Les conséquences malheureuses de la «politique d’une seule Chine»

Par Gabriël Moens
22 août 2022 15:44 Mis à jour: 22 août 2022 15:44

Le 10 août, Xiao Qian, l’ambassadeur de Chine en Australie, a profité d’un discours prononcé à Canberra pour commenter la politique de l’Australie à l’égard de Taïwan. Ses remarques ont été belliqueuses et intransigeantes.

Il a également déclaré que la récente visite à Taïwan de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, violait la « politique d’une seule Chine » et que, si la Chine était prête à faire des compromis sur les questions économiques et commerciales, cela ne s’appliquerait pas à Taïwan.

Pour Pékin, Taïwan est simplement une province renégate qui doit être réunifiée avec l’État-parti chinois. L’affirmation la plus inquiétante de l’ambassadeur concernait son point de vue selon lequel, après la réunification, la population de Taïwan pourrait être soumise à la rééducation pour obtenir une compréhension « correcte » de la Chine. Il a aussi approuvé les récentes manœuvres sans précédent de l’armée chinoise autour de Taïwan comme étant l’expression légitime d’un gouvernement souverain.

L’ambassadeur chinois a correctement décrit la « politique d’une seule Chine », menée au cours des cinq dernières décennies par l’Australie et autres pays occidentaux, en insistant sur le fait qu’elle devrait être poursuivie. Il a également comparé Taïwan à l’île de Tasmanie pour justifier les actions de la Chine à l’égard de Taïwan. Cependant, la Tasmanie a volontairement rejoint la fédération australienne en 1901, devenant son seul État insulaire – et ce, contrairement à Taïwan, qui n’a pas été gouverné par la Chine depuis au moins 1895.

Ce que nous voyons maintenant, ce sont les conséquences malheureuses de la mise en œuvre d’une « politique d’une seule Chine » mal conçue. Cette politique fait référence à un communiqué conjoint sino-américain de 1972, qui a suivi l’éviction de Taïwan de l’ONU et de la scène diplomatique internationale au profit de l’État-parti chinois en 1971, et selon lequel « les États-Unis reconnaissent que tous les Chinois de part et d’autre du détroit de Taïwan soutiennent qu’il n’y a qu’une seule Chine et que Taïwan fait partie de la Chine ».

Comme l’indique le communiqué, Taïwan (également connu sous le nom de République de Chine) et la République populaire de Chine ont tous deux consenti à cette politique, chacun proclamant, dans leur constitution respective, sa souveraineté sur l’ensemble du territoire chinois.

La politique d’apaisement

Le Parti communiste chinois (PCC) s’appuie désormais sur cette « politique d’une seule Chine », abandonnée par Taïwan en 1992, pour chercher à prendre le contrôle de Taïwan, pacifiquement ou militairement.

Avec le recul, il est facile de voir que la « politique d’une seule Chine », initialement vue par l’Occident comme une politique d’apaisement, a contribué à la situation instable et dangereuse qui se déroule actuellement dans la région. Cette situation est le résultat de la réticence de l’Occident, depuis le début des années 1970, à s’en tenir à ses principes – plus précisément, à défendre l’autodétermination, la démocratie et les droits de l’homme.

Cette politique de l’Occident est un exemple flagrant d’auto-illusion, fondée sur l’idée que les principes de base peuvent ne pas être respectés dans le monde de la politique à condition que cela apporte des avantages commerciaux et économiques tangibles et la création de marchés d’exportation rentables.

Aujourd’hui, Taïwan n’est reconnu comme un pays que par 15 petites nations. Il est intéressant de noter que quatre de ces pays, les îles Marshall, Nauru, Palau et Tuvalu, se trouvent dans le Pacifique Sud. La détermination manifestée par le régime chinois à s’assurer une influence dans cette région vise à éloigner ces pays de Taïwan, isolant encore plus cette île démocratique.

Est-il temps de ne plus reconnaître la politique d’une seule Chine ?

Pékin utilise ses relations diplomatiques et économiques comme arme pour subvertir les pays démocratiques. L’ancien Premier ministre australien Tony Abbott a posé cette question : « Et si on arrêtait tout ce que nous faisons actuellement et qui nous rend plus faibles en rendant notre adversaire potentiel plus fort ? Comme, par exemple, insister pour que nos émissions [de CO2], relativement insignifiantes, soient réduites de 43% en seulement huit ans alors que le plus grand émetteur mondial [la Chine] ne fait rien ? »

Lorsque la « politique de la Chine unique » a été élaborée, le monde avait déjà un avant-goût des intentions du régime chinois : son occupation du Tibet de 1949 à 1951, le Grand Bond en avant, la Révolution culturelle et les violations des droits de l’homme – tout cela était déjà évident à cette époque.

Si l’Occident avait simplement reconnu la réalité de l’existence de deux pays chinois – la République populaire de Chine et la République de Chine – il serait aujourd’hui beaucoup plus difficile pour Pékin de faire jouer sa puissance militaire.

Les plus grands exercices militaires chinois autour de Taïwan ont été lancés le 4 août, après la visite sur l’île de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis. (HECTOR RETAMAL/AFP via Getty Images)

À l’heure actuelle, un Taïwan indépendant aurait été fermement reconnu comme un pays vraiment indépendant et démocratique, ce qui rendrait beaucoup plus difficile pour Pékin de revendiquer cet État insulaire comme une province renégate.

L’homme politique australien Kevin Andrews, récemment rentré d’une visite à Taïwan, a résumé la crise actuelle autour de Taïwan dans un article dans The Spectator : « Ce type de menace militaire continue et délibérément accrue, notamment le lancement dangereux de missiles dans certains couloirs de transport les plus fréquentés du monde, est irresponsable, tant pour Taïwan que pour l’ensemble de la communauté internationale. Cela … crée de fortes tensions dans la région Indo-Pacifique, dans le cadre desquelles la sécurité des transports aériens et maritimes ainsi que le fonctionnement normal du commerce international sont tous soumis à une menace sans précédent. »

Les pressions et les menaces de Pékin ne devraient pas empêcher les pays occidentaux de reconnaître Taïwan comme un pays indépendant et de reléguer la « politique d’une seule Chine » aux oubliettes de l’histoire.

Gabriël Moens est professeur émérite de droit à l’université du Queensland, en Australie, et a été vice-chancelier et doyen de l’université Murdoch. En 2003, il a reçu l’Australian Centenary Medal pour services rendus à l’éducation. Il a enseigné en Australie, en Asie, en Europe et aux États-Unis. M. Moens a récemment publié deux romans : A Twisted Choice (Un choix déformé) et The Coincidence (La coïncidence).

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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