Dépendance aux opiacés : Des laboratoires pharmaceutiques aux médecins américains

11 août 2017 06:00 Mis à jour: 11 août 2017 05:58

Lorsque Sheila Bartels a quitté le cabinet de son médecin dans l’Oklahoma (sud), elle avait en main une ordonnance pour 510 comprimés anti-douleurs. Cette femme de 55 ans est morte le jour même d’une overdose.

Deux millions d’Américains dépendants aux opiacés

Son médecin, Regan Nichols, est poursuivi pour cinq meurtres: un pour chaque patient décédé d’une overdose après qu’elle leur a prescrit des médicaments opiacés, tels le Vicodin ou l’Oxycodone. « Les médecins ont une énorme responsabilité dans la crise des opiacés », a estimé David Clark, professeur d’anesthésiologie à l’université de Stanford. « Nous n’avions pas (de crise) jusqu’à ce que les médecins soient séduits par ce qu’ils ont perçu comme un potentiel des opiacés dans le contrôle de la douleur chronique », a-t-il expliqué à l’AFP. Selon les estimations, deux millions d’Américains sont dépendants aux opiacés. Nombre d’entre eux doivent acheter leurs doses illégalement à l’expiration de leur ordonnance, certains obliquant vers l’héroïne et les drogues synthétiques. Quatre-vingt-dix personnes meurent chaque jour aux Etats-Unis d’une overdose d’opiacés.

Devant l’ampleur de la crise, Donald Trump a d’ailleurs annoncé jeudi que le gouvernement débloquerait des moyens financiers supplémentaires pour répondre à ce qu’il considère comme « une urgence nationale ». Les médecins américains prescrivent davantage d’opiacés que dans n’importe quel autre pays. Mais, selon des experts, ils ne sont pas les seuls à blâmer. « L’industrie pharmaceutique cible les médecins généralistes, ceux qui rencontrent le plus de gens en souffrance », a relevé Mike DeWine, ministre de la Justice de l’Ohio (nord), particulièrement touché par cette crise. « Je pense que, à coup sûr, ils ont été induits en erreur et qu’on leur a dit des choses fausses », a-t-il dit à l’AFP.

Les opiacés contre la douleur

Le problème remonte à une vingtaine d’années lorsque les médecins ont été incités à davantage prendre en compte la douleur des patients tandis que les laboratoires leur vantaient l’efficacité des analgésiques opiacés. Ainsi, des traitements destinés aux cas extrêmes ont progressivement été prescrits à des malades chroniques auparavant soignés avec des substances moins puissantes comme l’aspirine. Sans savoir que ces nouveautés étaient très addictives. « Des gens avec une simple rage de dent, ou après une chirurgie du genou ou du dos, ont été traités avec ces opiacés pendant trop longtemps ou avec des doses supérieures à leurs besoins », a relevé Robert Ware, chef de la police de Portsmouth (Ohio), considéré comme l’épicentre de la crise. A mesure que le nombre de dépendants augmentait, des « distributeurs de médocs » – cliniques dirigées par des médecins prescrivant des opiacés à quiconque pouvait payer – fleurissaient à travers le pays pour satisfaire la demande.  A Portsmouth, où l’industrie sidérurgique régnait autrefois en maître, M. Ware a vu ces « pill mills » devenir partie intégrante de l’économie locale, les accrocs des Etats voisins venant s’y approvisionner.  Les autorités locales ont fini par fermer ces endroits et arrêter les médecins. Le ministère américain de la Justice a récemment promis d’intensifier la chasse aux médecins et aux pharmaciens peu scrupuleux. Le président Donald Trump avait suspendu ses vacances mardi pour appeler à une mobilisation contre cet « immense problème ». « Personne n’est à l’abri de cette épidémie », avait-il prévenu. Mais pour le chef de la police de Portsmouth, « on ne peut pas régler ce problème à coup d’arrestations ».

Les groupes pharmaceutiques, « premiers responsables »

La ville a renforcé son offre de santé et son programme contre les addictions, se métamorphosant de paradis pour « pill mills » en refuge pour désintoxication. Avec des overdoses en baisse, à l’inverse du reste du pays, Portsmouth « est à l’avant-garde pour régler le problème », s’est réjoui M. Ware. Selon les estimations, la mortalité par overdoses a atteint un record en 2016 avec 60 000 décès, dont le chanteur Prince d’une surdose accidentelle au puissant Fentanyl. M. DeWine a ouvert un autre front: poursuivre le secteur pharmaceutique. D’après le Washington Post, au moins 25 Etats, villes et comtés ont fait de même. « Ces groupes pharmaceutiques sont les premiers responsables de cette épidémie de médicaments opiacés. Ils ont créé le problème. Il est temps qu’ils agissent pour aider à (le) résoudre », a-t-il dit. L’administration fédérale envisage une réduction de 20% l’an prochain de la production autorisée d’opiacés. Mais, s’il y a un déclin, les médecins ont remis près de 250 millions d’ordonnances pour des opiacés en 2013, selon les Centres de contrôles de la santé (CDC). « Les médecins n’ont pas encore totalement accepté leur rôle en tant que prescripteur individuel dans l’alimentation de cette épidémie », a estimé M. Clark.

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