ENTRETIEN – Dans son dernier ouvrage, Comprendre l’incroyable écologie (éditions Salvator) l’ingénieur-maître en gestion de l’environnement Bertrand Alliot décrypte le « phénomène écologie » et comment ceux qui nous dirigent se sont laissé convaincre par l’alarmisme de cette idéologie et ont abandonné des politiques raisonnables de protection de l’environnement.
Bertrand Alliot est docteur en science-politique, porte-parole de l’association Action Écologie et auteur de : Une histoire naturelle de l’homme (L’Artilleur, 2020). Il estime qu’aujourd’hui le discours catastrophiste écologique est en perte de vitesse.
Epoch Times : Bertrand Alliot, quel est l’objet de votre dernier ouvrage cinq ans après la publication du précédent ?
Bertrand Alliot : Il s’agit d’un ouvrage d’analyse qui s’efforce d’expliquer au plus grand nombre comment on peut définir « l’écologie » notamment et la différenciant de la notion d’ « environnement ». L’écologie est un mouvement qui se donne pour objectif de sauver l’humanité à cause de problèmes environnementaux qui seraient d’une gravité extrême.
L’environnement, c’est très différent : c’est corriger les effets pervers du développement et tout simplement mettre en œuvre des mesures pour limiter les pollutions et les nuisances. À cause de son ambition démesurée, l’écologie est naturellement dictatoriale. Avec l’environnement, on est dans la gestion en bon père de famille.
J’explique comment cette écologie, née au XIXe siècle, s’est immiscée progressivement dans nos vies et pourquoi et comment elle a fini par séduire les élites politiques au XXIe siècle. Au fond, je raconte de façon simple qu’est-ce que l’écologie, quelle a été son histoire et comment son aventure va bientôt prendre fin, à cause de sa nature même.
Ce livre s’adresse à la fois aux écologistes qui doivent prendre du recul vis-à-vis de leur cause, et aux adversaires de l’écologie, auxquels je propose des clés de compréhension.
À quand remonte précisément ce basculement ?
Cette bascule s’est opérée lorsque les gouvernements des pays du Nord et plus particulièrement les États européens, après être restés longtemps à distance de l’écologie en menant des politiques de l’environnement, se sont convertis au catastrophisme. C’est le thème du changement climatique qui, en devenant quasiment le seul sujet de préoccupation, a provoqué la bascule de l’environnement à l’écologie.
« L’utilisation du mot ‘environnement’ s’est beaucoup raréfiée au fil du temps et l’expression ‘développement durable’ après avoir connu un succès phénoménal, a quasiment disparu », écrivez-vous. Ce basculement dont vous parlez a donc été marqué par cette évolution sémantique ?
Oui, en France, c’est particulièrement spectaculaire. Le « ministère de l’Environnement » est par exemple devenu il y a une quinzaine d’années le « ministère de l’Écologie ». Nous avons aussi un Conseil de défense écologique depuis 2019 qui est l’équivalent du Conseil de défense et de sécurité nationale. Un vocabulaire militaire s’impose et traduit le fait que nous aurions besoin d’une économie de guerre pour sortir des ornières climatiques.
Nous sommes de plain-pied dans l’écologie qui, à l’échelle européenne, a réussi à pondre un « Pacte vert », le grand projet de décroissance qui est en train d’appauvrir considérablement les Européens.
Vous établissez un parallèle entre l’écologie et les « deux grandes idéologies du XXe siècle » autour de la notion d’« homme nouveau ». Pourriez-vous expliquer ?
L’écologie n’a en effet pas seulement pour conséquence la mise en place de politiques publiques inapplicables et ruineuses comme le Pacte vert, elle crée également de l’idéologie.
Celle à qui nous avons affaire explique que nous ne pourrons régler « la crise écologique » que si nous changeons de l’intérieur, en faisant un travail sur nous-mêmes. En gros, nous aurions besoin de bonnes séances de psy pour devenir des hommes nouveaux. Les idéologies du XXe siècle voulaient, de la même manière, forger cet homme nouveau qui pense autrement et donc finit par agir autrement.
Mais la particularité de l’idéologie écologiste, contrairement au communisme par exemple, c’est que cet homme nouveau s’inspire d’un homme ancien, ou plutôt d’un homme ancien fantasmé : celui des sociétés traditionnelles du passé qui avait, soi-disant, un comportement vertueux vis-à-vis de la nature. C’est pourquoi l’écologie met toujours en valeur les « peuples autochtones ».
Mais selon vous, le discours catastrophiste est aujourd’hui en perte de vitesse. Vous pointez notamment du doigt les contradictions des écologistes sur les énergies renouvelables, le nucléaire ainsi que les conséquences sociales des politiques coercitives. On dirait que les récents événements vous donnent raison puisque l’Assemblée a voté la suppression des ZFE le 17 juin et de nombreuses voix s’élèvent contre la PPE3.
L’écologie qui nous annonce depuis le XIXe siècle l’apocalypse est en réalité rattrapée aujourd’hui par de vraies crises. Pourquoi savons-nous que ce sont de vraies crises ? Parce qu’elles sont là et s’imposent à nous : nous sommes pris à la gorge par la situation de nos comptes publics et par le retour des guerres aux frontières de l’Europe.
Nous n’avons plus les moyens de dépenser des centaines de milliards d’euros pour des politiques inefficaces censées empêcher une apocalypse hypothétique. L’impact social des politiques coercitives est très lourd et les Français ont commencé à hausser le ton. Le mouvement porté par Alexandre Jardin en est le parfait exemple.
Allons-nous donc, selon vous, revenir à une approche plus pragmatique de la protection de l’environnement ?
C’est mon pari. Je pense effectivement que nous allons naturellement revenir à des politiques pragmatiques de protection de l’environnement et abandonner les politiques écologiques qui, de façon désespérée et illusoire, veulent sauver la planète.
Des évolutions récentes montrent que nous allons dans ce sens. Le ministère de l’Écologie, pendant plus de 15 ans, avait la responsabilité des politiques des transports, du logement et de l’énergie, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il redevient donc progressivement un ministère de l’environnement qui s’occupe des pollutions, des nuisances et des questions de biodiversité.
Il ne reste plus qu’à supprimer le Haut Conseil pour le Climat, le Conseil de défense écologique et le Secrétariat général à la planification écologique et nous allons enfin revenir à l’ère de l’environnement. Les lignes commencent donc à bouger et c’est encourageant !
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