardaire australien, Austin Russell. En mai, M. Russell, âgé de 28 ans, a racheté à Integrated Whale Media une participation de 82 % dans Forbes, laissant la société d’investissement avec un seul siège au conseil d’administration.

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