Après la dissolution de Civitas, une députée Renaissance suggère de dissoudre LFI pour lutter contre l’antisémitisme: la polémique

Par Etienne Fauchaire
11 août 2023 09:38 Mis à jour: 11 août 2023 09:38

Dans la foulée de la procédure de dissolution engagée par le ministre de l’Intérieur contre le parti catholique traditionaliste Civitas pour antisémitisme, la députée de Paris Caroline Yadan a suggéré de dissoudre également La France insoumise, scandalisant ainsi la gauche.

« L’antisémitisme n’a pas sa place dans notre pays. » : lundi 7 août, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé saisir le Procureur de la République d’une part et, d’autre part, engager la dissolution de Civitas, en raison du discours tenu par l’essayiste Pierre Hillard lors de l’université d’été du parti catholique traditionaliste, en juillet.

Retour sur la polémique

Une mesure qui fait suite à un extrait vidéo de son intervention partagée par le compte Twitter/X « Jugé coupable », dans laquelle le docteur en sciences politiques dit : « En septembre 1791, vous avez eu un évènement : la naturalisation des juifs. Avant 1789, un juif, un musulman, un bouddhiste etc. ne pouvait pas devenir français. Pourquoi ? Parce que c’étaient des hérétiques. Et la naturalisation des juifs en 1791 ouvre la porte à l’immigration. Parce qu’à partir du moment où vous donnez la nationalité française aux juifs, tôt ou tard, on ne pouvait pas la refuser aux bouddhistes, aux musulmans, etc. Lorsqu’Eric Zemmour parle avec justesse d’invasion migratoire, il oublie de dire que ce sont ses coreligionnaires qui ont ouvert les portes de l’immigration. Et évidemment si on rétablit les lois de catholicité et qu’on fait du catholicisme traditionnel la religion d’État, peut-être faudrait-il retrouver la situation d’avant 1789. »

Des propos qui ont rapidement embrasé la toile. « Ces gens agissent depuis des années sans souci, contre l’IVG, contre les droits des femmes, des personnes LGBT… Plus récemment, Civitas était à la manœuvre à Saint-Brevin et à Callac contre des centres d’accueil de réfugiés. Pas étonnant. A vomir », a fustigé par exemple la députée LFI Nadège Abomangoli, à l’instar du chef de file LFI Jean-Luc Mélenchon : « En France en 2023, quelqu’un demande de revenir sur la nationalité et citoyenneté française des juifs décidées par la grande Révolution de 1789 ! L’antisémitisme doit être puni sans faiblesse. Que fait Darmanin ? ».

« Allô Gérald Darmanin, c’est quand la dissolution de Civitas qui appelle à déchoir les juifs et musulmans de la nationalité française ? », s’est également écrié sur Twitter/X Cemil Şanlı, journaliste au Média, comme son confrère Didier Maïsto : « Depuis que les chaînes d’info invitent n’importe qui pour déverser sa haine, beaucoup se désinhibent totalement. Parce qu’il est là, le fond du problème ». De son côté, Edwy Plenel, président de Mediapart, a chargé Gérald Darmanin en taclant : « Ce serait encore mieux s’il était lui-même au clair sur le sujet », relayant une vidéo sur France 5 en mars 2021 dans laquelle il accuse le ministre de l’Intérieur d’avoir relayé dans son livre Le Séparatisme islamiste les « pires clichés antisémites » véhiculés par Napoléon Bonaparte dans le cadre de sa politique d’intégration des juifs à la nation française.

D’autres personnalités à droite ont également sévèrement critiqué l’intervention de Pierre Hillard : « Le cadavre puant de l’extrême droite antisémite bouge encore. Avocats Sans Frontières va se le faire », a, par exemple, tonné Gilles-William Goldnadel. Dans un article paru sur le Courrier des Stratèges, l’historien Edouard Husson note, pour sa part, « l’accumulation d’erreurs historiques en moins d’une minute ». Ce dernier fait valoir que l’intégration des juifs avait été lancée par Louis XVI, que des protestants ont servi les rois, même après la révocation de l’Édit de Nantes, que l’expression « lois de catholicité » est inconnue de l’Ancien Régime, ou encore que les rois de France depuis François Ier se sont opposés au catholicisme d’État par refus de reconnaître l’autorité pleine du Pape dans un certain nombre de domaines de la vie de l’Église de France.

Sur Twitter/X, répondant au tweet de Jean-Luc Mélenchon, Pierre Hillard a, lui, ouvertement soupçonné Christian Bouchet, auteur nationaliste et ami du théoricien russe Alexandre Douguine, d’être à la manœuvre derrière cette polémique : « S’appelant lui-même « Frater Marcion » Bouchet est un haut initié de Memphis-Misraïm, qui a prétendu être le chef de l’OTO. Memphis appartenant au Grand Orient de France, comme Mélenchon. Curieux, aucun tweet pour vous réjouir du bon timing, « Frère » Christian Bouchet ? » Les deux hommes s’étaient pris à partie plus tôt sur le réseau social à propos des critiques de Pierre Hillard à l’encontre d’Alexandre Douguine, décrit comme un proche de Poutine et du Kremlin, que l’essayiste a accusé en juillet d’avoir des affinités avec « l’occultisme ».

Pour Pierre Hillard, les grands évènements de l’histoire, comme la Révolution française ou la Révolution bolchévique, sont influencés par les juifs mais aussi les non-juifs imprégnés de la pensée maçonnique, « héritée de la synagogue talmudique qui est l’essence même de la Révolution », expliquait-il en 2017 sur Facebook, rapporte Libération. Ce jusqu’à la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui, avance-t-il, « est une guerre de clans juifs », anglo-saxon et russe. L’essayiste estime en effet que Vladimir Poutine est contrôlé par le mouvement juif des Loubavitch et que le président russe désire, comme les Atlantistes, une « numérisation du monde complète, d’où la volonté de mettre en place des monnaies numériques. La figure de proue est la Chine et le deuxième pays à la pointe est la Russie de Poutine ». « C’est une guerre entre factions » qui s’affrontent entre elles pour obtenir la tête de la gouvernance mondiale, estime-t-il.

Quant à Civitas, l’organisation catholique traditionaliste a indiqué sur le réseau social soupçonner derrière l’annonce de sa dissolution un lien avec une vidéo de son président, Alain Escada, dans laquelle ce dernier parle de « pédocriminalité et rites sataniques parmi les élites ».

Dissoudre la France insoumise pour lutter contre l’antisémitisme

Après l’annonce de Gérald Darmanin relative à la dissolution du mouvement catholique Civitas, Jean-Luc Mélenchon s’est félicité que le ministre « donne une réponse claire à l’interpellation des insoumis et de la Licra ». Et d’ajouter : « L’antisémitisme va être puni. Civitas sera dissout et le procureur de la République est saisi des propos de Pierre Hillard. »

Sauf que : interpellant le leader de La France insoumise, l’élue de Paris (Renaissance) Caroline Yadan en a profité pour suggérer… de dissoudre également le parti d’extrême gauche. « Magnifique récupération de Jean-Luc Mélenchon. […] Et la dissolution de LFI pour lutter contre l’antisémitisme, c’est une idée aussi, non ? » a-t-elle lancé, ironique, sur Twitter/X.

De quoi susciter, mardi 8 août, l’émoi de plusieurs élus LFI et du patron du Parti socialiste, Olivier Faure. L’eurodéputée LFI Manon Aubry a ainsi étrillé cette « conception de la démocratie », en se demandant « où sont tous les défenseurs de la République ». « Ils se drapent dans les habits de grands démocrates mais marchent ensemble vers l’arc réactionnaire, celui du parti unique », a renchéri le député mélenchoniste Thomas Portes, qui avait apporté son soutien au dirigeant de la CGT interpellé après des insultes antisémites contre Éric Zemmour en juin. Aymeric Caron, député LFI de Paris et voisin de circonscription de Caroline Yadan, a encore jugé que sa collègue macroniste « instrumentalise sans cesse la lutte contre l’antisémitisme pour salir (ses) adversaires politiques », la qualifiant de « honte pour la vie politique de ce pays ». Pour sa part, Olivier Faure a interpellé la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et le président du groupe Renaissance dans l’hémicycle, Sylvain Maillard, en les mettant en garde contre leur « silence » qui cautionnerait selon lui les propos de Caroline Yadan.

La France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon font régulièrement l’objet d’accusations d’antisémitisme. Mi-juillet, le président du conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi avait même accusé le triple candidat malheureux à la présidentielle de se « compromettre loin du pacte républicain », en estimant que « les porte-voix de La France insoumise (faisaient) davantage partie du problème que de la solution ». En réaction, Jean-Luc Mélenchon avait répliqué à son tour en accusant le Crif d’être « d’extrême droite ».

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