Entretien avec Charles Prats: «Nous avons 75,3 millions d’assurés sociaux pour 67 millions d’habitants »

Par Ludovic Genin
15 mars 2023 15:11 Mis à jour: 4 octobre 2023 09:43

Charles Prats est sans doute le magistrat le mieux informé sur les fraude sociales et fiscales, avec une expérience de lutte contre la fraude commencée il y a 25 ans comme inspecteur des douanes, puis juge d’instruction et premier magistrat de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude au ministère du Budget.

Magistrat, vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Paris et spécialisé dans la lutte contre les fraudes, nous l’avons rencontré pour nous parler de son dernier ouvrage Cartel des Fraudes Tome 2.  Dans le Tome 1, sorti en 2020, il dénonçait les fraudes sociales qu’il estimait alors à 50 milliards d’euros par an, dans le tome 2, il s’intéresse à l’étendue des fraudes fiscales.

Epoch Times: Bonjour Charles Prats, vous êtes un magistrat, spécialisé dans la lutte contre les fraudes, est-ce que vous pouvez présenter votre parcours et ce qui vous a poussé à écrire le Cartel des fraudes ?

Charles Pratt: Je suis vice-président de l’Association professionnelle des magistrats, vice-président à Paris chargé des libertés et de la détention. Dans ma carrière de magistrat, j’ai effectué toutes les fonctions de magistrat au pénal, au siège, en tant que juge d’instruction, juge des libertés de la détention, juge d’application des peines et président du tribunal correctionnel. J’ai aussi siégé à la Cour d’appel comme conseiller à la Chambre spécialisée dans le droit pénal, économique et financier. J’ai été magistrat mis à disposition et détaché au ministère du Budget pour m’occuper de la coordination de la lutte contre la fraude aux finances publiques : fraude fiscale, fraude sociale, fraude douanière et travail illégal. Avant de devenir magistrat, il y a maintenant une vingtaine d’années, j’étais inspecteur des douanes à la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières. Ma spécialité était la lutte contre les trafics de métaux précieux, les trafics d’or et de bijoux, les jeux clandestins et les trafic d’alcool.

J’ai écrit Le Cartel des fraudes, tome 1 fin 2020, pour informer le public du scandale de la fraude aux finances publiques et notamment de la fraude aux prestations sociales. Dans le tome 2 sorti en 2021, je me suis intéressé à la fraude au covid, à la fraude fiscale, à la fraude douanière et au travail illégal. J’y fais aussi une petite mise à jour sur la fraude aux prestations sociales avec ce scandale absolu de la découverte que pour 67 millions d’habitants en France, nous avons 75.3 millions d’assurés sociaux pris en charge.

Dans vos ouvrages, vous vous basez sur des rapport d’État pour expliquer l’étendue des fraudes sociales et fiscales. Pouvez-vous nous parler des conclusions de ces rapports ?

Je présente un certain nombre de choses qui sont toutes appuyées de documents et de rapports officiels. Tout d’abord, les rapports qui proviennent de Bercy, là où je travaillais à la Délégation nationale à la lutte contre la fraude. Nous avions mis en lumière un certain nombre d’éléments qui ont été publiés ensuite, je pense au bilan de la lutte contre la fraude, aux différentes notes que nous avons émises à destination des ministres et des cabinets ministériels.

Je m’appuie sur une série de rapports de la Cour des comptes, mais aussi des rapports parlementaires d’investigation, notamment de la sénatrice Nathalie Goulet de la commission des Finances au Sénat et de la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale, qui a travaillé de février à septembre 2020 sur le sujet de la fraude aux prestations sociales qui a permis de mettre en lumière un certain nombre de dysfonctionnements.

Ce nombre absolument astronomique de ces 7-8 millions de personnes qui bénéficient en France de prestations sociales alors qu’elles ne sont pas censées exister sur le territoire a été confirmé par un rapport de la Cour des comptes publié après. Tout cela s’appuie sur des documents très officiels, ce n’est pas Charles Prats qui invente des chiffres comme ça. Ce sont des données officielles qui proviennent de commissions d’enquêtes de l’Assemblée nationale, de la Cour des comptes ou directement du ministère des Finances et du Budget.

Mon travail a consisté à agréger ces données, à les présenter au public pour expliquer ce qu’il fallait tirer comme enseignements de ces rapports. Ce que j’ai fait, je le confesse, j’ai eu le tort de mettre une équation entre le nombre de personnes excédentaires et prises en charge et combien cela pourrait coûter en euros. J’ai osé faire une règle de trois avec un volume de dépenses de quasiment 900 milliards d’euros de prestations sociales en France et les 6, 7 ou 8 millions de personnes prises en charge mais qui n’existent pas en France.

La fraude aux prestations sociales s’élèverait alors autour d’une cinquantaine de milliards d’euros. Vous parliez des rapports officiels, il y a aussi des rapports assez intéressants qui viennent de sortir en 2022, réalisés par l’Assurance maladie. Vous savez que l’on demande aux organismes de protection sociale de faire des évaluations du montant de la fraude dont ils seraient victimes. L’Assurance maladie, la CNAM, ne l’avait jamais fait jusqu’à l’année dernière. Ils ont sorti leur rapport dans lequel ils travaillent domaine par domaine. Ils ont commencé à travailler sur les infirmiers, sur la complémentaire santé, sur les médecins généralistes, etc.

Ils ont travaillé sur un volume de dépenses de 17 milliards d’euros, sachant que les dépenses d’assurance maladie s’élevaient à 234 milliards d’euros en 2021, et ont analysé quel pourrait être le montant des fraudes. Le montant a été estimé à 1 milliard d’euros, soit 5,5 % à peu près sur cette enveloppe. Si vous étendez ce taux de 5,5 % sur les 234 milliards d’euros de dépenses d’assurance maladie, faites le calcul, on est très au delà des 10 milliards d’euros. Et si vous étendez ce taux de 5 % à l’ensemble de la protection sociale de 900 milliards, cela fait combien? Cela fait 45 milliards d’euros.

Vous voyez qu’on n’est pas très loin des 50 milliards dont je parle dans mes livres. Et en réalité, plus les années vont passer et plus les chiffres officiels vont converger vers ce que j’expliquais en 2020 et 2021. Parce qu’en réalité, un taux de fraude de 5 à 6 %, c’est un taux de fraude naturel. C’est ce qui existe dans toutes les organisations – pas qu’en France, partout ailleurs, ce n’est pas un taux extraordinaire.

En revanche, le chiffre de 50 milliards fait peur, pourquoi ? Parce que c’est un chiffre important en valeur absolue. Mais en terme de taux, on est autour de 5 ou 6 %. C’est dû au volume de dépenses de protection sociale. En France, on est le seul pays où on a un tel volume de protection sociale de 900 milliards d’euros dépenses. Cela dépasse les 35 % du PIB du pays. Donc, évidemment, avec des masses financières aussi importantes, un taux de fraude classique donne un montant des fraudes très important, c’est tout simplement proportionnel. Voilà, il n’y a rien d’extraordinaire en réalité dans ce que je dis. Tout le monde se dit que le montant des fraudes est très important, c’est tout simplement le volume des dépenses est monstrueux.

Le Cartel des fraudes – Tome 2 (Editions Ring)

On est très au-delà du montant des impôts recouvrés et du montant des cotisations sociales recouvrées. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’explique que le montant des fraudes aux prestations sociales est plus important que le montant de la fraude fiscale. Tout simplement parce que l’enveloppe dont on parle est beaucoup plus importante. En réalité, il va falloir les diminuer car on constate avec les courbes économiques depuis les années 70-80, que le déclin économique de la France est corrélé avec l’augmentation des dépenses de protection sociale. On s’en rend compte, il y a eu une bascule dans les années 80.

L’état d’endettement du pays est corrélé avec le montant des dépenses de protection sociale et la problématique économique de la France. C’est l’effondrement économique de la France que l’on vit aujourd’hui. On a encore eu les chiffres dernièrement de la balance commerciale et de la perte de compétitivité du pays. C’est corrélé avec le poids dans le PIB des dépenses de protection sociale, donc c’est un vrai sujet. C’est très politiquement incorrect de le dire, surtout en ce moment en plein débat sur la réforme des retraites, mais on a un véritable sujet là-dessus.

Le Premier ministre britannique et Emmanuel Macron ont signé un accord de plusieurs centaines de millions d’euros pour freiner l’immigration illégale à travers la Manche, est-ce qu’un gros chèque peut résoudre la situation ? 

Le problème de l’immigration clandestine au Royaume-Uni est un véritable problème, qui d’ailleurs ne concerne pas que le Royaume-Uni. Le problème de l’immigration concerne tous les pays européens – la France au premier chef. Le coût de l’immigration pour le pays est une charge. Contrairement à ce que certains viennent raconter régulièrement, l’immigration ne rapporte pas d’argent à la France. Elle nous coûte. L’OCDE dit que l’immigration clandestine coûte 0,8 % du PIB de la France. C’est un chiffre très à minima puisque on sait que le coût de l’immigration chaque année pour la France est de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

C’est une problématique qui concerne l’ensemble des pays européens et qui concerne aussi le Royaume-Uni. Pourquoi ? Parce qu’en réalité, le Royaume-Uni est un pays de prédilection pour les immigrés clandestins qui viennent d’un peu de partout sur la planète. Et pour aller au Royaume-Uni, la France est un pays de transit. Les destins en matière de politique migratoire de la France et du Royaume-Uni sont liés. L’un ne peut pas travailler sans l’autre parce que les causes de cette immigration sont à rechercher conjointement au Royaume-Uni et en France.

Évidemment, la France est un pays qui est très généreux pour ses prestations sociales, donc il y a un effet de pompe aspirante bien connue. Les migrants veulent venir en France à cause des minimas sociaux, l’aide médicale d’État (AME), etc. mais le Royaume-Uni est beaucoup plus attractif pour des raisons historiques d’intégration sur le marché du travail. Pour aller au Royaume-Uni, on passe par la France, on passe notamment par Calais, par cette zone autour du tunnel de la Manche avec toutes les problématiques de sécurité que l’on connaît là-bas.

Alors quelle est la solution ? Est ce que la solution c’est de laisser passer les immigrés pour qu’ils aillent au Royaume-Uni ? Les Anglais ne sont pas forcément d’accord, ils aimeraient bien que les Français les stoppent. Est-ce que c’est de les stopper en France au niveau de Calais ? Mais alors qu’est ce qu’on fait de ces gens là ? C’est très compliqué. Une fois que vous êtes à Calais, finalement, c’est déjà trop tard. Régler le problème de l’immigration à destination du Royaume-Uni à Calais, c’est beaucoup trop loin géographiquement. Ce problème là, il faut le régler plutôt au niveau de la Méditerranée, voir même dans les pays d’origine. Il faut empêcher les gens de traverser la Méditerranée, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires, pour éviter qu’ils meurent en Méditerranée.

C’est pour ça que le jeu des ONG disant: « On vient sauver les gens avec les bateaux » est un jeu très malsain, parce qu’en réalité, il y a des effets d’entraînement et d’incitation à la traversée de par la présence de ces navires. Il faut aussi éviter, pour des raisons humanitaires, que les migrants se retrouvent en Libye, parce que là-bas, ils sont réduits en esclavage et sont mal traités. C’est un scandale humain quand les gens se retrouvent en Libye, mis dans les mains de réseaux criminels. En réalité, c’est bien avant qu’il faut agir et qu’il faut les stopper. Il faut imaginer des mécanismes de surveillance et d’interception des migrations illicites en amont, dans des zones sécurisées pour la personne, pour pouvoir faire demi-tour et ne pas se retrouver en Libye aux mains d’esclavagistes modernes ou de réseaux de passeurs.

Ce sont des sujets très compliqués et je ne suis pas sûr que cela puisse se résoudre par un chèque du Royaume-Uni à la France avec quelques douaniers et policiers en plus pour stopper les gens. Ça ne stoppera pas grand monde, très objectivement. Ce sont des politiques qui vont devoir s’évaluer sur le moyen et sur le long terme, ce qui n’est pas forcément compatible avec la durée d’une législature ou d’un gouvernement, au Royaume-Uni, comme dans les autres pays européens.

Le magistrat Charles Prats a été nommé chevalier de l’ordre national du Mérite en 2012. (avec l’aimable autorisation de Charles Prats)

Dans le Cartel des fraudes 2, vous faites des révélations sur la fraude fiscale, notamment les escroqueries à la TVA, pouvez-vous nous en dire plus ?

Dans le Cartel des fraudes 2, je fais une mise à jour sur les fraudes aux prestations sociales. Quand j’ai publié mon premier livre, le rapport de la Cour des comptes n’était pas encore sorti. J’intègre ce qu’on trouve dans le dernier rapport de la Cour des comptes, que nous avons 75,3 millions d’assurés sociaux pris en charge pour 67 millions d’habitants. On ne découvre pas que ça, on a plusieurs autres éléments qui apparaissent. Par exemple, on se rend compte que, alors que 16 % des gens ne vont pas normalement voir leur médecin chaque année et ne se font pas rembourser des dépenses d’assurance maladie, on a 66,8 millions individus qui se font rembourser des dépenses d’assurance maladie, soit quasiment 100 % de la population résidente. Ce qui tendrait à démontrer que l’on aurait autour de 15% de personnes qui se font rembourser des soins chaque année, en trop. Je parle des prestations hors Covid qui sont remboursées chaque année. Ce sont des éléments qui sont appuyés avec le fac-similé du rapport de la Cour des comptes, que je mets dans le livre. Ce sont des éléments qui permettent de se rendre compte que la situation, loin de s’être stabilisée ou améliorée, s’est dégradée ces dernières années.

Dans le Tome 2 du Cartel des fraudes, je parle beaucoup des fraudes au Covid, des fraudes douanières et des fraudes fiscales notamment. J’estime, contrairement à ce qui se dit souvent sur les 80 ou 100 milliards d’euros de fraude fiscale et en me basant sur plusieurs sources (des sources d’ONG, des sources du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) émanant de la Cour des comptes, puis de Bercy, de la Direction générale des finances publiques) qu’en réalité la fraude fiscale serait plutôt d’une trentaine de milliards d’euros par an. Pourquoi ? Parce que par rapport aux dossiers de redressements fiscaux, il y a seulement un quart des dossiers de redressements fiscaux qui sont considérés comme frauduleux par le ministère des Finances. Le reste, ce sont des divergences d’appréciation entre l’administration et les contribuables, ce sont en fait des erreurs d’imposition. Il faut savoir que l’État a provisionné 20 milliards d’euros pour rembourser les contribuables qui vont en contentieux contre l’État. Parce que l’État sait qu’il va y avoir des procès, donc il a mis de côté 20 milliards d’euros pour rembourser les gens, en disant: « Oui, on sait que vous aviez raison, donc on vous rend l’argent ».

Donc il faut faire attention quand on parle de fraude fiscale et notamment du montant de la fraude fiscale. Je sais que c’est un chiffre qui pollue le débat public depuis des années, mais la réalité, quand on prend des éléments d’ONG comme Tax Justice Network ou des éléments du Conseil des prélèvements obligatoires qui ont fait une étude, impôts par l’impôt, il y a quelques années, on arrive plutôt à une trentaine de milliards d’euros – ce qui est déjà énorme.

La principale fraude fiscale, c’est la fraude à la TVA. J’aurais même tendance à dire les escroqueries à la TVA. À tel point que l’Insee a fait une mise à jour de ce qu’on appelle le Tax Gap TVA, c’est-à-dire la différence entre la TVA qui serait théoriquement dans les caisses du fait de l’activité économique et celle qui rentre concrètement dans les caisses de l’État. C’est cette différence qui permet d’évaluer le montant des fraudes. Le manque à gagner serait en France de 25 milliards d’euros, rien que sur la TVA. Le vrai sujet de travail est là.

Ce sont principalement des fraudes organisées en réseau. On a souvent entendu parler des carrousels de TVA, on a entendu parler de l’affaire BlueNext, des quotas carbone, de la fraude à la TVA sur le CO2 qui a coûté à 5 milliards d’euros de fraude au niveau de l’Union européenne et 1,6 milliard en France. On est donc sur des chiffres astronomiques, on est sur de la vraie délinquance et de la criminalité financières.

Qu’est ce qu’on peut faire contre ça? J’explique dans mon livre qu’en 2011, je tenais un cours annuel à l’université à Aix-Marseille pour le diplôme de lutte contre la criminalité financière organisée. J’y ai rencontré Yannic Hulot, qui est aujourd’hui le patron d’Eurofisc, l’organisme européen de coopération administrative et fiscale. Il était alors à l’Inspection spéciale des impôts en Belgique. Il m’a expliqué qu’ils avaient un logiciel – c’était il y a une quinzaine d’années, qui leur permettait de traquer les fraudes à la TVA, avec ce qu’on appelle de la détection précoce qui permet de les repérer très vite. En deux semaines, ils arrivaient à repérer les fraudeurs à la TVA, ils intervenaient et ils les stoppaient. Il me disait qu’ils avaient à l’époque éradiqué 80 à 90 % des escroqueries à TVA.

J’étais à Bercy à l’époque et je me suis dit que ça pouvait marcher en France. Je rentre à Paris et j’explique que ce logiciel pourrait éradiquer 80 % des fraudes à la TVA, que l’on pourrait gagner autour de 10 milliards par an (à l’époque la fraude à la TVA était de l’ordre de 10 à 15 milliards par an). La direction chargée des finances publiques m’a dit qu’il n’en voulait pas. Pendant dix ans, on a essayé de leur faire prendre en compte cet outil, plusieurs ministres trouvaient ça super, mais l’administration fiscale n’en voulait pas.

Pourquoi ? Avant d’être magistrat et d’être syndicaliste dans la magistrature, j’étais secrétaire général de la Fédération des cadres du ministère des Finances. J’étais l’un des secrétaires général d’une des sept fédérations syndicales de fonctionnaires de Bercy. Je connais très bien le ministère. Le problème, c’est que la DGFIP, la Direction générale des finances publiques, qui n’est ni plus ni moins que l’absorption de la comptabilité publique par la direction générale des impôts, la DGFIP ne pouvait pas accepter que l’on mette en place un logiciel de détection précoce de fraude à la TVA. Pour une raison toute simple : le livre des procédures fiscales n’est pas fait pour faire du flagrant délit, car il y a des délais d’intervention qui sont trop longs. La Cour des comptes l’a expliqué, entre le moment où la fraude est commise et le moment où les impôts interviennent et prennent des mesures conservatoires pour récupérer l’argent, il se passe 18 mois.

Autant vous dire que les fraudeurs, après 18 mois, ils ont pris la poudre d’escampette depuis longtemps. Si vous voulez intervenir comme ça, il n’y a pas 36 solutions, il faut judiciariser, c’est-à-dire qu’il faut passer le dossier à la justice. Il faut travailler sur le code de procédure pénale, notamment à ce qu’on appelle de l’association de malfaiteurs. Quel est le service qui peut traiter ça ? Il n’y en a pas 36, le seul service qui était opérationnel pour traiter ça, c’était la douane judiciaire, le Service national de douanes judiciaires, qui était composé de 200 fonctionnaires. Il y avait la masse critique nécessaire pour faire les dossiers, avec le niveau de technicité nécessaire pour traiter toutes les affaires de fraude à la TVA.

La douane aurait pu détecter des milliards d’euros de fraude, la petite administration douanière aurait été beaucoup plus efficace que la grosse administration des impôts. Mais alors, de quoi était-il question derrière cela ?  Des enjeux d’attributions de moyens de personnel, et toute la stratégie de « Léviathan administratif » de la DGFIP a consisté depuis la fin des années 90 à essayer de prendre la place de la Direction de la comptabilité publique et maintenant du Service de la douane. C’est une espèce de pur mouvement interne à l’administration, sur laquelle les politiques n’ont pas la main. Donc pendant dix ans, on a laissé partir l’argent. C’est la Commission européenne qui a imposé à la France de commencer à utiliser ce logiciel, il y a deux ans à peu près. C’est ce que je l’explique dans mon deuxième livre.

Vous parlez aussi des GAFAM et de leur montage financier pour ne payer aucun impôt en France…

Je montre comment Amazon, qui fait 44 milliards d’euros de bénéfices, et Microsoft, avec 300 milliards de dollars de bénéfices, arrivent à ne pas payer d’impôts en utilisant les mécanismes d’optimisation fiscale, notamment en Irlande. Apple aussi a réussi à gagner un procès contre la Commission européenne. On voit bien que les GAFAM sont les champions de l’optimisation fiscale, mais ils ne fraudent pas. Mais c’est vrai que ça peut choquer le chef d’entreprise moyen ou le commerçant, qui lui doit payer 25 % d’impôt sur les sociétés, de voir que quand on a une certaine taille critique, on arrive à optimiser et finalement ne pas payer beaucoup d’impôts.

Maintenant, il y a des choses qui ont été mises en place, notamment sur le commerce électronique. Ce serait intéressant de voir comment fonctionnent les plateformes de dédouanement en France sur les colis, sur le commerce électronique, sur les achats en ligne. Parce que là aussi, je crois qu’on aurait quelques surprises. Malheureusement les problèmes sont toujours là et sont loin d’être réglés.

Maintenant, les accords de l’OCDE tablent sur des seuils minimaux de taxation sur les sociétés. C’est vers ça qu’il faut tendre, parce que le jour où tous les pays auront à peu près le même niveau d’imposition sur les sociétés, les GAFAM n’auront plus d’intérêt à faire de l’optimisation fiscale. Ce sera donc un mécanisme de relocalisation des impositions dans le lieu de l’activité économique. Ce sont des travaux qui prennent plusieurs années, mais c’est là dessus qu’il faut tendre pour limiter, voire éradiquer, l’optimisation fiscale.

Pour la France, qui est aujourd’hui à un taux de taxation à 25 % sur les sociétés, descendre vers 15 % de taxation, ne pourrait être que bon pour l’activité économique.

Dans une tribune du Figaro, vous interpellez le Parlement Européen concernant les actes antireligieux. Pourquoi est-ce important selon vous ?

Il est évidemment important de protéger la liberté religieuse en France, et partout dans le monde. Il est regrettable qu’au niveau de l’Union européenne, les institutions mettent de l’importance uniquement sur la lutte contre l’antisémitisme, contre l’anti-islamisme, mais pas contre les actes antichrétiens. Or, il suffit de regarder les actualités partout sur la planète, la première religion qui est persécutée, ce sont les chrétiens. Ce ne sont pas les musulmans, ce ne sont pas les juifs, ce sont les chrétiens.

En France, les actes antireligieux sont quotidiens, mais on en parle de temps en temps dans les médias La première religion visée par les actes de violence, c’est la religion catholique. C’est anormal que des églises et des cimetières soient profanés. Il faut lutter contre ça. On a une république laïque en France, elle doit de la protection à tout le monde, y compris aux chrétiens et aux catholiques.

Pourquoi est-ce important de protéger la liberté religieuse en France?

La France est le pays des libertés. Je pense que c’est normal que l’on protège la liberté de chacun, de croire ou de ne pas croire. Ça me semble tellement évident. Même historiquement, culturellement, la France est en Europe la fille aînée de l’Église. L’histoire de France ne commence pas en 1789, on peut la faire remonter au baptême de Clovis au Ve siècle. La France s’inscrit dans cette histoire.

Vous savez, on ne peut être confiant dans son avenir que quand on est fier de son passé, et qu’on le connaît. On dit souvent que la République est laïque, mais que la France est catholique. Cette vieille expression qui n’est ni plus ni moins que la traduction de l’histoire de la France. Depuis les Lumières, la Révolution française et la République, il y a en réalité une évolution historique, un processus, à la fois philosophique et politique, qui va aboutir à ce qu’est la France aujourd’hui. Cette évolution puise néanmoins ses racines dans la chrétienté, et j’aurais même tendance à dire au-delà, car la France puise aussi ses racines dans la Rome antique et dans la Grèce antique.

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