Il est grand temps de désigner les talibans d’organisation terroriste

Par Anders Corr
26 août 2021 05:46 Mis à jour: 26 août 2021 05:46

Le chaos qui règne en Afghanistan est le résultat de l’échec des États-Unis en fait de stratégie, d’intelligence et de volonté. En tant que membre principal de l’alliance contre les talibans et principal pays ayant cherché à apporter la démocratie en Afghanistan, les États-Unis doivent assumer la responsabilité de leur échec. Ses causes sont nombreuses, mais l’une des pires est le refus ridicule de la part du ministère américain des Affaires étrangères de désigner les talibans afghans d’organisation terroriste.

Alors que les talibans afghans ne figurent pas sur la liste des organisations terroristes du ministère des Affaires étrangères, le Tehrik-e Taliban Pakistan (TTP), qui est l’organisation talibane pakistanaise, y figure. L’absence des talibans afghans de la liste relève d’une initiative désastreuse visant à négocier avec eux. Les Américains sont censés ne pas négocier avec les terroristes, et pour s’en assurer, ils excluent de la liste des organisations terroristes du ministère des Affaires étrangères ceux avec lesquels nous voulons négocier. Cette politique étrangère d’omission ne fait que nous tromper, et son manque de clarté a permis aux talibans de revenir à Kaboul alors que nous jouions la comédie.

Maintenant que les États-Unis quittent l’Afghanistan, il n’y a plus d’excuses pour ne pas retrouver la raison : les talibans sont des terroristes et doivent être ajoutés à la liste des organisations terroristes du ministère des Affaires étrangères. La reconnaissance de l’État devrait être refusée aux talibans jusqu’à ce qu’ils rétablissent le gouvernement précédent et organisent des élections comme le font les gouvernements légitimes.

Cependant, ne retenez pas votre souffle en attendant que ce jour arrive.

Début juin, les talibans ont revendiqué l’incendie d’un camion rempli d’explosifs dans le district de Balkh, faisant au moins 16 victimes et en blessant 117 autres. Parmi celles-ci, deux civils sont décédés et 67 ont été blessés. Quatre-vingts magasins et dix demeures ont été endommagés. Le bâtiment du district et le siège de la police ont été presque entièrement détruits.

Le pire des cinq principaux chefs talibans est probablement Sirajuddin Haqqani, qui est également le chef du réseau meurtrier Haqqani. En 2008, ce réseau a été accusé d’avoir attaqué l’hôtel le plus prestigieux de Kaboul. En 2012, il a été placé sur la liste des organisations terroristes du ministère américain des Affaires étrangères. En 2017, le réseau comptait environ 5 000 combattants dans le sud-est de l’Afghanistan. Il gère actuellement les avoirs financiers et militaires des talibans de l’autre côté de la frontière afghano-pakistanaise. Le réseau Haqqani a également été tenu pour responsable d’un attentat suicide contre l’ambassade de l’Inde et d’une tentative d’assassinat de Hamid Karzai, alors président de l’Afghanistan. Haqqani serait à la tête non seulement de son propre réseau, et en partie des talibans, mais aussi de la branche terroriste d’Al-Qaïda.

La professeure Mary Habeck de l’université de Georgetown, qui a écrit trois livres sur Al-Qaïda, a écrit dans un courriel : « Il n’y a aucune distance entre Al-Qaïda et les talibans. Le chef adjoint des talibans est Sirajuddin Haqqani, qui est également un subordonné du [commandant d’Al-Qaïda, Ayman] Zawahiri. Le ministère des Affaires étrangères a déclaré Sirajuddin ‘Organisations considérées comme terroristes par le département du Trésor des États-Unis’, c’est-à-dire Al-Qaïda, en 2008, et aucune administration n’est revenue sur cette désignation, ce qui montre que cette administration, comme toutes les autres, reconnaît ce fait. »

Selon un rapport de l’ONU en 2020, « les hauts dirigeants d’Al-Qaïda demeurent présents en Afghanistan, ainsi que des centaines d’agents armés, Al-Qaïda [est présent] dans le sous-continent indien ainsi que des groupes de combattants terroristes étrangers alignés sur les talibans. […] Les relations entre les talibans, en particulier le réseau Haqqani, et Al-Qaïda, restent étroites, fondées sur l’amitié, une histoire de lutte commune, une sympathie idéologique et des mariages mixtes ».

Selon le rapport, « les talibans ont régulièrement consulté Al-Qaïda lors des négociations avec les États-Unis et ont offert des garanties qu’ils honoreraient leurs liens historiques. Al-Qaïda a réagi positivement à l’accord [avec les États-Unis en février 2020], avec des déclarations de ses acolytes le célébrant comme une victoire pour la cause des talibans et donc pour le militantisme mondial ».

La glorification d’Al-Qaïda nous mène à notre perte. Inclure le réseau Haqqani lié à Al-Qaïda dans la liste du ministère des Affaires étrangères, mais pas les talibans liés à Al-Qaïda, alors que les talibans sont en grande partie dirigés par les Haqqani, est une faille évidente.

Il est clair que les talibans sont une organisation terroriste. Le fait que l’administration Biden continue de croire qu’ils ne le sont pas permet aux États-Unis de négocier et d’apaiser davantage les talibans. Mais l’apaisement des talibans, et de ceux qui les soutiennent au Pakistan et en Chine, est précisément la mauvaise stratégie.

L’apaisement remet à plus tard l’examen de questions difficiles, comme les États-Unis l’ont fait tant de fois depuis 1972 lorsqu’ils se sont ouverts au Parti communiste chinois – qui devrait lui-même être considéré comme une organisation terroriste, selon un spécialiste de l’université de Chicago. Cela repousse le jour du jugement, qui sera d’autant plus douloureux que nous attendrons pour affronter de manière décisive les ennemis mondiaux de la démocratie.

Anders Corr est titulaire d’un BA/MA en sciences politiques de l’université de Yale (2001) et d’un doctorat en administration de l’université de Harvard (2008). Il est directeur de Corr Analytics Inc. et éditeur du Journal of Political Risk, et a mené des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Il est l’auteur de The Concentration of Power (littéralement, la concentration du pouvoir – à paraître en 2021) et de No Trespassing (défense d’entrer), et a édité Great Powers, Grand Strategies (grands pouvoirs, grandes stratégies).

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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