Grimper les cinq plus hauts sommets de chaque continent en vélo-escalade: le rêve un peu fou de deux amis d’enfance

Par Nathalie Dieul
27 février 2024 20:05 Mis à jour: 28 février 2024 05:55

Vélo et alpinisme : habituellement, on n’associe pas ces deux termes et encore moins ces deux sports. C’est pourtant ce que font deux amis d’enfance québécois en réalisant leur rêve à travers sept continents. Il s’agit en fait de deux expéditions en une, le vélo leur apportant une autonomie totale pour se déplacer d’une montagne à l’autre.

« Cela peut paraître fou, mais nous avons déjà prouvé à deux reprises que nous avions ce qu’il faut pour accomplir un tel défi, en Amérique du Sud en 2022 et en Afrique en 2023 », se réjouit Éloi Larrivée, en entrevue avec Epoch Times depuis le Nunavut, le grand Nord canadien, où il se trouve en mission avec l’armée pour gagner sa vie afin de financer la suite de l’aventure.

Tout a commencé par une belle et longue amitié entre Éloi Larrivée et Jean-Christophe René. Amis depuis l’âge de quatre ans, ils ont grandi dans le village de Ham-Nord au Centre-du-Québec, près de la nature et en plein-air. Ensemble, ils ont vécu toutes sortes d’aventures, des plus petites aux plus incroyables. « C’est un peu notre plus grande force en fait : on s’est développé ensemble, on a pris de l’expérience ensemble », reconnaît Jean-Christophe, ingénieur de formation reconverti dans l’enseignement.

Jean-Christophe René en Bolivie, avec le volcan Sajama en arrière plan. (photo 3 Mousquetons)

« Nous sommes de vieux amis, de vieux frères, nous avons traversé tant de tempêtes ensemble », ajoute son fidèle compagnon d’aventure. « La vie est extrêmement bonne avec moi. Elle m’a offert la chance d’avoir un ami d’enfance, d’adolescence et de vie d’adulte, un ami pour la vie quoi ! »

Éloi Larrivée lors de l’ascension du Mont Kenya, au Kenya. (photo 3 Mousquetons)

Les 3 Mousquetons et la Route des sommets

Au fil des expéditions réalisées, Jean-Christophe s’est mis à rêver de plus en plus à la haute montagne. « Les hautes montagnes, je trouvais ça fascinant. Je trouvais ça beau surtout. J’avais envie de les voir de mes propres yeux, de voir aussi ce qu’était la haute altitude, comment j’allais réagir, comment j’allais être capable de performer », confie-t-il.

Rapidement, l’idée du vélo-alpinisme s’est imposée, tout d’abord pour l’autonomie procurée par le fait de se déplacer à vélo : « On est libre de nos mouvements, on ne dépend de personne ».

L’autre raison, c’est pour une question de budget. « On n’est pas des aventuriers professionnels », rappelle Jean-Christophe. « Il faut travailler, tu sais, pour pouvoir se payer ces expéditions-là », ajoute-t-il. « Sinon, on n’aurait pas eu les moyens financiers de le faire, tout simplement. »

Éloi sur son vélo au pied du mont Huascaran au Pérou, qui culmine à 6768 mètres d’altitude. (photo 3 Mousquetons)

Après une première expérience de vélo-alpinisme dans les Alpes en 2019 avec un autre ami, le petit groupe s’est lancé un plus gros défi. Puisqu’ils étaient trois, ils ont décidé de nommer leur groupe Les 3 Mousquetons.

« Ce projet est né d’une idée que Jean-Christophe m’a lancée tout bonnement en me demandant si je croyais qu’il serait possible de grimper les plus hauts sommets du monde en autonomie totale, en utilisant la force de nos propres corps et notre matériel réduit au strict minimum », se souvient le fantassin de l’armée. « Grimper les plus hauts sommets du monde est déjà un défi grandiose, mais les relier par la force humaine, c’est ce qui différencie notre projet. »

Comme les Mousquetons rêvent toujours plus grand que nature, ils n’ont pas choisi de grimper un, deux, trois ni même quatre sommets de chaque continent, mais cinq. « La plupart des grands alpinistes tentent le sommet des sept continents pour former le défi des Seven, ou parfois même les deux plus hauts sommets, en totalisant quatorze pour le défi des Fourteen. Trois, ce n’est pas un assez gros défi et quatre n’est pas un beau chiffre, alors nous nous sommes lancé le défi des cinq plus hauts sommets de chaque continent », explique Éloi en toute simplicité. C’est ainsi qu’est né le projet de la Route des sommets.

« C’est un beau rêve, c’est un beau projet, mais est-ce qu’on va vraiment être capable de le faire ? » s’est demandé Jean-Christophe avant de se lancer dans l’aventure.

L’Amérique du sud : 7000 km de vélo et sept sommets de plus de 6000 m

En 2022, les 3 Mousquetons sont partis en Amérique du sud. Assez rapidement, ils se sont rendu compte que le troisième ami n’avait pas la même vision du projet que les deux amis d’enfance, ni les mêmes objectifs. Le trio s’est alors séparé. Les 3 Mousquetons ne sont plus que deux à poursuivre la route, mais ils ont gardé leur nom et ces deux-là s’identifient pleinement à leur projet, prêts à tout pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés.

Au total, ils ont pédalé plus de 7000 km pour un voyage d’une durée de 138 jours. En plus de l’ascension des cinq plus hauts sommets de ce continent, nos alpinistes ont ajouté deux « petits » extras : deux montagnes de plus de 6000 m d’altitude, comme le Sajama en Bolivie — « il était impensable de passer à côté sans au moins tenter d’atteindre le sommet ».

Nos deux aventuriers se sont accordé deux « petits » extras en plus des cinq plus hauts sommets d’Amérique du Sud, comme le volcan Sajama, la montagne la plus haute de Bolivie, culminant à 6542 mètres d’altitude. (photo 3 Mousquetons)

Sortir de sa zone de confort

L’autonomie dont les Mousquetons font preuve a un prix : le confort. Ils ne disposent même pas d’une tente pour se reposer après leurs grosses journées d’efforts physiques et dorment au grand air n’importe où dans leurs petits sacs de couchage bivouac. Quant à la nourriture et même pour l’eau, il leur arrive de ne pas en avoir assez pour se rendre au prochain village qui peut se trouver à 150 km de là, alors qu’ils viennent de réaliser l’ascension de l’une des plus hautes montagnes au monde.

La plupart des alpinistes reprennent des forces après l’ascension d’une montagne. Ils se reposent et s’alimentent pour se remettre de l’effort surhumain que représente un tel exploit dû au manque d’oxygène, mais pas ces aventuriers québécois.

« La force qu’il faut pour enfourcher un vélo après une ascension nous vient de notre résilience hors du commun », reconnaît Éloi. « La fatigue, la douleur, l’inconfort, l’épuisement et les blessures sont les facettes négatives de l’expérience que nous arrivons toujours à traverser et à transformer avec fierté, persévérance, défi et résilience. C’est la force du mental. »

Au sommet du Nevado Ojos del Salado, culminant à 6891 mètres d’altitude, aux confins de l’Argentine et du Chili. (3 Mousquetons)

Euphorie à 6768 mètres d’altitude

Lorsque le duo a atteint le sommet du mont Huascarán à 6768 mètres d’altitude au Pérou le 18 juin 2022, c’était l’euphorie. Les Mousquetons avaient réussi le premier défi de leur série de sept continents. Ils avaient grimpé les cinq plus hauts sommets d’Amérique du sud à la sueur de leur front, sans aucune aide. Il s’agissait pourtant d’une étape très longue, réalisée en un peu plus de cinq mois alors qu’ils avaient prévu sept mois pour la mener à bien. Le dernier sommet était technique et leur a demandé « des efforts presque surhumains ».

« Mentalement, physiquement, c’était difficile », reconnaît Jean-Christophe, qui frissonne pourtant de bonheur lorsqu’il parle de ses aventures. « Cela nous a prouvé que c’était possible. »

Sur le mont Huascarán à 6768 mètres d’altitude. (photo 3 Mousquetons)

Éloi se souvient de son sentiment d’euphorie : « Nous sommes arrivés au sommet et un mélange savoureux d’accomplissement, de joie, de soulagement et carrément de puissance m’a envahi. Nous venions de parcourir plus de 7000 km à vélo dans les conditions les plus extrêmes connues sur la planète, à travers déserts de sable, d’altitude et de sel et à travers quatre pays d’Amérique du sud, tous comportant de nombreux défis. »

L’alpiniste ajoute cette anecdote qui l’a marqué : « Tous ces beaux mots se sont traduits par une belle folie de ma part : torse nu, j’ai dansé de joie, tenant mon piolet au-dessus de ma tête ! »

« Elle s’est, en quelque sorte, sacrifiée pour me sauver du vide »

Après l’euphorie de cette fin d’expédition, Éloi a décidé de retrouver sa douce moitié, Rébecca Dinelle, en Équateur pour un voyage en amoureux. Après douze jours de moto-camping, le couple avaient prévu une finale inoubliable, un rêve commun : grimper le Chimborazo, la montagne la plus haute du pays qui culmine à 6263 mètres d’altitude.

Arrivés près du sommet, Éloi et son âme-sœur ont été pris au dépourvu par une avalanche de plaques alors que la fenêtre météo était favorable. « Nous avons dévalé plus de 300m sous des tonnes de neige avant de plonger dans une falaise. Elle est tombée en contrebas, je suis tombé dans le vide. J’ai seulement survécu grâce à la corde qui nous reliait tous les deux », raconte le jeune homme.

« Elle s’est, en quelque sorte, sacrifiée pour me sauver du vide. J’ai tout tenté sur place, mais la main de Dieu est venue la cueillir », explique celui qui considère cette épreuve comme « le plus grand traumatisme de ma vie ». Il a ensuite fait preuve d’une résilience extraordinaire.

L’aventurier partage la manière dont il s’est remis de cette épreuve : « Ce qui m’a donné la force de me relever et de continuer l’aventure, c’est la foi. La foi en laquelle Reb croyait, et croit encore de là où elle est, en moi et en mes rêves. La foi que la vie nous envoie des épreuves et non des malheurs. La foi que je suis encore en vie afin de vivre pour deux. La foi que j’honore sa mémoire en me relevant et en poursuivant l’aventure. »

De son côté, Jean-Christophe est fier de son complice qui a réussi à se relever d’un traumatisme aussi grand, à trouver du positif et à continuer à avancer. Le connaissant si bien, d’un côté il n’est pas surpris de cela, « mais ça m’impressionne quand même. C’est vraiment beau à voir ».

L’Afrique : 2000 km de vélo et cinq sommets en 25 jours

La seconde étape de la Route des sommets s’est déroulée à l’automne 2023. Cette fois, les Mousquetons se sont attaqués aux cinq plus hauts sommets d’Afrique. « Si on compte entre le premier sommet du mont Speke [en Ouganda, 4890 mètres d’altitude, ndlr] et le dernier sommet du Kilimandjaro [en Tanzanie, 5891 mètres d’altitude, ndlr], nous avons accompli l’exploit de grimper cinq immenses montagnes et de parcourir 2000 km de vélo sur les terres exigeantes de l’Afrique en seulement 25 jours ! C’est un exploit sportif, de dépassement et de résilience ! »

En chemin vers un sommet : traversée de la jungle dans la boue pendant la saison des pluies en Afrique. (photo 3 Mousquetons)

Tout comme en Amérique du sud, les aventuriers ont foncé, sans prendre de jour de repos entre les ascensions et les distances à parcourir à vélo. Ils ont même accompli l’exploit de gravir les trois sommets situés à la frontière de l’Ouganda en l’espace de trois jours malgré une tempête de neige entre le deuxième et le troisième jour. Ils étaient ensuite fatigués, mais ils n’ont pas repris de forces après ces trois ascensions de 4843, 4890 et 5109 mètres d’altitude : ils n’avaient tout simplement pas emporté assez de nourriture pour se le permettre.

Troisième sommet en l’espace de trois jours ! (photo 3 Mousquetons)
Une épreuve d’escalade du Mont Kenya. (3 Mousquetons)

Les Mousquetons ont accompli un autre exploit pour l’ascension de leur cinquième sommet : le Kilimandjaro. À 5805 mètres d’altitude, cette montagne ne représente pas un gros défi technique comme le Mont Kenya avec sa paroi rocheuse de 600 mètres.

Très prisé des randonneurs, le Kilimandjaro se monte et se descend généralement en l’espace d’une semaine. Mais pour nos deux aventuriers, déjà acclimatés à l’altitude, la montée et la descente leur ont pris à peine 24h ! Après une montée de 18h jusqu’au sommet, ils sont redescendus… en courant, avec l’euphorie d’avoir réussi leur défi sur un deuxième continent.

« De voir les centaines de touristes ébahis par notre vitesse m’a fait réaliser pour l’une des premières fois que j’étais différent », se souvient Éloi.

Éloi et Jean-Christophe au sommet du Kilimandjaro, fin de la partie « Afrique » de la Route des sommets. (photo 3 Mousquetons)

Bénévolat auprès de personnes à mobilité réduite

Entre les grosses expéditions de la Route des sommets, Éloi et Jean-Christophe profitent de chaque occasion pour vivre toutes sortes d’aventures. La prochaine est prévue pour l’été 2024, avec l’organisme Réseau autonomie santé qui invite des personnes à mobilité réduite à des activités de plein air.

C’est ainsi que les Mousquetons vont participer à la course de la Diagonale des fous à la Réunion en se relayant pour porter Samuel, un jeune homme qui souffre de dégénérescence musculaire. L’idée, « c’est de permettre de faire vivre à une personne qui n’en aurait pas les moyens par lui-même une aventure, une expérience hors du commun que même les gens normaux, sans handicap, ne vivent pas », explique Jean-Christophe, qui est par ailleurs moniteur de para-escalade.

« C’est comme faire du bénévolat, mais ce n’est pas du bénévolat », se réjouit le jeune sportif. « Moi, je vais m’amuser. C’est le meilleur des deux mondes. »

Une autre grande aventure attend le jeune homme : il va devenir papa très prochainement. Le troisième volet de la Route des sommets est donc prévue pour 2025.

Les 3 Mousquetons risquent de se retrouver à quatre pour une partie de l’aventure puisqu’ils prévoient de se lancer à la conquête des plus hauts sommets d’Amérique du Nord, qui se trouvent en Alaska, au Yukon… et au Mexique. Il leur faudra pédaler environ 10.000 km entre le nord et le sud, c’est donc sur une portion à vélo que la maman se joindra à l’aventure avec le bébé si la tendance se maintient.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces sympathiques aventuriers qui vont avoir bien d’autres histoires à raconter dans le futur. Suivez-les sur leur page Facebook ou Instagram 3 Mousquetons.

Les Mousquetons sur la ligne de l’équateur en Afrique. (3 Mousquetons)

Le mot de la fin revient à Éloi Larrivée : « Je connais les risques. Reb et moi avons payé le prix fort, mais c’est le prix de la liberté, c’est le prix pour rêver grand. Vivre au risque de mourir. »

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