OPINIONS

La crise du bien-être chez les jeunes adultes et le déclin de la spiritualité

novembre 1, 2022 23:25, Last Updated: mai 6, 2023 12:15
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Pendant des décennies, le bien‑être à l’âge adulte a suivi ce que les spécialistes des sciences sociales appellent un « modèle en U » : un bien‑être plus élevé chez les jeunes adultes, un creux au milieu de la vie et un bien‑être accru à un âge plus avancé.

Mais au début de cette année, le Human Flourishing Program de l’université de Harvard a publié des résultats troublants montrant que le côté gauche de cette courbe en U s’est totalement aplani. Le bien‑être des jeunes adultes a considérablement diminué par rapport à celui des groupes plus âgés – une baisse beaucoup plus importante selon l’âge que pour toute autre variable, comme le sexe ou les origines.

Comme l’indique la revue JAMA Psychiatry, « nos résultats confirment l’existence d’une crise de la santé mentale et une augmentation de la solitude. Ces deux facteurs affectent les jeunes adultes de manière disproportionnée » et s’étendent « à de multiples facettes supplémentaires du bien‑être, au‑delà de la santé mentale ». Le bonheur, la santé physique, le bon sens, le caractère, les relations sociales et la stabilité financière ont tous considérablement diminué chez les jeunes adultes.

Selon le Dr Tyler J. VanderWeele, un des auteurs de l’étude, cela va au‑delà d’une crise de santé mentale.

Une crise imminente

Les causes potentielles de la crise de la santé mentale chez les jeunes font l’objet d’un débat permanent sur la culture. Comme l’a récemment suggéré la National Alliance on Mental Illness, « le fait d’être constamment dans la comparaison et d’avoir toujours des défis à relever pour rester à la hauteur » des médias sociaux, le fait que le monde technologique impose qu’il faille « toujours être branché », le chagrin et la peur résultant d’une crise mondiale et enfin l’accès constant à des nouvelles inquiétantes jouent certainement tous un rôle.

Mais le déclin du bien‑être suggère que quelque chose de plus fondamental encore est à l’œuvre. Le Dr VanderWeele évoque une crise du sens et de l’identité, et donc une crise de l’appartenance. Ses conclusions rejoignent celles de Lisa Miller, de l’université de Columbia, dont les travaux approfondis en tant que psychologue clinique et chercheuse sur le cerveau l’ont amenée à conclure que « l’absence de soutien à la croissance spirituelle des enfants » contribue aux taux alarmants de dépression, de toxicomanie, de comportements de dépendance et de diminution du bien‑être. Car ce qui est mis de côté, c’est l’ensemble inné des capacités à faire l’expérience de la connexion, de l’unité, de l’amour et du sentiment d’être guidé par une force vitale supérieure qui nous relie aux autres d’une manière sacrée.

Le rôle de la religion

Comme le notent les Drs VanderWeele et Miller, la religion a traditionnellement fourni ce soutien essentiel avec des implications très importantes pour le développement et la santé des adolescents. Les preuves indiquent que l’engagement religieux peut avoir des effets sur la santé plus profonds à l’adolescence qu’à l’âge adulte, avec des implications de grande portée tout au long de la vie. En 2003, une méta‑analyse sur le rôle de la religion dans la vie des adolescents a tenté de résumer ce que l’on savait jusqu’alors.

Parmi d’autres effets positifs, le rapport a trouvé des relations frappantes et cohérentes entre la spiritualité des adolescents et les comportements de vie sains, une relation modeste entre la spiritualité et l’estime de soi, et des « effets protecteurs modestes » contre l’alcool, le tabagisme et la consommation de drogues. La spiritualité avait cependant un fort impact sur l’activité sexuelle. Les jeunes étaient généralement moins empressés d’avoir des relations sexuelles et avaient globalement des comportements moins risqués.

Des recherches récentes intégrant des concepts méthodologiques plus robustes ont confirmé les résultats de ces autres études transversales : les habitudes religieuses à l’adolescence sont associées à un plus grand bien‑être psychologique, à plus de force de caractère et à des risques moindres de maladie mentale. Par exemple, une étude longitudinale récente portant sur un échantillon représentatif d’adolescents a montré que la pratique religieuse réduisait les probabilités de consommation de drogues, de comportements sexuels à risque et de dépression. Le Dr Miller a également constaté que les adolescents qui avaient une relation positive et active avec la spiritualité étaient nettement moins susceptibles de consommer et d’abuser de substances (40% de moins), de souffrir de dépression (60%) ou d’avoir des rapports sexuels à risque ou non protégés (80%).

Pourquoi la religion a‑t‑elle un impact ?

Comprendre les mécanismes par lesquels la religion a un impact positif sur le développement des adolescents et des jeunes adultes permet de mieux cerner l’étendue de son influence. Des recherches antérieures ont suggéré que la religion était essentiellement une question de contrôle de soi, son rôle était globalement d’encourager les adolescents à « ne pas faire quelque chose d’irréfléchi ». Mais il est rapidement apparu qu’une théorie plus polyvalente de l’influence religieuse était nécessaire. Il est notamment intéressant d’étudier la manière dont la religion façonne les jeunes à travers leurs familles.

Comme indiqué dans la méta‑analyse de 2003, la recherche confirme ce qui découle « du bon sens », à savoir  que les parents et leurs propres pratiques religieuses sont parmi « les influences les plus fortes sur le comportement religieux des adolescents ». Cela signifie, bien sûr, que les parent modèlent et enseignent les comportements religieux. Mais cela signifie également que les parents ont eux‑mêmes été façonnés par la religion.

Les recherches approfondies de Christian Smith sur la spiritualité des adolescents l’ont amené à formuler trois mécanismes supplémentaires par lesquels la religion a un impact positif sur le bien‑être des adolescents et des jeunes adultes. Premièrement, la religion fournit un ensemble de critères moraux qui délimitent le bien et le mal, les manières acceptables et inacceptables d’être, et un accent sur la vertu, ce qui implique la maîtrise de soi, un fort sentiment d’exister et d’avoir un but et de la compassion pour les autres. Deuxièmement, les habitudes religieuses renforce les compétences, notamment les capacités d’adaptation, les connaissances et le capital culturel, ce qui améliore la santé, le statut social et les « chances dans la vie ». Enfin, la religion permet d’établir des liens relationnels avec des adultes et des gens de son âge. Ceux‑ci représentent des ressources et des opportunités utiles, un soutien émotionnel et des conseils dans leur développement. Certains sont des modèles de parcours de vie accomplie qui peuvent les inspirer.

Les recherches du Dr Miller, qui s’appuient sur des images IRM du cerveau, indiquent une réalité encore plus fondamentale concernant l’engagement religieux, avec une importance particulière étant donné les défis uniques des adolescents et des jeunes adultes d’aujourd’hui. Le Dr Miller a identifié des zones du cerveau spécifiquement orientées vers la capacité de conscience transcendante. Comme l’indique sa recherche sur l’imagerie cérébrale, chaque personne est née avec un ensemble de capacités perceptives permettant de se connecter au transcendant, grâce auxquelles nous faisons l’expérience de l’unité, de l’amour et de la connexion, et avons le sentiment d’être soutenus et guidés. Lorsque nous « faisons pleinement usage » de ces capacités naturelles, notre cerveau devient structurellement plus chaud, ce qui se traduit par un cortex plus épais dans les régions de la perception, un accès accru aux avantages psychologiques, notamment une diminution de la dépression, de l’anxiété et de la toxicomanie, et un accès accru à des traits psychologiques positifs, notamment le courage, la résilience, l’optimisme et la créativité.

Guérir une génération en difficulté

Ces réalités ont une signification particulière étant donné les crises de perception du sens, de l’identité et de la connexion chez les adolescents et les jeunes adultes. En réalité, comme l’explique le Dr Miller, c’est la force et l’utilisation de ces capacités spirituelles naturelles qui permettent aux adolescents et aux jeunes adultes de passer « de la solitude et de l’isolement à la connexion », de la compétition et de la division à la compassion et à l’altruisme, d’une focalisation sur nos blessures, nos problèmes et nos pertes à « une ouverture au voyage de la vie ». Ce sentiment de connexion à une source transcendante permet à l’adolescent d’aller au‑delà d’un « modèle d’identité en pièces détachées » et d’une « vision morcelée et fragmentée de soi », affirme‑t‑elle, pour atteindre une conscience profonde de « ce que nous sommes les uns pour les autres » et une façon d’être fondée sur l’amour et la connexion.

Mais si cette capacité spirituelle innée n’est pas nourrie, elle s’atrophie. C’est pourquoi le Dr Miller, le Dr VanderWeele et d’autres sont particulièrement inquiets par le fait que les jeunes adultes d’aujourd’hui ont grandi en étant beaucoup moins susceptibles d’avoir participé à des services religieux formels ou d’avoir observé des comportements religieux chez leurs parents. L’identité religieuse a connu près de trois décennies de déclin constant, de sorte que la génération Z est la génération la moins religieuse à ce jour.

Pour le Dr Miller, cela signifie que la capacité innée de transcendance – avec tout ce qu’elle implique en termes de renforcement du sens, de l’identité et de la connexion – est totalement non formée pour la grande majorité des adolescents et des jeunes adultes.

Il n’est donc pas étonnant que nos jeunes soient dans une telle crise. Dans le même temps, la recherche a permis de mieux comprendre que la spiritualité, qu’elle soit liée (comme elle l’est le plus souvent) à une tradition religieuse ou non, est fondamentale pour notre bien‑être individuel et social. Cette compréhension accrue fournit une orientation puissante pour guérir une génération d’adolescents et de jeunes adultes solitaires en difficulté.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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