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Du temple à la tasse : le basilic, la feuille sacrée vieille de 3.000 ans qui régénère le corps et l’esprit

Des employées se tiennent près d’un plant traditionnel indien de tulsi (basilic sacré) aux Jardins botaniques royaux de Kew, à l’ouest de Londres, le 2 février 2017.
Photo: Daniel Leal / AFP via Getty Images
Oubliez le chou kale. Oubliez les graines de chia qui se coincent entre les dents comme un petit ami trop collant. L’herbe que vous devriez vraiment avoir dans votre vie, c’est le basilic sacré, Ocimum tenuiflorum, aussi appelé tulsi.
Cette plante est adorée comme une déesse, vénérée par les praticiens de l’Ayurveda depuis plus de 3 000 ans, et elle se distingue comme un remède naturel contre le stress plus efficace que n’importe quel professeur de yoga.
Une herbe aux vertus célestes
En Inde, le tulsi est considéré comme l’incarnation botanique de Lakshmi, déesse de la richesse et de la prospérité. Chaque foyer hindou digne de ce nom réserve à la plante une place d’honneur, sur un piédestal sculpté dans la cour, accompagné de prières matinales et parfois d’une aspersion d’eau bénite.
La légende raconte que Brahma, le dieu créateur, habite dans ses branches, que le fleuve sacré du Gange coule dans ses racines, et que Vishnu lui-même est impuissant face à une seule de ses feuilles. Une histoire de jardinage à haute portée symbolique.
Les tiges séchées de tulsi sont d’ailleurs transformées en chapelets de prière : le rosaire du sous-continent indien, avec en prime un parfum d’eugénol, une huile à l’arôme de clou de girofle.
Des Grecs au pesto
Le tulsi a une cousine tout aussi illustre : le basilic de cuisine, connu de tous.
Les Grecs l’appelaient basilikon, ce qui signifie « royal », car ils n’ont jamais rencontré une plante qu’ils ne voulaient pas couronner. Sainte Hélène aurait suivi une piste de basilic jusqu’à la découverte de fragments de la Vraie Croix. En Italie, les jeunes filles plaçaient des pots de basilic sur le rebord de leur fenêtre pour signaler qu’elles étaient disponibles – une sorte de site de rencontre médiéval, où l’on « glissait à droite » si le prétendant arrivait avec un brin de basilic.
Mais là où le basilic commun a fini sur les pizzas, le tulsi est devenu la « Reine des herbes » dans la tradition ayurvédique, un destin autrement plus enviable.
Stress, immunité et science
Passons maintenant à la partie scientifique. Le tulsi est biochimiquement actif. Les études suggèrent qu’il s’agit d’un adaptogène, terme scientifique désignant une plante qui aide l’organisme à faire face au stress, à accroître sa vitalité et à réguler ses fonctions physiologiques.
Une revue systématique de 24 études cliniques a montré que le tulsi pouvait contribuer à réduire le stress, l’anxiété et la fatigue, tout en renforçant le système immunitaire et en améliorant potentiellement le taux de sucre et de cholestérol dans le sang.
Il existe également des indices selon lesquels certains composés du tulsi, notamment l’eugénol, auraient des propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes bénéfiques dans le traitement de pathologies telles que l’arthrite ou les infections virales. Une étude a même suggéré que l’eugénol pourrait interférer avec la protéine de pointe du SARS-CoV-2, faisant du basilic sacré l’équivalent herboriste d’un videur de boîte de nuit déclarant à la COVID : « Pas ce soir. »
Avant de vous mettre à boire du thé de tulsi comme s’il s’agissait d’un expresso, il convient de préciser une chose : la plupart des études menées à ce jour sont de petite envergure, beaucoup restent préliminaires et certaines ont davantage concerné des rats de laboratoire que des humains. Le tulsi s’annonce donc prometteur, mais il n’est pas encore temps de renvoyer votre médecin traitant.
Comment l’utiliser (sans invoquer une déesse par erreur)
La manière la plus simple de consommer le tulsi est en infusion. Faites tremper les feuilles ou les fleurs violettes dans de l’eau bouillante pendant une dizaine de minutes. Le goût ? Amer, poivré, légèrement épicé – pas vraiment un flat white (boisson à base de café composée d’expresso et de mousse de lait à fines bulles), mais étonnamment apaisant. Si vous parvenez à le consommer cru, vous êtes plus courageux que moi.
Des compléments alimentaires et des huiles existent également, mais les médecins rappellent qu’ils sont peu réglementés : mieux vaut s’abstenir si vous ne souhaitez pas jouer à la roulette russe avec votre foie.
Côté jardinage, le tulsi aime le soleil, déteste le gel et peut atteindre deux mètres de haut s’il est heureux. Certains affirment même qu’il pousse mieux si on lui chante une chanson. En France, une ancienne superstition voulait que le basilic ne germe que si l’on jurait en le semant. L’expression semer le basilic est ainsi devenue synonyme de « se mettre en colère ». C’est ainsi que des générations de jardiniers – et plus tard d’humoristes – ont nourri l’image cocasse de gens insultant joyeusement leurs semis.
Les herbes ne sont jamais de simples herbes
Le tulsi est l’herbe qu’il vous faut après un Noël de famille où tante Martine vous demande si vous avez déjà pensé au botox. C’est aussi celle dont vous aurez besoin après avoir répondu par erreur à tous vos collègues dans un courriel professionnel, ou après un rendez-vous où votre compagnon « oublie » son portefeuille.
Et puisque la vie n’a rien d’une mise en scène bien cadrée sur Instagram, il est réconfortant de penser qu’il existe une plante qui ne se contente pas d’embellir un toast à l’avocat, mais qui semble murmurer : « Tout va bien. Respire. Je suis là. »
En résumé
Le tulsi est une plante à la fois ancienne et sacrée. On peut la vénérer, la boire ou la cultiver. La prochaine fois que vous êtes tenté par un verre de vodka, souvenez-vous que le basilic sacré vous attend, drapé dans un sari, levant les yeux au ciel et vous rappelant qu’il apaise les esprits depuis des millénaires.
Approuvé par les déesses, antistress et auréolé d’un éclat mythique, le tulsi est sans doute l’herbe dont nous ne savions pas que nous avions besoin.

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