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Et si l’on sauvait nos fermes comme on sauve nos banques ?

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Ted Fox nourrit du bétail dans sa ferme près d'Osage, dans l'Iowa, le 9 août 2014.

Photo: Scott Olson/Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

ÉTATS-UNIS – Alors que les exploitations familiales disparaissent à un rythme alarmant, une voix s’élève pour proposer un outil simple et oublié : un produit bancaire garanti par l’État, dédié à l’accès à la terre. Une idée qui pourrait rebattre les cartes d’un système agricole à bout de souffle.
Partout dans plusieurs pays, la même question revient : que faire face à l’effondrement du monde agricole ?
Les fermes locales, piliers de nos territoires, ne peuvent survivre sans notre soutien. Les aider n’est pas une option, c’est une nécessité. Participer à des repas « de la ferme à la table », fréquenter les marchés paysans, s’abonner à un panier hebdomadaire, visiter les exploitants, organiser des mariages ou des fêtes sur leurs terres : chaque geste compte.

Mais soyons lucides : le soutien individuel, aussi essentiel soit-il, ne suffira pas. Sans transformation structurelle, ces initiatives ne pourront enrayer la disparition silencieuse de nos fermes.

Un enjeu de sécurité nationale
La situation est critique. Les agriculteurs vieillissent et les jeunes familles prêtes à reprendre le flambeau n’ont pas accès à la terre.
Pourquoi ? Parce que les banques exigent désormais 30% d’apport personnel pour financer l’achat d’une exploitation.

Un exemple : au centre du Texas, la terre agricole s’échange autour de l’équivalent de 12.000 euros l’acre. Pour une ferme de 200 acres, cela représente près de 720.000 euros en liquide, assortis d’une mensualité d’environ 12.000 euros. Aucun élevage, aucun maraîchage, aucune culture diversifiée ne peut supporter une telle charge. Les chiffres sont sans appel.

Et pourtant, les prêts ne proviennent pas d’un coffre rempli d’économies. Comme le rappelle l’économiste Richard Werner, père du concept d’« assouplissement quantitatif », l’argent est créé au moment où les banques accordent un crédit. Ce qui importe, c’est donc l’orientation de ce crédit : lorsqu’il alimente la spéculation immobilière, il gonfle des bulles et fragilise les économies ; lorsqu’il soutient des activités productives – comme les petites entreprises ou les fermes – les communautés locales prospèrent.
M. Werner l’a démontré : les pays qui favorisent la création de crédit à des fins productives surperforment durablement ceux qui la laissent se dissoudre dans la spéculation.
Et si nous appliquions ce principe à l’agriculture ? Plutôt que de nourrir des bulles immobilières, notre système bancaire pourrait soutenir une génération d’agriculteurs produisant une alimentation saine et locale.

Je suis convaincu que si la majorité des citoyens comprenait réellement le fonctionnement de la création monétaire et du crédit, elle se révolterait dès demain. Mais puisque tel est le système dans lequel nous vivons – et puisque des produits bancaires analogues existent déjà pour d’autres secteurs de la société –, il est temps d’exiger que les terres agricoles bénéficient des mêmes mécanismes de soutien.

Une économie agricole sous perfusion
Hormis l’eau et l’air, rien n’est plus essentiel à la survie humaine que la nourriture. Si notre société peut justifier des produits bancaires spécifiques pour le logement, les anciens combattants ou les petites entreprises, pourquoi pas pour l’agriculture ?

Qu’on ne s’y trompe pas : le monde agricole est déjà sous perfusion. L’ensemble du système repose sur les subventions publiques et les assurances-récolte fédérales – un modèle coûteux et inefficace, qui privilégie les grandes cultures au détriment des fermes familiales.

Il y a là une incohérence troublante : alors que l’État soutient massivement les matières premières, aucun produit bancaire n’aide véritablement les agriculteurs à acquérir la terre et à produire de la nourriture.
Résultat : les profits se concentrent entre les mains des investisseurs et des multinationales, tandis que les fermes indépendantes s’éteignent.

D’autres pays ont pourtant adopté ce type d’outil bancaire pour soutenir les petites entreprises et leurs économies s’en portent mieux. Nous pourrions faire de même pour les fermes. Ce ne serait pas simplement « aider les agriculteurs », mais favoriser l’émergence de millions de nouveaux entrepreneurs agricoles. Les banques conserveraient la terre comme garantie tangible, tandis que les communautés locales gagneraient des familles produisant une alimentation riche en nutriments.
Petites fermes, grands rendements

Un mythe persiste : « On ne peut pas nourrir le monde avec de petites fermes. »
Les chiffres de la FAO le démentent : les exploitations de moins de deux hectares représentent environ 24% des terres agricoles mondiales, mais produisent entre 30 et 34% de l’alimentation mondiale. Elles sont donc plus productives à l’hectare que les grandes exploitations.

Certes, l’agriculture industrielle a permis d’atteindre une efficacité sans précédent. Mais elle a aussi appauvri la diversité des cultures et fragilisé la résilience du système alimentaire. Beaucoup d’agriculteurs sont piégés dans la production de maïs et de soja, non parce que le monde en a besoin, mais parce que leurs équipements, leurs subventions et leurs assurances-récolte les y contraignent.
Résultat : une abondance de calories, mais une pénurie de nutriments. Nous avons assez de nourriture pour tous, mais pas assez de nutrition, de minéraux et de santé. C’est pourquoi le système actuel doit être repensé en profondeur.
Un modèle à portée de main

Des solutions existent pourtant. Aux États-Unis, Fannie Mae et Freddie Mac permettent aux primo-accédants d’acheter une maison avec seulement 3% d’apport.
Les anciens combattants bénéficient de taux bas, sans apport ni assurance hypothécaire.

Nous avons donc déjà choisi, collectivement, de soutenir certaines catégories de citoyens grâce à des prêts garantis par l’État.
Pourquoi ne pas créer le même outil pour l’accès à la terre agricole ?

Les agriculteurs ne réclament pas d’aides ni de dons. Ils demandent des taux accessibles et des conditions d’entrée réalistes, pour que de nouvelles familles puissent s’installer.
Sans cela, les terres resteront aux mains des grandes entreprises et des investisseurs, et avec elles disparaîtra notre souveraineté alimentaire.
Redonner une chance à la terre
Aux États-Unis, 170.000 exploitations agricoles on été perdues en huit ans. Combien ont été perdues en France, en Suisse, au Canada?
Pour inverser cette tendance, il ne suffit pas d’encourager les consommateurs à acheter local.
Il faut aussi un instrument bancaire capable de financer la relève agricole.

Soutenir nos fermes, c’est soutenir la vie. Et si nous avons su inventer des solutions financières pour sauver nos maisons et nos banques, alors nous pouvons — et devons — en créer une pour sauver nos fermes.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Mollie Engelhart, agricultrice et éleveuse, est engagée dans la souveraineté alimentaire, la régénération des sols et l\'éducation à l\'agriculture familiale et à l\'autosuffisance.

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