Election présidentielle fantôme en Pologne

Par Epoch Times avec AFP
10 mai 2020 20:25 Mis à jour: 10 mai 2020 20:43

Les Polonais devaient élire ce dimanche leur président, mais les bureaux de vote n’ont pas ouvert, personne n’a pu voter, et l’élection, ni formellement annulée ni ajournée, devrait entrer dans l’histoire comme un rare cas de scrutin fantôme. 

Cette situation lourde d’incertitudes pour l’avenir est due à la pandémie de coronavirus et à l’incapacité des conservateurs nationalistes au pouvoir et de l’opposition de s’entendre sur une solution constitutionnelle et mutuellement acceptable.

Un scrutin fantôme

« On a aujourd’hui le jour d’élection sans élection », a résumé sur sa page Facebook un député social-démocrate (SLD), Tomasz Trela, après avoir organisé un happening devant une école fermée habituellement convertie en bureau de vote à Łódz.

« Le bureau de vote est fermé, ce qui veut dire que quelqu’un a annulé l’élection. Mais il n’est pas clair qui l’a fait et sur quoi il s’est fondé », a-t-il dit aux journalistes.

Manifestation pour une réforme de l’Etat

Le mouvement des Citoyens de la République Polonaise (Obywatele RP) a pour sa part organisé une manifestation à Varsovie pour demander une réforme fondamentale de l’Etat.

« L’Etat est incapable de tenir l’élection prévue pour aujourd’hui. Ou le scrutin, ou autre chose, appelez comme vous voulez cette comédie qu’ils nous ont préparée », a dit l’un des chefs du mouvement, Pawel Kasprzak, aux journalistes.

Un autre homme politique de gauche, Krzysztof Gawkowski, a invité l’ensemble des partis politiques à une table ronde « pour trouver le moyen de tenir une élection juste et honnête ». La plupart des formations d’opposition ont rapidement accepté de se rencontrer mercredi, mais le parti conservateur au pouvoir Droit et Justice (PiS) a fait savoir qu’il n’y participerait pas, a rapporté l’agence PAP.

La suite des événements reste incertaine

Le chef du PiS, Jaroslaw Kaczynski, et son allié Jaroslaw Gowin, patron du parti Entente, qui souhaitait un report du scrutin, avaient affirmé avoir trouvé cette solution mercredi.

« Une fois la date du 10 mai passée et la constatation, prévisible, par la Cour Suprême de l’invalidité du scrutin pour cause de non-tenue, la présidente de la Diète annoncera une nouvelle élection présidentielle à la première date possible », ont-ils déclaré dans un communiqué.

« Nous plongeons dans les vapeurs de l’absurde », a réagi le politologue Stanislaw Mocek, recteur de l’université Collegium Civitas. « Cela sonne comme un ordre donné à la Cour ».

Des intérêts opposés 

L’incertitude actuelle résulte d’un faisceau d’intérêts opposés et de décisions controversées.

Face au risque élevé de contamination au nouveau coronavirus dans les bureaux de vote, le PiS a voté une loi imposant l’élection par correspondance. Mais ce texte, critiqué par le constitutionnalistes et rejeté par l’opposition au Sénat, est arrivé trop tard pour permettre d’organiser le scrutin.

En même temps, le PiS a refusé un ajournement, réclamé par l’opposition, dont les candidats n’ont pu faire campagne, et souhaité par trois Polonais sur quatre selon des sondages.

Aux termes de la Constitution, pour ajourner la présidentielle il faudrait proclamer l’état de catastrophe naturelle. Officiellement le PiS a estimé que la situation sanitaire ne l’exigeait pas. Officieusement, il a laissé entendre que des multinationales présentes en Pologne pourraient demander d’immenses dommages et intérêts que l’Etat aurait du mal à payer.

Mais pour l’opposition et de nombreux commentateurs, il y avait une autre raison: le parti conservateur voulait assurer sans attendre la victoire du président sortant Andrzej Duda, issu de ses rangs.

M. Duda, en tête des sondages, aurait pu être réélu dès le premier tour. Mais ses chances de l’emporter risquent de faiblir à terme, lorsque l’incidence économique de la pandémie se fera sentir dans les entreprises et les ménages, et que le chômage montera.

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