EXCLUSIF : un document interne du régime chinois révèle le soutien financier derrière une campagne de diffamation au Canada

Par Limin Zhou
4 juillet 2020 17:49 Mis à jour: 3 février 2021 22:58

Un document interne du régime chinois obtenu par Epoch Times révèle que des agents d’une organisation notoire du Parti communiste chinois ont été dépêchés en mission au Canada et montre le chemin de l’argent derrière une campagne de diffamation menée pendant près de deux décennies par une publication de Montréal pour faire avancer les intérêts de Pékin.

Le document est le rapport annuel de 2018 du Comité judiciaire et politique du district de Fangshan de Pékin, un organe du Parti communiste chinois (PCC) qui supervise le « Bureau 610 » du district, une organisation secrète de type gestapo chargée de persécuter les pratiquants de Falun Dafa.

Il relève que des représentants du Bureau 610 du district de Fangshan sont venus à Montréal, Toronto et Ottawa pour organiser des séances de diffamation contre les « religions hérétiques », une référence au Falun Dafa. La mission au Canada a été menée conformément aux exigences du Comité central du Parti et du Comité municipal du Parti, indique le document.

« Des séminaires anti-religions hérétiques ont été organisés avec les communautés [chinoises] des trois villes afin de faire connaître les lois et règlements chinois relatifs aux religions hérétiques, et donner des connaissances de base anti-religions hérétiques », peut-on lire dans le document.

Le document ajoute que la mission a eu l’effet escompté.

« Les citoyens locaux ont une compréhension claire du Falun Gong et des autres organisations religieuses hérétiques, déclarant qu’ils ne croiront pas en elles, n’en feront pas la promotion et ne participeront pas à leurs activités. »

Depuis longtemps, les services du renseignement, des chercheurs et d’anciens agents du PCC ayant fait défection documentent ou dénoncent l’utilisation par Pékin de la diaspora chinoise pour servir ses intérêts à l’étranger, en particulier au Canada. Toutefois, ce document révèle l’implication directe d’une organisation de type « police secrète chinoise » au Canada, ainsi que son lien étroit avec un journal chinois au Canada servant les intérêts du régime.

Il s’agit de la publication en langue chinoise Les Presses chinoises, basée à Montréal, qui, selon le document, collabore avec le Bureau 610 du district de Fangshan pour publier des contenus s’opposant au Falun Dafa et des tracts diffamatoires à l’égard de cette pratique.

« 42 numéros et 62 articles ont été publiés, et 400 000 tracts de propagande anti-religion hérétique ont été imprimés », indique le document. Il ajoute que 48 numéros de la publication seraient publiés d’ici la fin 2018, chacun comportant une section spéciale qui contient des articles diffamatoires à l’égard du Falun Dafa.

Le document indique que « tous les fonds ont déjà été versés » pour 2018.

Le Falun Dafa, également connu sous le nom de Falun Gong, est une pratique spirituelle combinant des exercices de méditation et des enseignements moraux. Les pratiquants de cette discipline, considérée comme une « croyance protégée » par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, sont sévèrement persécutés par le régime chinois depuis 1999.

Nouvelle tactique

Selon l’expert sur la Chine Yiyang Xia, il est « révélateur » que la branche locale du Bureau 610 ait outrepassé les frontières de la Chine, allant jusqu’à envoyer des agents au Canada pour diaboliser le Falun Dafa en sol canadien.

« L’opération directement menée par le Bureau 610 dans les villes canadiennes semble être une nouvelle tactique visant à exporter la persécution du Falun Dafa à l’étranger », a déclaré Yiyang Xia, directeur principal de recherche et de politique à la Human Rights Law Foundation, basée à Washington.

« Auparavant, nous pensions que ce n’était que les ambassades et consulats chinois qui exportaient la persécution du Falun Dafa, pour marginaliser et diffamer leurs pratiquants dans les pays occidentaux. »

Yiyang Xia a déclaré savoir qu’une autre branche du Bureau 610 finance des activités anti-Falun Dafa à Flushing, dans l’État de New York, depuis des années. D’après un article paru dans l’édition chinoise d’Epoch Times, le Bureau 610 de Tianjin serait derrière les activités diffamatoires à Flushing.

Ce dernier développement suggère qu’il est possible que ce schéma inhabituel d’interférence du Bureau 610 du district de Pékin à l’étranger soit en fait un modèle reproduit ailleurs.

« La pénétration du PCC dans d’autres pays de cette manière n’est pas très perceptible, mais ces opérations pourraient potentiellement impliquer de nombreux agents du niveau municipal du Bureau 610 qui interféreraient dans les sociétés de pays étrangers, comme les États-Unis et le Canada », a-t-il déclaré.

« Il ne s’agit pas seulement d’une violation flagrante de la souveraineté des pays occidentaux, mais aussi d’une atteinte aux droits constitutionnels de leurs populations en matière de liberté de croyance religieuse et érode les libertés dans ces pays. »

David Matas, avocat spécialisé dans les droits de la personne et de l’immigration, basé à Winnipeg, au Canada, affirme que si les agents du Bureau 610 venus au Canada sous l’ordre du régime communiste chinois d’éradiquer le Falun Dafa avaient révélé la véritable intention de leur séjour, ils n’auraient pas obtenu de visa, car « ils seraient venus dans le but d’inciter à la haine ».

L’avocat David Matas dans une photo d’archive. (Woody Wu/AFP/Getty Images)

« Je pense qu’ils n’ont pas divulgué le but de leur visite lorsqu’ils ont fait leur demande de visa, et cela constituerait une violation de la loi ici même dans la mesure où ils viennent sous de faux prétextes, et il vaut certainement la peine de faire des enquêtes approfondies lorsque des gens entrent au pays », a déclaré Me Matas.

Interférence étrangère

Selon l’expert en renseignement David Harris, les autorités canadiennes devraient enquêter sur les activités du Bureau 610 et de ses agents au Canada.

« Les rapports faisant état de nouvelles stratégies de Pékin de pénétration au Canada et d’influence des Canadiens sont extrêmement inquiétants, en partie parce qu’elles semblent représenter une intensification des opérations d’influence du Parti communiste chinois sur le territoire souverain du Canada », a déclaré M. Harris, directeur du programme de renseignement chez Inisgnis Strategic Research à Ottawa.

« Dans un sens large, nous avons le spectre de la manipulation par Pékin des Canadiens, leurs médias et même leur gouvernement. C’est inacceptable pour tout pays, sans parler d’une démocratie libérale qui valorise les droits constitutionnels de tous ses citoyens, y compris ceux qui pourraient être des pratiquants de Falun Gong. »

M. Harris ajoute qu’ « à la lumière des preuves qui ont été présentées », le gouvernement canadien devrait enquêter sur cette affaire et prendre « des mesures appropriées, décisives, diplomatiques et politiques contre Pékin ».

Me Matas affirme qu’il s’agit d’un cas évident d’interférence étrangère au Canada.

« Si le gouvernement chinois dépensait cet argent ouvertement par l’intermédiaire de son ambassade et qu’il s’agissait d’une publication de l’ambassade, il s’agirait d’une activité diplomatique inappropriée », a-t-il déclaré. « Ce serait une interférence étrangère dans les affaires canadiennes, et les personnes responsables d’une telle publication seraient expulsées du Canada en tant que persona non grata. »

Mais le Canada n’a pas la législation adéquate pour faire face de manière efficace à l’interférence étrangère, a-t-il dit.

« Je pense que lorsqu’une agence étrangère injecte de l’argent au Canada à des fins de plaidoyer, il devrait y avoir une exigence d’enregistrement pour ce plaidoyer. Elle ne devrait pas être dissimulée comme c’est le cas actuellement », a déclaré Me Matas.

Certains pays, comme l’Australie, ont adopté des lois obligeant les entités agissant au nom de gouvernements étrangers à s’enregistrer publiquement.

« Je pense que Les Presses Chinoises et son financement sont un exemple classique révélant le fait que nous ne sommes pas protégés contre ce genre de manipulation », a déclaré M. Matas.

Le Bureau 610

Le Bureau 610, nommé d’après le jour de sa création, le 10 juin 1999, a pour mission d’éradiquer le Falun Dafa, une pratique méditative devenue trop populaire en Chine aux yeux du Parti communiste chinois. Les statistiques gouvernementales ont montré qu’entre 70 et 100 millions de personnes en Chine pratiquaient cette discipline dans les années 1990, après qu’elle a été présentée au public en 1992.

Cet organe du PCC a été créé sous le commandement de Jiang Zemin, l’ancien leader du Parti qui a instigué la campagne de persécution du Falun Dafa en 1999, et qui avait pour dessein de l’éradiquer complètement.

Des policiers chinois montent la garde à Pékin sur une photo d’archives. (Saul Loeb/AFP/Getty Images)

Le Bureau 610 a été doté de pouvoirs extralégaux, transcendant les pouvoirs administratifs des différents niveaux de juridiction, afin de coordonner tous les aspects de la persécution du Falun Dafa. Cela inclut l’arrestation, la torture, le meurtre et la propagande visant à retourner l’opinion publique.

Hao Fengjun, un ancien officier du Bureau 610 qui a fait défection en Australie en 2005, a déclaré lors d’interviews antérieures qu’il y avait des branches du Bureau 610 à chaque niveau de l’État-parti, allant du Comité central jusqu’aux provinces, villes et districts locaux.

Bien que des changements organisationnels au sein du Bureau 610 aient été rapportés, l’expert sur la Chine Yiyang Xia soutient que cet organe n’a pas subi de réforme significative. Selon lui, le seul changement notable est que depuis mars 2018, le Bureau 610 est sous l’égide de la Commission centrale des affaires politiques et juridiques du PCC.

Mais à toutes fins pratiques, rien n’a changé pour ses dirigeants, et le Bureau 610 poursuit sa mission d’éradication du Falun Dafa, possiblement sous un autre nom, affirme Yiyang Xia.

Les Presses Chinoises

Le document interne révèle des liens financiers entre le Bureau 610 et Les Presses Chinoises, un journal qui publie du contenu diffamatoire envers le Falun Dafa depuis des années.

Les archives en ligne de Les Presses Chinoises montrent que la plupart des hebdomadaires publiés consécutivement pendant des années ont une section intitulée « The Truth of Justice » (la vérité de la justice), qui reprend les propos diffamatoires propagés par le régime en Chine. Le contenu s’étend généralement sur deux pages, sans annonce ni article de presse ordinaires.

Les Presses Chinoises sont la propriété de Crescent Chau. Epoch Times a contacté M. Chau pour commentaires, mais n’a reçu aucune réponse.

Le journal a publié sa première édition spéciale sur le sujet en novembre 2001 et incluait une pétition demandant à la communauté chinoise de « s’unir » pour « dénoncer le Falun Gong ».

L’édition spéciale était une condamnation du Falun Dafa, le contenu reprenant mot pour mot la propagande haineuse du PCC diffusée en Chine.

David Ownby, professeur d’histoire à l’Université de Montréal, qui a mené des recherches sur le Falun Dafa, a qualifié les articles de « saleté sans fondement versée sur des pages » et a déclaré le contenu faux.

Une pile des journaux de Crescent Chau, distribués dans tout le Canada en 2006. Un tribunal a jugé peu convaincante l’explication de la manière dont Chau a financé les 100 000 exemplaires de ce journal pro-communiste distribué gratuitement et sans publicité, et a déclaré qu’il était raisonnable d’affirmer que ce dernier agissait en tant qu’agent de Pékin. (Epoch Times)

Un groupe de pratiquants du Falun Dafa a poursuivi Crescent Chau en justice et, en décembre 2001, trois semaines après la publication de la première édition spéciale, le tribunal a émis une injonction ordonnant à ce dernier de cesser de publier son contenu anti-Falun Gong.

En février 2002, Crescent Chau a défié l’injonction du tribunal et a publié une deuxième édition spéciale, diffamatoire de la première à la dernière page, affirmant que les pratiquants du Falun Dafa étaient « maléfiques » et « ennemis de l’État », entre autres déclarations calomnieuses.

Crescent Chau a réuni des fonds pour imprimer 100 000 exemplaires d’une autre édition spéciale de 32 pages entièrement consacrée à la diffamation du Falun Dafa dans tout le pays, en août 2006 et juillet 2007. Des exemplaires ont été diffusés à Montréal, Toronto et Ottawa, et jusqu’à Vancouver, dans l’ouest du pays. Là encore, l’édition spéciale ne contenait aucune publicité et était distribuée gratuitement. Les numéros réguliers du journal, dont le tirage était de 3 500 à 4 000 exemplaires à Montréal, se vendaient 40 centimes (60 cents).

Le Quotidien du peuple, un média d’État chinois, a publié un article louant les efforts de Crescent Chau quelques jours après sa diffusion nationale.

Crescent Chau participe régulièrement au Forum mondial des médias chinois organisé tous les deux ans en Chine par le gouvernement et le Département du travail du Front uni, l’organisation du PCC chargée du renseignement et de l’influence politique dans les pays étrangers. Les médias d’État chinois ont cité une déclaration de Crescent Chau selon laquelle Pékin « devrait renforcer ses liens avec la communauté chinoise d’outre-mer ».

L’édition chinoise d’Epoch Times a écrit une série de rapports d’enquête en 2007 sur Crescent Chau et a suggéré qu’il pourrait être un agent du régime chinois.

Les rapports comprenaient des interviews de Chen Yonglin, un ancien diplomate chinois travaillant pour une unité spécialisée dans l’éradication du Falun Dafa, qui a fait défection en Australie.

Chen Yonglin a déclaré qu’il est évident que Les Presses Chinoises « sont l’homme de main et l’outil de propagande du Parti communiste chinois ». Il a également déclaré qu’ « il est très probable que les coûts d’impression » aient été couverts par le régime.

« Le contenu semble être principalement produit et fourni par le PCC », a-t-il dit.

Crescent Chau a poursuivi Epoch Times pour diffamation, mais l’affaire a été rejetée par la juge Catherine Mandeville de la Cour supérieure en avril 2010. « Il s’agit d’un cas où celui qui mord se plaint d’avoir été mordu », a déclaré Mme Mandeville, et que « la réputation de M. Chau et de La Presse chinoise est […] sans équivoque anti-Falun Gong et pro-RPC [République populaire de Chine]. » « La Presse chinoise » est le nom de l’entreprise qui imprime le journal Les Presses chinoises.

La qualification d’agent de Pékin n’est donc pas une « attaque déloyale », mais plutôt « une opinion légitime », a-t-elle déclaré.

« M. Chau […] estime qu’il est de sa responsabilité de défendre la position du gouvernement de la RPC. Les articles d'[Epoch Times] ont montré que [les] opinions [de M. Chau] sur le Falun Gong, mais aussi sur le Tibet et bien d’autres sujets, sont identiques à celles du régime de la RPC », a déclaré la juge Mandeville.

La juge Mandeville a également déclaré que les explications de Crescent Chau sur la façon dont il a financé ses éditions spéciales étaient « pour le moins, nébuleuses ».

Au cours de la procédure judiciaire, Crescent Chau a admis qu’il n’avait pas interviewé de pratiquants de Falun Dafa pour le contenu qu’il publiait et qu’il n’avait pas lu les enseignements de Falun Dafa. Il a déclaré qu’il aspirait à éradiquer Falun Dafa.

Crescent Chau a ensuite fait appel de la décision du tribunal inférieur, sans succès. Les trois juges de la cour d’appel ont réaffirmé en 2012 que le fait de référer à Crescent Chau et à son entreprise de presse « en tant qu’agents promouvant les idées d’un gouvernement ne peut être considéré comme diffamatoire ».

Crescent Chau a tenté de porter l’affaire devant la Cour suprême, mais a échoué.

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