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François Bayrou prescrit d’imposer aux médecins deux jours par mois de consultation dans les déserts médicaux

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Une banderole indique que la municipalité recherche des médecins à l'entrée de la Roche de Glun dans le sud-est de la France, le 12 juin 2024.

Photo: NICOLAS GUYONNET/Hans Lucas/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Quel remède aux déserts médicaux ? À l’occasion d’un déplacement dans le Cantal vendredi, François Bayrou a préconisé d’imposer jusqu’à deux jours par mois de temps de consultation aux médecins dans les zones prioritaires du territoire.
« Chaque médecin généraliste ou spécialiste qui exerce dans un territoire bien pourvu devra consacrer un ou deux jours par mois à des consultations dans les zones qui sont les plus en difficulté », a annoncé le Premier ministre au terme d’une visite à Puycalvet, une petite commune rurale à une quarantaine de kilomètres d’Aurillac.
Près de 30 millions de consultations par an seraient ainsi réorientées là où il y en a besoin. Cette mesure concernerait tous les médecins, qui pourront se faire remplacer dans leur cabinet principal. « Il y aura des contreparties financières », « a contrario, les médecins qui refuseraient se verront pénalisés », a précisé une source gouvernementale.
Ce principe de solidarité du corps médical est présenté par l’exécutif comme une alternative à la « fin de la liberté d’installation » des médecins, mesure induite dans une proposition de loi transpartisane dont l’article phare a été adopté contre l’avis du gouvernement début avril par l’Assemblée nationale, avant l’examen de la suite du texte prévu début mai.
Des appels à manifester dès le 28 avril
Ce texte provoque la colère des médecins libéraux, étudiants en médecine, internes et jeunes médecins, pour qui ce projet « mettra à mal l’attractivité de la médecine libérale, aujourd’hui le premier rempart du système de santé ».
« Cette voie de la régulation autoritaire ne sera pas celle que nous retiendrons dans l’étape que nous ouvrons aujourd’hui », mais « si ce plan d’urgence immédiat ne réussit pas, nous savons bien qu’au bout du compte, le jour viendra où les principes de ce système, fondé sur le choix libre des médecins, devront changer », a averti M. Bayrou.
Lucas Poittevin, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), a lancé la semaine passée un appel à « une grève nationale intersyndicale illimitée à partir du 28 avril ». Des manifestations des anti-régulation sont aussi prévues le 29 avril dans toute la France.
Les syndicats de médecins ne sont pas emballés. « Il ne faut pas que ce soit l’idée de contrainte, d’obligation », regrette auprès de l’AFP Agnès Giannotti, présidente de Médecins généralistes (MG France, majoritaire chez les libéraux). « On fait au quotidien vraiment le maximum de ce qu’on peut faire pour soigner les gens. Il faut nous protéger, il faut nous aider, il ne faut pas nous contraindre et nous menacer », poursuit la responsable.
Patricia Lefébure, présidente de la Fédération des médecins de France (Fmf), rappelle à l’AFP que son organe « proposait déjà ce principe de solidarité il y a 10-15 ans ». « C’était quand il y avait encore pas mal de médecins. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de médecin, c’est un peu tardif » grince-t-elle.
Six millions de Français n’ont pas de médecin traitant
À l’occasion d’un déplacement dans le Cantal – département passé de 160,6 médecins généralistes pour 100.000 habitants en 2010 à 139,4 en 2025 selon l’Ordre des médecins – le Premier ministre a donc présenté son « pacte de lutte contre les déserts médicaux ».
En 2024, six millions de Français n’avaient pas de médecin traitant. « Les déserts médicaux sont à notre avis, le symptôme le plus grave de la fracture que nous avons laissée se créer au travers du temps sur notre territoire », constate François Bayrou.
« Des pathologies qui pourraient être traitées rapidement, perdurent ou s’aggravent, faute d’avoir été soignées à temps », regrette encore le Premier ministre. En 2024, 35% des sondés par l’UFC-Que Choisir ont « renoncé à des soins faute de rendez-vous », contre 27% en 2023.
Trois autres axes également présentés
Outre la mesure phare des deux jours par mois, le plan présenté vendredi comprend trois autres « axes ». Le premier traite de la formation. L’idée est de « permettre au plus de jeunes possible d’accéder aux études de santé, au plus près de leur territoire », de « recruter dans les territoires ruraux ou moins favorisés », déroule une source gouvernementale. Un nouveau médecin s’installe plus volontiers dans son territoire d’origine : 50% des médecins généralistes formés exercent à moins de 85 km de leur lieu de naissance, une installation sur deux est située à moins de 43 km de l’université d’internat.
Le gouvernement entend ainsi développer massivement les stages en « territoires sous-denses » pour les étudiants en médecine. Chaque département – les trois-quarts le sont aujourd’hui – devra être pourvu d’une première année aux études de santé.
Le gouvernement veut par ailleurs confier de nouveaux actes aux autres professionnels de santé. Un patient souffrant de rhinite allergique saisonnière pourrait ainsi se rendre en pharmacie pour recevoir son traitement avec une ordonnance échue.
Par ailleurs, l’exécutif souhaite, dans le délai d’un mois, une cartographie des zones particulièrement prioritaires, dites « zones rouges ». Ce travail va être confié aux agences régionales de santé (ARS), « en lien étroit avec les préfets et les élus locaux », afin de « définir département par département les zones les plus prioritaires » pour l’application de ce plan.