Benoît Perrin : « Nous n’avons pas à payer pour les errements de nos responsables politiques depuis 50 ans »

"Un pays qui connaît une dépense publique qui avoisine les 58% de la richesse créée par les Français ne peut être à l’évidence considérée comme libéral"

Par Julian Herrero
19 mars 2024 17:32 Mis à jour: 20 mars 2024 10:21

ENTRETIEN – Dans un entretien à l’Obs publié le 6 mars, l’essayiste et conseiller politique, Alain Minc a déclaré qu’il « faut d’urgence augmenter les impôts ». Des propos qui ont surpris. Quelques jours plus tard, il s’est justifié dans l’émission C dans l’air en parlant d’un « incident sur la dette ». « L’écart entre les taux internationaux et les nôtres risquent d’augmenter […] Il ne faut pas augmenter les impôts sur les entreprises, mais plutôt sur les ménages », a-t-il ajouté. Il préconise notamment une augmentation de la TVA et de l’impôt sur le revenu. Le directeur général de Contribuables Associés, Benoît Perrin réagit au propos de l’essayiste dans les colonnes d’Epoch Times. Il livre également son analyse sur les prélèvements obligatoires en France.

Epoch Times – Que vous inspirent les propos d’Alain Minc ? Son analyse est-elle juste ?

Benoît Perrin – Tout part du fait que le gouvernement a commis une erreur de calcul de prévision dans son taux de croissance. Tous les économistes, et même l’OCDE, prévoyaient des taux allant de 0,6 à 0,8 %. Il y a quelques mois, quand le gouvernement a fait voter un budget, c’était complètement insincère puisqu’il misait sur une croissance d’1,4 %. Par ailleurs, je rappelle que pour 2024, le budget est calculé sur une prévision de croissance de 1,7 %. De toute évidence, le gouvernement va devoir revoir sa copie. Pour résumer, comme ses prédécesseurs, il envisage des recettes inatteignables pour éviter les coupes budgétaires indispensables.

Ensuite, l’État fonctionne comme une famille : en cas de problèmes, soit vous augmentez vos recettes, soit vous diminuez vos dépenses. La stratégie d’Alain Minc consiste à taxer encore davantage les Français. Pourtant, la France est déjà championne d’Europe des prélèvements obligatoires : selon l’INSEE, 45,4 % du PIB, un taux encore plus haut que sous la présidence de François Hollande. À Contribuables Associés, nous prônons l’inverse : identifier des économies. Rappelons que la Cour des comptes estime avec raison que, d’ici la fin du quinquennat, 50 milliards d’économies doivent être réalisées. Il faut donc dès à présent se mettre au travail. Les gisements sont nombreux au sein de l’État mais aussi des collectivités locales et des prestations sociales. Le gouvernement doit s’y atteler. Nous n’avons pas une minute à perdre ! À l’époque, nous étions aux alentours de 44,9%. Il faut donc davantage agir sur les dépenses que sur les recettes.

Peut-on voir dans les propos d’Alain Minc, une forme de déconnexion avec le réel, ce que vivent les gens au quotidien ?

Alain Minc, comme un certain nombre de ministres ou de responsables politiques lorgnent depuis des années sur l’épargne des Français. Je pense que le cœur du problème est là. La dette française est de plus de 3.000 milliards d’euros et l’épargne financière des Français est d’environ 6,5 milliards d’euros. L’actif immobilier atteint à peu près 10 milliards. Donc si vous prenez l’épargne financière et l’immobilier des Français, on atteint environ 16 milliards.

Sans l’avouer publiquement, certains dirigeants se rassurent en se disant qu’au pire, une ponction de l’épargne des Français permettra de régler notre dette. S’ils mettent leur projet en action, seule la mobilisation massive des Français pourra les faire reculer. Nous n’avons pas à payer pour les errements de nos responsable politiques depuis 50 ans.

En revanche, il est vrai qu’une réflexion doit être menée pour ne pas faire reposer notre système de protection sociale sur le travail. Compte tenu de notre faible démographie, ce système ne peut plus fonctionner. J’ajoute que pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, il faut baisser les charges salariales et patronales. Donc; il faudra bien trouver d’autres sources de financement de notre protection sociale.

La France est redevenue la numéro 1 mondial des prélèvements obligatoires (45,4 % du PIB contre 25 % aux États-Unis). C’est, selon le directeur de l’Institut de Haute Finance, Philippe Dessertine « le record de l’histoire de France ». Comment analysez-vous cette situation ?

Cette situation est liée au manque de courage du personnel politique depuis des décennies. Et puisqu’ils ne veulent pas examiner les dépenses de l’État, ils doivent toujours ponctionner l’argent des Français que ce soit sur les entreprises ou sur les particuliers. Leur logique est toujours la même.

C’est assez contradictoire avec ce qu’on peut régulièrement entendre. La gauche dit que l’on vit dans un enfer libéral et le gouvernement parle de baisse d’impôts.

Certains responsables politiques, souvent situés à l’extrême gauche, estiment en effet que nous vivons dans un enfer libéral. Il y a quelques jours, la responsable de la CGT a estimé que « Bruno Le Maire est la réincarnation de Margaret Thatcher ». Quelle grotesque comparaison lorsque l’on sait que la dette a cru de plus de 900 milliards d’euros depuis la prise de fonction du ministre de l’Économie et des Finances.

Un pays qui connaît une dépense publique qui avoisine les 58% de la richesse créée par les Français ne peut être à l’évidence considérée comme libéral. Sur 1.000 euros de dépenses publiques, seuls 66 € servent à financer les fonctions régaliennes de l’État. De plus, des taxes naissent à longueur de temps, souvent sur les entreprises. La dernière ? La taxe streaming imposée aux firmes qui vendent des abonnements de musique en ligne. N’oublions jamais que ce type de taxes sont systématiquement répercutées sur le prix de vente. C’est donc le consommateur qui trinque. Suite à l’annonce de cette nouvelle taxe, les plateformes de streaming ont été transparentes : elles vont augmenter leurs prix.

Pour éviter d’augmenter trop grossièrement les impôts, l’autre stratégie, consiste à supprimer des « niches fiscales » (dispositif Pinel ou prime Macron dont les conditions ont été redéfinies). Mais au final, il s’agit en réalité d’une augmentation d’impôts pour ceux qui en bénéficiaient !

L’enfer libéral existe peut-être mais ce n’est pas la France.

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