Édito: apprendre à aimer la sobriété

Par Aurelien Girard
26 février 2023 18:42 Mis à jour: 27 février 2023 12:49

Au Salon de l’Agriculture de Paris ce 25 février, le président français Emmanuel Macron a une nouvelle fois parlé de « fin de l’abondance » et annoncé un « plan de sobriété pour l’eau » en réponse à l’exceptionnelle sécheresse hivernale qui inquiète météorologistes et agriculteurs. Deux militants écologistes aux accents désespérés d’attente de fin du monde ont profité de sa visite pour l’interpeller vivement, et maladroitement. La veille, lors de la cérémonie des Césars du cinéma français, une jeune militante tout aussi désespérée s’était invitée sur scène avec un t‑shirt annonçant le compte à rebours « 761 days left », plus que 761 jours jusqu’à… ? là aussi la fin du monde, l’inéluctable moment après lequel, d’après le dernier rapport du GIEC, plus rien ne pourra être fait pour maîtriser la hausse de la température mondiale.

Si une partie de notre jeunesse ne voit plus d’espoir dans le monde abîmé que les boomers leur laissent, pour ces derniers et pour beaucoup d’autres, la seule évocation du mot « sobriété » sonne encore comme une attaque aux acquis sociaux. Le président avait déjà été vivement critiqué pour sa formule sur la fin de l’abondance, peut‑être parce que « l’abondance » est toujours vue comme étant ce dont bénéficient ceux qui ont plus que nous, plutôt que nous‑mêmes comparés aux générations précédentes. Depuis des dizaines d’années pourtant, l’énergie bon marché et les progrès techniques ont effectivement conduit toutes les sociétés occidentales à « se gaver » d’abondance, avec un modèle construit sur la surconsommation et – pardon – l’inutile. C’est ainsi que l’eau a été massivement utilisée et polluée pour tisser bon marché bien plus de vêtements qu’il ne sera jamais possible d’en porter, vêtements vite jetés et transformés en montagnes de déchets… en Afrique. Les kilomètres carrés de parking nécessaires à accueillir tous les week‑ends les familles en pleine obligation sociale d’achats, les sols tassés par cette agriculture intensive nécessaire à nous permettre le luxe du gaspillage alimentaire, empêchent les pluies d’entrer dans les sols et de remplir les nappes phréatiques. On appelle maintenant cela « l’artificialisation des sols » ; si la terre était vivante, on parlerait plutôt d’asphyxie.

Il devient ainsi mathématique, froidement logique, que les générations futures aient moins que la génération actuelle, doivent se rationner, s’interroger peut‑être sur leur accès quotidien à l’eau. Et on ne comprendrait pas le triplement des cas de dépression dans la jeunesse ?

Les douloureux exemples d’enchaînements de causes et d’effets où les actions humaines se retournent contre les générations suivantes sont sans nombre, et convergent tous vers le même enseignement : la sobriété ne devrait pas être une réaction limitée aux situations d’urgence. Si elle évoque le déclin, son étymologie, du latin sobrius, dit qu’elle est la modération, la mesure, la tempérance. Autrement dit, la vertu. L’être sobre est « celui qui observe les règles de la morale », ce qui dans le domaine de l’écologie se traduit par la compréhension du fait qu’on ne peut prendre à la nature plus que ce qu’on lui donne.

Des années d’enseignements scientifiques nous apprennent, pour peu qu’on veuille les retenir, les notions des cycles dans les écosystèmes. Les bactéries et insectes souterrains préparent le sol à la croissance des plantes, et reçoivent en retour. Les insectes pollinisateurs et la main humaine aident aussi les végétaux, et reçoivent en retour. Le cycle fonctionne harmonieusement quand chacun de ses éléments donne et reçoit. Les hommes étaient ainsi, avant, des « cultivateurs » chargés de faire fleurir et se développer le monde naturel autour d’eux. Ils sont aujourd’hui des exploitants (agricoles, mais pas seulement.) Importance des mots.

Les pénuries croissantes sont probablement le message envoyé par la « nature », derrière laquelle un principe supérieur s’exerce peut‑être, pour tenter de faire comprendre que l’abondance durable est une récompense qu’il faut mériter. Par ses efforts, par le don en retour, peut‑être aussi par une chose perdue : la reconnaissance d’avoir reçu le don de la vie, avec lequel va la volonté de préserver le monde pour les générations suivantes. Raisonner son utilisation en eau et en électricité, tenter de ne plus gaspiller de nourriture n’est ni un ascétisme, ni la fin des plaisirs et de la liberté, mais une preuve d’amour pour le monde.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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