Devinez qui est désormais la plus grande puissance coloniale au monde

Le néocolonialisme stratégique de la Chine s'étend à l'Argentine

Par James Gorrie
20 mai 2022 15:45 Mis à jour: 21 mai 2022 04:25

Alors que le monde s’est concentré sur la guerre en Ukraine – et avant cela, sur la pandémie du Covid-19, sur l’écrasement de Hong Kong par Pékin, sur la situation au Moyen-Orient et sur d’autres grands événements – la Chine a continué à remplacer progressivement le rôle des pays occidentaux en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Cela concerne également la présence des États-Unis – la plus grande puissance occidentale – en Amérique latine, leur « arrière-cour » où ils ont traditionnellement joué un rôle important.

Les conséquences ne se limitent pas aux questions commerciales et économiques, bien qu’elles soient toutes importantes. Les relations de Pékin en Amérique latine sont également de nature stratégique.

Étant donné le déclin de l’influence des États-Unis en Europe et au Moyen-Orient, on pourrait imaginer que le maintien d’influence et de sécurité régionale serait considéré comme leur priorité. Et que les États-Unis feraient tout de leur possible pour neutraliser les démarches stratégiques de leurs adversaires dans la région qui leur est si proche.

Mais, de toute évidence, ce n’est pas le cas.

Cette absence de réaction de la part des États-Unis laisse pour le moins perplexe et n’augure rien de bon pour personne, à l’exception de l’État-parti chinois lui-même.

Le colonialisme « doux » de Pékin

La pénétration de la Chine en Amérique latine ne ressemble pas à celle de Cuba, l’ancien État client soviétique des années 1960. Une prise de pouvoir directe par les communistes – comme celle à Cuba en 1959 – ou même la descente aux enfers marxistes du Venezuela au cours des deux dernières décennies sont faciles à repérer et à diaboliser.

Même si, en apparence, « l’appropriation douce » de l’Amérique latine par la Chine semble bénigne, le problème est bien plus grave que certains ne l’imaginent. L’Argentine – le dernier pays à rejoindre le titanesque projet mondial chinois « Belt and Road Initiative – BRI », souvent qualifiée de « nouvelle route de la soie » – est un exemple des relations stratégiquement importantes et corruptrices que Pékin entretient avec les dirigeants politiques.

Au lieu de s’emparer d’un pays par la force militaire, le Parti communiste chinois (PCC) utilise son énorme puissance financière pour s’emparer d’actifs au sein d’autres nations et pouvoir les utiliser pour renforcer la position géopolitique de la Chine. Le chef du PCC, Xi Jinping, avait depuis des années des vues sur l’Amérique latine en général, et plus particulièrement sur l’Argentine qui est riche en ressources. En 2017, il a qualifié l’Amérique latine « d’extension naturelle de la BRI ».

Le dirigeant chinois Xi Jinping et le président argentin de l’époque, Mauricio Macri, posent lors de la cérémonie de signature au Grand palais du Peuple à Pékin, le 17 mai 2017. (Damir Sagolj/Pool/Getty Images)

« L’extension naturelle de la BRI » ne se limite pas aux relations commerciales. Elle s’étend à la corruption des dirigeants nationaux qui, à leur tour, permettent à Pékin d’avoir les mains libres pour exploiter les ressources d’autres pays.

Les cibles du régime chinois incluent généralement des actifs comme des terres agricoles, des ports, des droits de pêche, des projets d’infrastructure, ainsi que des hommes politiques. Pékin a bien compris que le fait de mettre à son service les dirigeants en les soudoyant et d’influencer les médias pour éviter les critiques est un moyen bien plus intelligent de contrôler un autre pays que par une intervention militaire.

Le commerce avec la Chine est en plein essor

Pékin récolte déjà les fruits de ses efforts envers Buenos Aires.

Ayant récemment remplacé le Brésil en tant que premier partenaire commercial de l’Argentine, la Chine est désormais dans une position avantageuse pour développer ses relations avec ce pays, tandis que les chiffres de leur commerce ne cessent de croître. Ce seul fait confère au régime chinois une influence accrue sur l’une des nations les plus riches en ressources du continent latino-américain.

Le PCC a renforcé son emprise sur Buenos Aires en prêtant de l’argent pour financer plusieurs grands projets d’infrastructure. Il s’agit notamment de centrales nucléaires, de barrages, de chemins de fer, d’installations d’énergie solaire et d’autres projets qui visent à poursuivre le développement des régions urbaines et rurales de l’Argentine. Cette influence a porté ses fruits en permettant l’accès à d’autres domaines plus stratégiques.

L’exploitation minière du lithium par Pékin

Le lithium, ce métal rare, est un composant essentiel des produits de haute technologie, allant des systèmes de guidage des missiles aux batteries des voitures électriques. Faisant partie du « triangle du lithium »- qui comprend aussi le Chili et la Bolivie – l’Argentine est le quatrième plus grand producteur de lithium au monde. Il n’est donc pas surprenant qu’elle joue un rôle important dans la stratégie chinoise visant à accaparer les réserves mondiales de métaux stratégiques.

Cette stratégie explique le récent engagement de Pékin à investir 380 millions de dollars dans le projet minier de Tres Quebradas.

Renforcer le yuan pour remplacer le dollar

Les relations monétaires bilatérales font également partie de la stratégie de Pékin qui vise la domination de l’Amérique latine et au-delà. Étant donné que l’Argentine est endettée auprès du FMI depuis des décennies et que la politique financière inflationniste des États-Unis a un impact négatif sur l’économie argentine, Buenos Aires est ouverte à un nouvel accord monétaire avec la Chine.

Cela peut ou non profiter à l’Argentine à long terme, mais cela contribue certainement à l’internationalisation du yuan, ce qui nuit au dollar et aide la Chine.

S’engager dans la course aux armes antisatellites ?

L’Argentine abrite également une station spatiale appartenant à la Chine, située dans le nord-ouest de la Patagonie. Cette installation secrète est gérée par l’Armée populaire de libération chinoise, ce qui en fait une base militaire étrangère avancée ayant des implications stratégiques.

Le régime chinois contrôle entièrement la base et le terrain sans aucune restriction de la part du gouvernement argentin. Aucun impôt ne peut y être prélevé et aucune main-d’œuvre locale n’y est autorisée, tandis que la libre circulation de la main-d’œuvre chinoise est permise. En d’autres termes, le gouvernement argentin a cédé aux Chinois la souveraineté totale sur une partie de son territoire.

La raison d’être de cette base est bien suspecte, les services de renseignements américains pensent qu’il s’agit d’un port spatial d’où seront lancés des missiles et autres armes antisatellites.

Est-ce que l’Argentine va se réjouir maintenant et pleurer plus tard ?

Toutefois, avec toutes les informations et les preuves de la mauvaise tournure que peut prendre un partenariat dans le cadre de la BRI, pourquoi les dirigeants argentins accepteraient-ils alors de s’acoquiner avec Pékin ?

Ce n’est un secret pour personne que les pays qui traitent avec la Chine finissent par être pris au piège de la dette.

En outre, en tant que plus grande prison du monde et source et cause de la pandémie du Covid-19, on pourrait imaginer que la poursuite du colonialisme chinois en Argentine – un pays qui possède de puissants syndicats – déclencherait l’indignation d’une foule de militants anticolonialistes.

Mais cela ne semble pas être le cas.

On voit que Pékin fait à Buenos Aires des offres qu’elle ne peut pas – ou ne veut pas – refuser.

James Gorrie est un écrivain et un conférencier basé en Californie du Sud. Il est l’auteur de The China Crisis.

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