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ANALYSE: Pourquoi le système de santé canadien est-il en crise?

Selon Statista, le nombre de lits d'hôpitaux pour 1 000 habitants au Canada est passé de 7 en 1976 à moins de 3 en 2007, puis à 2,58 en 2021.
janvier 4, 2024 17:42, Last Updated: janvier 4, 2024 17:50
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L’explosion du nombre de personnes mourant alors qu’elles sont en attente d’un traitement, n’est qu’un des nombreux symptômes de la crise du système de santé canadien.

Les décès liés aux listes d’attente pour les opérations chirurgicales ont augmenté de 64 % à l’échelle nationale depuis 2018, selon le groupe de réflexion SecondStreet.org, ayant recueilli des données sur les soins de santé par le biais de demandes d’accès à l’information.

Le groupe de réflexion sur les politiques publiques a également constaté que plus de 3 millions de Canadiens sont actuellement sur des listes d’attente pour une intervention chirurgicale, un examen diagnostique ou un rendez-vous avec un spécialiste. C’est environ 140.000 de plus qu’en 2022. Ce chiffre pourrait être supérieur à 5,1 millions, car certaines provinces n’ont pas fourni toutes les données demandées.

Plus de 6 millions de Canadiens n’ont pas de médecin de famille, tandis que des milliers de médecins et d’infirmières traversent la frontière pour obtenir de meilleures conditions de travail aux États-Unis, a déclaré Colin Craig, président de SecondStreet, à Epoch Times.

« Nous sommes vraiment en crise », a-t-il expliqué. « Vous entendrez des gens suggérer que nos problèmes sont dus au COVID. Je dirais que le Canada était déjà dans une très mauvaise situation avant la COVID. »

Il s’est référé à un tableau publié par son organisation, qui montre une augmentation constante du nombre de décès pour des gens en attente d’un examen diagnostique, en Ontario. Le graphique commence en 2015 avec près de 1300 décès et augmente régulièrement pour atteindre 9400 décès en 2023.

Plusieurs autres statistiques de ce type ont été publiées dans les médias en 2023, en plus des cas très médiatisés ayant permis de mettre des visages sur les statistiques.

Il y a environ un an, une mère de 37 ans, Allison Holthoff, est décédée après avoir attendu plusieurs heures dans une salle d’urgence bondée à Amherst, en Nouvelle-Écosse. Peu de temps après, Charlene Snow, 67 ans, est décédée dans des circonstances similaires au Cap-Breton (Nouvelle-Écosse), ce qui a déclenché une enquête sur les temps d’attente dans les hôpitaux de la province canadienne.

En décembre, deux personnes sont décédées dans la salle d’urgence bondée de l’hôpital Anna-Laberge à Montréal. L’hôpital était constamment en surcapacité, jusqu’à 200 %, explique le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec.

« À 200 %, il y a des gens partout. En fait, on place les patients là où ils peuvent aller. Les systèmes informatiques ont du mal à suivre ces patients. Le ratio de patients par infirmière explose », a déclaré le Dr Boucher au réseau de télévision canadien CTV.

Epoch Times s’est entretenu avec M. Craig et le Dr Shawn Whatley pour discuter des problèmes de fond et des solutions possibles. Le Dr Whatley est un médecin pratiquant en Ontario et auteur. Son dernier livre s’intitule « When Politics Comes Before Patients : Why and How Canadian Medicare Is Failing » (Quand la politique passe avant les patients : Pourquoi et comment l’assurance-maladie canadienne a-t-elle échoué).

Une pensée erronée

« Il s’agit en partie d’une erreur de raisonnement », a déclaré le Dr Whatley. « Par exemple, le manque de lit d’hôpital n’est pas tant une question de ressources que de planification. »

Des lits sont toujours disponibles dans les services de maternité parce que les administrateurs des hôpitaux visent une capacité de 80 à 85 %, explique-t-il. Mais on pense de plus en plus que les autres services peuvent régulièrement atteindre 90 ou 100 % de leur capacité. Selon lui, une fois la norme fixée à un niveau aussi élevé, le flux s’arrête.

« Si vous visez une capacité de plus de 83 %, le service se bloque. On ne peut plus faire entrer les gens ni les faire sortir. Le flux de l’ensemble du système s’arrête », a-t-il déclaré.

Ce phénomène est lié à la théorie des files d’attente, une théorie mathématique utilisée depuis longtemps pour étudier le flux de personnes partout où il y a une file d’attente.

« Si une mère n’était pas en mesure d’obtenir un lit à l’hôpital lorsqu’elle accouche, le ministre de la Santé perdrait son emploi. Il y aurait des manifestations dans les rues. La société ne tolère pas cela, c’est pourquoi les hôpitaux maintiennent toujours une capacité d’accueil [dans les services de maternité] », explique le docteur Whatley.

Selon lui, si la mentalité du service de maternité était généralisée, le Canada pourrait retrouver le niveau de soins qu’il offrait autrefois.

Il a fait remarquer que le nombre de lits d’hôpitaux pour 1000 habitants a diminué au fil des décennies, jusqu’à ce que le Canada soit l’un des pays développés les plus mal dotés en matière de capacité hospitalière.

En 1976, le Canada comptait près de 7 lits d’hôpitaux pour 1000 habitants. Ce chiffre a régulièrement diminué, passant sous la barre des 3 pour la première fois en 2007, pour atteindre 2,58 en 2021, selon le portail de statistiques Statista.

Parmi les 34 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada occupe l’avant-dernière place pour le nombre de lits en soins intensifs, avec 1,97 lit pour 1000 habitants en 2019, selon les dernières statistiques de l’OCDE publiées en 2021. Le Japon comptait 7,7 lits pour 1000 habitants en 2019.

Des ambulanciers paramédicaux et des travailleurs de la santé transfèrent un patient de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Humber River vers une ambulance aérienne en attente, alors que l’hôpital libère de l’espace dans son unité de soins intensifs, à Toronto, au Canada, le 28 avril 2021. (Photo by COLE BURSTON/AFP via Getty Images)

La population canadienne vieillit, ce à quoi les experts s’attendaient depuis longtemps, a déclaré le Dr Whatley. Les hôpitaux auraient dû donner la priorité à l’augmentation du nombre de lits, déclare-t-il.

« Nous l’avons fait. Nous l’avons fait tout au long des années 60, 70 et au début des années 80. Ce n’est que dans les années 90, du moins en Ontario, que nous avons commencé à réduire le nombre de lits. Cela a donc été fait par le passé. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas le faire à nouveau », a-t-il déclaré.

Selon le Dr Whatley, on parle beaucoup de pénurie de personnel, mais il serait possible d’y remédier en réduisant la quantité de paperasse demandée aux médecins. Ils auraient ainsi plus de temps à accorder aux patients.

Il a donné l’exemple de la paperasse nécessaire à l’examen d’un enfant souffrant de douleurs à l’oreille. Dans les années 1980, le médecin rédigeait quelques notes rapides en sténographie : « OMA » pour otite moyenne aiguë (infection de l’oreille interne) et une note rapide indiquant qu’il a prescrit de l’amoxicilline.

« Aujourd’hui, il faut non seulement documenter tout ce qui a conduit le patient à se présenter, mais aussi tout ce que l’on pensait qu’il pouvait se passer et qui ne s’est pas passé », explique-t-il.

Par exemple, un médecin peut noter que l’enfant n’a pas de torticolis, qu’il ne s’est pas cogné la tête, qu’il n’a pas d’amygdalite, etc. Les médecins ajoutent également des notes telles que « aucun signe de traumatisme, une bonne interaction avec le parent » et d’autres questions sociales, a déclaré le Dr Whatley.

Options de soins privés

M. Craig, de SecondStreet, a déclaré que les pénuries de personnel sont aggravées par les mauvaises conditions de travail dans les hôpitaux publics.

Lorsque nous parlons aux infirmières de l’Ontario qui choisissent de travailler de l’autre côté de la frontière, au Michigan, elles nous disent des choses comme « J’aime travailler au Michigan parce que je peux avoir un emploi [avec un horaire fixe] de 9h à 17h, avoir cette stabilité » a-t-il déclaré. « Elles peuvent planifier leur vie en fonction de cela, plutôt que de travailler par roulement ou de se voir offrir des postes à temps partiel et de devoir constamment prendre du travail ici et là pour gagner leur vie. »

Alors que beaucoup craignent que les établissements privés ne drainent le personnel qualifié des hôpitaux publics, M. Craig pense qu’une augmentation des options de soins privés pourrait aider.

« Nous sommes allés en Suède cette année pour discuter avec des gens de là-bas du fonctionnement de leur système de santé. L’une des personnes impliquées dans les réformes depuis des années a fait remarquer que lorsqu’il y a plus d’employeurs dans le secteur de la santé, il y a plus d’employés », a-t-il déclaré.

Les Canadiens se rendent déjà à l’étranger pour obtenir un traitement dans le secteur privé, a fait remarquer M. Craig. Ajouter plus d’options du secteur privé canadien, tout en maintenant le système public, pourrait être une bonne solution, a-t-il avancé.

Par exemple, la province d’Ontario permet de plus en plus aux patients d’utiliser leur carte de santé provinciale pour bénéficier de chirurgies financées par l’État dans des cliniques privées. La province de Saskatchewan a également connu du succès avec ce modèle, a-t-il ajouté.

M. Craig a cité le cas récent d’Allison Ducluzeau, une patiente atteinte d’un cancer en Colombie-Britannique, dans l’ouest du Canada. Les médecins lui ont donné quelques mois à vivre, disant qu’ils ne pouvaient pas l’aider.

Elle s’est vu proposer une aide médicale à mourir (euthanasie), a-t-elle déclaré à Global News.

Elle a alors cherché à se faire soigner aux États-Unis. Elle est en bon rétablissement. Elle tente d’obtenir de son gouvernement provincial le remboursement des soins qu’elle a reçus de l’autre côté de la frontière.

M. Craig a expliqué que l’Union européenne a mis en place un modèle de priorité au patient, selon lequel les patients peuvent aller se faire opérer dans d’autres pays si les délais d’attente sont plus longs dans leur pays d’origine. Ils sont alors remboursés par leur gouvernement.

Le gouvernement canadien sait depuis longtemps que le vieillissement de la population affecte désormais le système de santé, mais il n’a pas su s’y préparer, a déclaré M. Craig. Il a également augmenté les dépenses par personne au double du taux d’inflation au cours des 30 dernières années.

« Ils ont passé 30 ans à injecter de l’argent dans le système [de santé publique] et à espérer le meilleur, mais ils n’ont jamais pris le temps de réformer le système », a-t-il conclu.

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