La bataille n’est pas terminée pour les agriculteurs néerlandais

"Chacune de mes vaches est enregistrée dans leur système"

Par Nathan Worcester
10 novembre 2022 10:58 Mis à jour: 10 novembre 2022 11:09

Pendant l’été 2022, des manifestations se sont déclarées aux Pays‑Bas en réponse aux projets du gouvernement de réduire les émissions d’azote provenant des exploitations agricoles. Dans certains cas, les taux de réduction attendus sont de 95%.

Déjà à l’époque, les autorités avaient reconnu que cela impliquerait une réduction drastique des têtes de bétail dans tout le pays, notamment près des zones protégées dans le cadre du réseau Natura 2000 de l’Union européenne. Ces mesures permettraient, selon les autorités, de limiter les émissions d’ammoniac et d’oxydes d’azote. La présence de ces gaz serait responsable de la modification de la vie végétale dans ces zones.

Les agriculteurs bloquent l’autoroute A35 avec des tracteurs pour protester contre les réformes du gouvernement en matière d’azote, près d’Almelo, le 28 juillet 2022. (SEM VAN DER WAL/ANP/AFP via Getty Images)

Le gouvernement néerlandais prédit en conséquence qu’un nombre important d’exploitations agricoles n’auront d’autre choix que de cesser leur activité, comme le précise un rapport du département américain de l’Agriculture. En octobre, les agriculteurs ont répondu avec hostilité au dernier projet de loi du médiateur du gouvernement, Johan Remkes. Certains agriculteurs ont décidé de maintenir la pression.

En septembre, Roman Balmakov, d’Epoch Times, s’est rendu aux Pays‑Bas et s’est entretenu avec plusieurs agriculteurs dans le cadre de son nouveau documentaire, Eat the Bugs [Manger les insectes]. Ceux‑ci ont témoigné des défis auxquels leur secteur est confronté sous la pression du gouvernement néerlandais et de l’UE. Selon eux, les autorités cherchent à modifier la façon de s’alimenter et de produire de la nourriture de la population, et sont soutenus par des groupes puissants.

« Tous les agriculteurs ne sont pas en mesure de passer au bio »

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Jan-Hein et Sandra Nikkels, agriculteurs bio néerlandais, le 28 septembre 2022. (Epoch Times)

Jan‑Hein et Sandra Nikkels sont des agriculteurs bio. Ils n’utilisent ni pesticides ni engrais, et cherchent à limiter le recours au fumier.

Leur exploitation compte des milliers de poules pondeuses et 200 vaches laitières. Les animaux de leur élevage ont plus d’espace qu’ils n’en auraient dans la plupart des fermes non bio. Les bêtes ont également la possibilité d’être en extérieur.

« Ce n’est pas forcément facile de faire de l’agriculture [biologique], mais ça nous plaît », déclare Jan‑Hein à Balmakov lors d’une interview le 28 septembre.

Sandra ajoute : « Il faut davantage travailler selon la météo. »

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Poulets en liberté élevés par Jan-Hein et Sandra Nikkels. (Epoch Times)

En 2020, l’UE s’est lancée dans une stratégie ambitieuse appelée « De la ferme à la table » qui vise à ce qu’en 2035 l’utilisation de pesticide soit réduite de 50% et que 25% des exploitations soient bio.

Jan‑Hein et Sandra ne sont pas convaincus que de telles ambitions concernant l’agriculture biologique soit réaliste.

« Tous les agriculteurs ne sont pas en mesure de le faire. Tout le monde n’a pas le terrain nécessaire autour de sa ferme pour permettre aux poulets ou aux vaches de vivre en extérieur », déclare Sandra.

Selon elle, il est surtout important de convaincre les consommateurs d’acheter leurs œufs localement, même s’ils ne sont pas bio. Le bio ne doit être qu’une option parmi d’autres. En tous cas pour le moment, explique‑t‑elle.

« C’est au consommateur de décider s’il veut acheter des produits bio. Et si le marché est déjà là, alors la transition peut se faire. Mais quand je vais au supermarché je veux pouvoir avoir le choix. Personnellement, nous voulons du bio, mais tout le monde ne peut pas se le permettre. »

Jan‑Hein souligne que l’agriculture biologique n’est pas toujours idéale d’un point de vue environnemental.

Bien qu’ils soient agriculteurs bio, ils ne sont pas à l’abri du projet de loi sur la réduction des têtes de bétails. Selon Sandra, près de la moitié de leur cheptel sera dans le collimateur du gouvernement.

« Personne ne sait », déclare‑t‑elle, comment ces politiques vont être mises en place. Il n’est pas impossible, pense‑t‑elle, que les autorités cherchent à ce que beaucoup d’entre eux cessent leur activité.

« Tout vient d’en haut, et il n’y a rien qui vient d’en bas. »

Ce n’est pas la première fois que leur exploitation se sacrifie et diminue au nom des émissions d’azote. Jan‑Hein et Sandra ont déjà réduit le nombre de leur poules de 90% au cours des vingt dernières années.

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Tous deux sont convaincus qu’en réalité cette politique du gouvernement en matière d’azote n’est pas motivée par des considérations environnementales. Comme beaucoup dans le pays, ils pensent que l’État cherche surtout à acquérir des terres pour y construire des logements et d’autres infrastructures de ce type.

« [Les agriculteurs] prennent soin de l’environnement et des paysages. Si vous leur enlevez cela, vous allez pouvoir construire des maisons et des autoroutes, mais ce n’est pas bon pour la nature », avance‑t‑elle.

Comme pour beaucoup de fermes néerlandaises, la terre appartient à la famille Hein depuis des générations. Le grand‑père de Jan a commencé à travailler la terre en 1906. Ils estiment que la pression exercée sur leur secteur décourage la génération suivante. « Les jeunes agriculteurs abandonnent », reconnait Jan Hein.

Il pourrait même s’avérer difficile de compenser toutes ces pertes, même pour les jeunes qui s’installent et rêvent de continuer cette belle tradition d’une agriculture efficace et innovante dans le pays.

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« Lorsque vous n’avez pas de ferme dans votre famille, il est presque impossible d’en créer une », déclare Sandra.

Tous deux espèrent que le gouvernement donnera aux exploitants la possibilité de proposer une solution, au lieu d’imposer des règles en aval.

Le gouvernement crée des problèmes « à chaque instant »

D’après ce qu’il en sait, Robbin représente la sixième génération d’agriculteurs de la famille Voorend. En 2017, il a repris l’exploitation de ses parents. Aujourd’hui, son exploitation compte 58 vaches qui produisent en une année près de 500.000 litres de lait.

« En général, je fais la traite deux fois par jour, parce que nous utilisons encore les méthodes traditionnelles », déclare t‑il à Balmakov dans une interview du 30 septembre. Il a des problèmes avec le gouvernement « à chaque instant ». Les soucis qu’il gère actuellement remontent au mois de mars de 2017, quand le gouvernement lui a demandé de se débarrasser de 12 vaches.

« Chaque vache est enregistrée dans le système, donc ils savent combien j’en ai », explique‑t‑il.

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Robbin Voorend  (Epoch Times)

En 2017, dans le cadre de son programme de réduction des phosphates, le gouvernement lui a donc fait cette demande. à cette époque, aux États‑Unis, le département de l’Agriculture  s’empressait de saluer ces mesures néerlandaises. Selon les termes du département, il s’agissait d’un effort louable du gouvernement pour fixer des « limites à la production laitière néerlandaise ». À noter que M. Voorend avait dépassé les quotas fixés par les autorités sur la base de chiffres obsolètes, établis l’année précédente.

Ce système est rapidement devenu de plus en plus onéreux. Finalement, il a été contraint d’acheter des droits de phosphate à un autre agriculteur.

« J’ai dépensé une fortune pour garder ces vaches que j’avais à l’époque. »

Le dernier plan du gouvernement concernant les émissions d’azote l’obligerait à réduire son cheptel de 90 à 95%.

Selon lui, le gouvernement ne cherche pas vraiment de solutions technologiques aux émissions d’azote de l’agriculture.

M. Voorend est toujours plus démotivé à investir dans son exploitation, notamment quand il est question de devoir acheter des droits d’émissions. Les banques se montrent réticentes face aux risques que représente l’agriculture, cette nouvelle politique sur l’azote n’étant pas encore fixée.

« Je comprends ça aussi. Ce n’est pas étonnant, » déclare‑t‑il.

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Face au rythme imposé par la classe dirigeante et les institutions pour imposer le « progrès » agricole, qui veulent des coupes franches dans l’élevage, M. Voorend reste sceptique. Selon lui, éliminer les terres agricoles productives au profit de la nature pourrait finalement avoir des effets pervers.

« La population mondiale n’arrête pas d’augmenter. Il va donc falloir de [la nourriture] ».

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