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Dresde, plongée dans le baroque et la haute technologie

mars 16, 2016 4:06, Last Updated: septembre 12, 2018 17:27
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Dresde, plongée dans le baroque et la haute technologie ! Bienvenue à Dresde, aux confins de l’Allemagne dite « de l’Est » et aux prémices de la Pologne et de la Tchéquie. Complètement rasée en 1945, la cité baroque a rejailli de ses cendres à force d’obstination et a retrouvé toute son aura du passé sur les rives de l’Elbe.

Première vision, celle offerte depuis le pont Carola : un panorama baroque avec, au-delà des jardins de la longue terrasse de Brühl qui s’étire jusqu’au pont d’Auguste le Fort, la silhouette de plusieurs bâtiments historiques hérissés de statues, de clochers élancés et de coupoles : l’Albertinum, l’Académie des beaux-arts, la résidence royale d’Auguste le Fort, la cathédrale, l’opéra Semper et le très célèbre temple baroque Frauenkirche. Difficile d’imaginer que celle que l’on appelle la vieille ville (Altstadt) est en fait bien plus jeune que la nouvelle (Neustadt) qui s’étend sur l’autre rive de l’Elbe.

La Florence sur l’Elbe

Dresde a été surnommée la Florence de l’Elbe pour ses paysages splendides et pour son architecture d’inspiration méditerranéenne. (Charles Mahaux)

Dès le XVIIIe siècle, Dresde doit sa réputation de capitale européenne des arts à deux princes électeurs de Saxe au faîte de leur puissance. Le premier, Auguste II, plus connu sous le surnom de Auguste le Fort, n’hésita pas à se convertir au catholicisme pour ravir la couronne de Pologne dont hérita son fils et successeur Auguste III. Admirateur inconditionnel de Louis XIV et de Versailles, Auguste le Fort retint ce conseil de Colbert, homme de confiance de Louis XIV : « Pour que la postérité se souvienne de vous, ne faites pas la guerre, mais soyez bâtisseur ! » Dresde, ville-résidence, va devenir l’écrin dans lequel se pose le maître du pays, son électeur sacré roi. Celui-ci dote sa ville de bâtisses plus imposantes les unes que les autres qui se concentrent toutes à l’intérieur des fortifications : le château-résidence des électeurs, la gigantesque église luthérienne Notre-Dame, l’église catholique Sainte-Croix, le palais du Zwinger dont les cours servaient de cadre à des tournois, des fêtes et des feux d’artifice admirés depuis les balustrades décorées de centaines de figures allégoriques. Grands collectionneurs d’objets d’art, Auguste II et surtout son fils Auguste III prirent soin d’ouvrir aux visiteurs les salles de leur château. C’est déjà un avant-goût du musée tel que nous le connaissons aujourd’hui avec des œuvres rassemblées dans des bâtiments particuliers, classées et réparties par écoles pour encourager l’étude de l’art.

: La Neumarkt, le cœur des attractions de la vieille ville avec sa splendide église protestante de Notre-Dame et son enfilade de prestigieuses bâtisses. (Charles Mahaux)

Au XIXe siècle, les années fastes appartiennent au passé et Dresde sommeille dans une atmosphère empreinte de nostalgie qui séduira les auteurs romantiques qui enchanteront les soirées musicales du Semperopera. On connaît la suite : le 13 février 1945, les bombardiers alliés s’acharnent sur la capitale de la Saxe, histoire de saper le moral des troupes allemandes. La ville n’est plus qu’un champ de ruines calcinées et les morts se comptent par dizaines de milliers. Les collections saxonnes avaient cessé d’exister. Transférées au début de la guerre dans différents châteaux et abris de la région, elles furent saisies comme trophées par l’armée soviétique et transportées en Russie.

Il fallut attendre 1955 pour que le Kremlin modifie sa politique extérieure afin de se donner une image positive à côté de celle des alliés. Les Russes vont encourager le gouvernement de la RDA à reconstruire à l’identique des bâtiments anciens auxquels la population de Dresde était attachée. La restauration du Zwinger se termina ainsi dans les années 1960 et toutes les œuvres réparties dans les musées de Moscou et de Saint-Pétersbourg retrouvèrent leur place dans les galeries du palais. Une collection unique de toiles exceptionnelles signées par des maîtres comme Raphaël, Rubens, Vermeer, Rembrandt ou Bruegel, des trésors d’orfèvrerie, des horloges savantes, des porcelaines de Chine et de Meissen, du cristal de roche ciselé, des coupes incrustées de pierres précieuses, des coquillages sertis de vermeil, bref une débauche d’ambre, d’argent, d’or, d’ivoire et de gemmes à la hauteur de l’incroyable mégalomanie des princes de Saxe.

Autre chantier colossal, la reconstruction du très prestigieux opéra national de Saxe dit de Semper, du nom de son architecte. Dorures, miroirs, stucs, l’ahurissant décor baroque est restauré dans les moindres détails même si les techniques actuelles ont permis de donner l’apparence de l’authentique à du toc. Toute la décoration des foyers, des loges et de la salle de concert n’a nécessité que deux petits kilos d’or pour la dorure à la feuille d’or et, à l’inverse, quelque 600 tonnes de plâtre modelé et peint pour donner l’illusion de colonnes de marbres et de murs lattés de bois précieux.

La réunification de l’Allemagne

Elle va insuffler une accélération aux chantiers de reconstruction. Dans l’ancien château-résidence des princes électeurs, les somptueux objets d’art de la célèbre Voûte Verte sont enfin offerts à l’admiration abasourdie des visiteurs. Cette salle aux trésors allie le faste architectural et la beauté de près de 3000 objets d’art parmi les plus précieux présentés sans vitrine dans les salles d’apparat reconstituées à l’identique pour servir d’écrin aux trésors amassés par Auguste le Fort.

Le Zwinger est certainement le monument le plus célèbre de Dresde. Il a été bâti entre 1711 et 1722 par l’architecte Matthäus Daniel Pöppelmann sur commande du roi de Saxe, Auguste le Fort. (Charles Mahaux)

La gigantesque église Notre-Dame que le pouvoir communiste avait délibérément conservée à l’état de ruines comme mémorial du bombardement allié va devenir le symbole de la réconciliation grâce à la récupération des pierres de l’ancien édifice, près de la moitié des matériaux, incorporées au nouveau bâtiment. Aujourd’hui, le temple luthérien a retrouvé son lustre d’antan et son dôme resplendit dans le ciel de Dresde. La croix dorée qui couronne la coupole a été offerte par l’Angleterre et ciselée par un artiste fils d’un des aviateurs de la Royal Navy Air Force qui largua ses bombes sur la ville. Geste de réconciliation s’il en est. L’ensemble du bâtiment ressemble un peu à un damier géant, car les anciennes pierres noircies contrastent avec les nouvelles d’une belle couleur crème issues des falaises saxonnes. Pourtant, d’ici quelques décennies, elles prendront toutes la même teinte d’ébène typique des pans de murs et des statues qui ont survécu aux raids alliés. En effet, le grès saxon à haute teneur en manganèse a pour caractéristique de noircir avec le temps. Un détail qui permet de décoder l’architecture de Dresde : ce qui est sombre et ténébreux a survécu aux affres de la guerre, le reste n’est que reconstruction.

La richesse séculaire de la ville est encore symbolisée par l’étonnante fresque d’une centaine de mètres de long de la procession des 35 margraves et princes électeurs de la Saxe remontant en cortège sur la Augustusstrasse, impassibles devant le flot de touristes impressionnés par cette composition de 24 000 carreaux de porcelaine de Meissen dont le matériau a permis qu’elle résiste aux flammes de la guerre.

Baroque mais terriblement créative

Le roi Auguste le Fort n’était pas qu’un amateur d’art désireux de rassembler une collection d’objets pour faire pâlir la cour de France. Il était aussi passionné par toutes les nouveautés qui ne pouvaient que rehausser l’éclat de Dresde. Auguste II acquiert ainsi des instruments mathématiques, des appareils d’optique, des automates et des horloges de précision, des maquettes de la lune ainsi que des globes terrestres et célestes exceptionnels qui témoignent du bouillonnement scientifique à Dresde.

C’est aussi pour le compte du roi que l’alchimiste Johann Friedrich Böttger, enfermé dans les sous-sols de Dresde, va redécouvrir fortuitement le secret de la fabrication de la porcelaine à base de kaolin, jusque-là soigneusement gardé par les Chinois et les Japonais. Or, Auguste le Fort était tellement passionné de porcelaine qu’il n’hésita pas à échanger avec son cousin Frédéric II de Prusse un régiment de ses dragons, soit 600 soldats, contre 151 pièces remarquables d’Asie, dont une série de vases chinois monumentaux. Le roi comprit très vite que cette découverte était une mine d’or pour le pays et il logea son créateur dans une forteresse de Meissen où il lui fit aménager une manufacture de porcelaine en interdisant à quiconque d’en divulguer le secret de la fabrication sous peine de condamnation à mort. Aujourd’hui encore, Meissen est reconnue comme étant à la source de la porcelaine européenne à pâte dure car, dès 1740, le secret est dévoilé et des manufactures se créent partout en Europe. Toutefois, les objets fabriqués par les artisans de Meissen et signés par deux épées entrecroisées continuent à être prisés dans le monde entier pour leur qualité, et Meissen est devenue un temple incontestable de la porcelaine.

Moteur de l’économie allemande

C’est aussi en Saxe que fut développée en 1838 la première locomotive à vapeur allemande. Cet esprit de créativité qui va alimenter durant des décennies une longue tradition industrielle va connaître un arrêt important sous le pouvoir communiste, mais dès la réunification, l’économie saxonne reprend du poil de la bête, entre autres, grâce à l’automobile. C’est dans cette région que sont nées les entreprises Horch, Audi, Wanderer et Zschopauer qui vont fusionner en 1932 pour former le nom d’Auto Union, une fusion à l’origine des quatre anneaux de la marque Audi. C’est à Zwickau, dans les années 1920, qu’était fabriquée la légendaire Horch 8 cylindres ou la Silberpfeil qui battit le record du monde en dépassant les 400 km/h en 1937.

Le régime communiste crée la rupture : on fabrique désormais des Trabant qui gardent toutefois la cote auprès des collectionneurs allemands. Toutefois, les savoir-faire se perpétuent dès le lendemain de la réunification. En effet, en 1990, on pose la première pierre de la nouvelle usine VW de Zwickau, près de 6 millions de moteurs VW sont construits à Chemnitz. Depuis 2001, dans les jardins du cœur de la ville de Dresde s’est ouverte la célèbre manufacture de verre où est assemblé le modèle haut de gamme Phaeton, essentiellement vendu hors des frontières européennes. La modernité de cette usine entièrement transparente accessible au public est mise en scène pour faire valoir la tradition manufacturière de la Saxe. Véritable fief de l’industrie automobile allemande, la Saxe accueille également à Leipzig l’usine de montage de la Cayenne, de la Carrera GT et de la Panamera. C’est également à Leipzig que BMW produit ses modèles Série 3. Une stratégie qui s’est avérée payante dans d’autres domaines, car aujourd’hui le land de Saxe a développé autour de ses universités un savoir-faire pointu dans les domaines techniques et on peut véritablement parler de « Silicon Saxony ».

Retour à Dresde qui finalement offre du rêve à tous, que ce soit dans les joyaux de la vieille ville comme dans sa manufacture transparente où nombreux sont les visiteurs qui y viennent pour découvrir cet étonnant bâtiment où les ouvriers travaillent sur du parquet au montage de superbes berlines en gants blancs et où les véhicules prêts à être livrés sont stockés dans une tour de verre de 40 mètres de haut. Cependant, Dresde c’est aussi la ville nouvelle établie sur l’autre rive du fleuve, une ville érigée après 1870 et épargnée par les bombardements. Guère nouvelle en fait, car cet habitat bourgeois quelque peu dégradé et délaissé par le pouvoir de la RDA cohabite avec des HLM rectilignes de l’époque communiste. Toutefois, ce quartier a été investi par une population jeune et branchée, adepte du vélo et des ambiances excentriques. Ici, c’est la culture alternative qui s’exprime et derrière les façades classiques délabrées, on déniche des ateliers d’artistes, des lieux culturels, des cafés-galeries, des petits restaurants exotiques, des communautés étrangères qui se fondent naturellement dans ce décor. Toute une ambiance underground à deux pas du joyau baroque de la vieille ville. Juste un pont à enjamber au-dessus de l’Elbe.

La statue équestre dorée d’Auguste le Fort se trouve dans la nouvelle ville, sur l’autre rive du fleuve, mais elle semble annoncer ainsi toutes les splendeurs de la vieille ville. (Charles Mahaux)

Infos pratiques

Infos : À découvrir sur le site de www.germany.travel/fr/ms/saxe/home/index.html ou en anglais www.sachsen-tourismus.de ou plus précisément www.dresden.de. Si vous aimez vous faire guider durant votre séjour un bon contact multilangue Christiane Mörke et son agence www.allegro-dresden.de

Y aller : Lufthansa propose des vols depuis Paris vers Dresde. Une solution confortable est aussi le TGV Ice qui peut vous y conduire avec une étape à Francfort. Sur place, il est aisé de circuler au fil de l’Elbe que ce soit par bateau, en vélo (location à la gare centrale de Dresde) ou tout simplement en bus ou en tram régional qui permet de joindre Meissen au château de Königstein.

Se loger : On peut choisir de se loger à Dresde même au cœur du centre historique et nous y avons testé le Innside www.melia.com/innside un très bon rapport qualité/prix avec une excellente table et idéalement situé à deux pas du centre historique. On peut préférer la quiétude de Pirna, une petite ville située entre Dresde et la Suisse saxonne. Son cœur moyenâgeux a conservé tout son charme. Tout comme Dresde, c’est un point de départ idéal pour toutes les excursions. À découvrir le Romantik Hotel Deutsches Haus www.romantikhotel-pirna.de.

 

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