La Chine et la Russie ne sont pas vraiment des alliés

Par Antonio Graceffo
25 octobre 2021 21:44 Mis à jour: 10 novembre 2021 06:32

La relation entre Xi Jinping et Vladimir Poutine repose largement sur la volonté commune de contrer les États-Unis, sans pour autant faire de la Chine et de la Russie des alliés. À long terme, il est peu probable que la Russie veuille devenir une puissance subordonnée à un axe global dominé par la Chine.

Le média d’État chinois Global Times a publié un article intitulé « La Chine n’a pas d’alliés, mais elle a des amis grâce à une diplomatie de partenariat. » La Corée du Nord est le seul allié officiel de la Chine. D’autres pays soutiennent le Parti communiste chinois (PCC) lorsque cela sert leurs intérêts, comme l’Iran, le Cambodge, le Pakistan et surtout la Russie, mais leurs objectifs et leurs aspirations sont très différents, de sorte que la Chine et la Russie ne pourront pas devenir une entité unifiée au sens du bloc soviétique pendant la guerre froide.

Début octobre, une flotte de dix navires de guerre chinois et russes a traversé le détroit de Tsugaru, situé entre l’île principale du Japon et Hokkaido. Techniquement, les navires se trouvaient dans les eaux internationales et aucune loi n’a été enfreinte, mais le message était clair. La fréquence des exercices militaires conjoints Chine-Russie n’a cessé d’augmenter ces derniers temps.

De nombreux experts estiment que la coopération militaire entre la Chine et la Russie n’est pas le résultat d’une véritable alliance, mais simplement d’une position commune contre les États-Unis. Et comme l’opinion mondiale se retourne contre la Chine, il semble exister une distance politique entre les deux pays. La coopération économique a également augmenté, mais elle est largement unilatérale, la Chine étant le bailleur. Les deux pays n’ont pas besoin de défendre leur frontière commune, ce qui leur permet de consacrer davantage de ressources à d’autres objectifs stratégiques.

La relation entre la Russie et la Chine est extrêmement complexe, mais la Russie est confrontée aux mêmes problèmes que les autres pays. La Russie a perdu au moins 200 000 citoyens à cause du virus Covid-19. Par ailleurs, le Kremlin est mécontent de voir le PCC recruter des citoyens russes comme espions et utiliser les instituts Confucius pour faire de la propagande et de l’espionnage. Tout comme en Occident, les médias chinois sont autorisés en Russie, alors que la plupart des médias russes sont interdits en Chine.

Le PCC a parfois utilisé sa diplomatie du « loup guerrier » contre la Russie, laissant entendre que les ennemis et les amis supposés du régime chinois seront soumis à des tactiques d’intimidation.

La Russie n’a pas non plus été d’un grand soutien pour l’Initiative ceinture et route (ICR) lancée par la Chine, en particulier en Asie centrale, où la Russie a généralement joui d’une plus grande puissance et influence. L’ICR a déjà fait disparaître l’Union économique eurasienne (UEE) dirigée par la Russie. Xi Jinping qualifie la Chine de « puissance proche de l’Arctique », empiétant ainsi sur un domaine supplémentaire où la Russie a historiquement été la première puissance.

Le dirigeant chinois Xi Jinping (à gauche) et le président du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokayev passent en revue une garde d’honneur lors d’une cérémonie de bienvenue au Grand Hall du Peuple à Beijing, le 11 septembre 2019. (Mark Schiefelbein/AFP via Getty Images)

Si la Chine et la Russie venaient à se rapprocher trop étroitement, une course aux armements moderne, rappelant l’époque de la guerre froide, pourrait se développer. Le seul accord limitant la prolifération des armes entre les États-Unis et la Russie encore en vigueur est le nouveau traité de contrôle des armes stratégiques (New START), qui expirera en 2026. Luo Xi, chargé de recherche à l’Association chinoise de contrôle des armements et du désarmement, craint que la Chine soit entraînée dans une course aux armements nucléaires qui opposerait les États-Unis et la Russie.

En 2020, la Chine a dépensé 252 milliards de dollars pour la défense, soit une augmentation de 6,6 % par rapport à l’année précédente. En outre, Pékin prévoit de dépenser 209 milliards de dollars en 2021. La Chine et les États-Unis sont déjà des concurrents féroces sur le marché mondial des semi-conducteurs, l’un des éléments technologiques indispensables à la fabrication de nombreuses armes du 21e siècle. La Chine devrait dépenser entre 12,3 et 15,3 milliards de dollars en puces cette année.

Le PCC a publié des objectifs destinés à moderniser l’armée chinoise et à supplanter les États-Unis en tant que force militaire dominante au cours des deux prochaines décennies. Comme les États-Unis dépensent déjà plus que la Chine en matière de défense, dans un rapport d’environ trois pour un, la Chine devra augmenter considérablement ses investissements si elle veut atteindre cet objectif. Se laisser entraîner dans une course aux armements nucléaires entre les États-Unis et la Russie exigerait encore plus de dépenses.

On pense que la Chine est déjà en train de développer son arsenal nucléaire à un rythme accéléré. Officiellement, la Chine applique une politique de « non-utilisation en premier » et se concentre sur des stratégies permettant d’absorber une attaque et de riposter ensuite. À cette fin, le régime a développé des missiles hypersoniques. Des photos satellites ont révélé la présence de centaines de silos à missiles nucléaires dans la région du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine. Selon un rapport du Pentagone, la Chine s’apprête à doubler son stock de missiles nucléaires.

La Russie est l’ami le plus important et le plus puissant de la Chine, mais compte tenu des antécédents historiques, on peut douter de sa véritable qualité d’allié. Entre les années 1920 et 1940, Joseph Staline a, à plusieurs reprises, fait volte-face pour soutenir les nationalistes du Kuomintang aux dépens du Parti communiste chinois. En 1969, les deux pays ont même été impliqués dans un conflit frontalier lors de la bataille sur l’île de Zhenbao.

De véritables alliés devraient généralement signer une sorte de pacte de défense, mais la Russie et la Chine n’ont conclu aucun traité de défense mutuelle. La Russie vend des armes à l’Inde et au Vietnam, qui ont tous deux été impliqués dans des conflits armés avec la Chine. Récemment, peu après l’une des récentes escarmouches frontalières entre la Chine et l’Inde, la Russie a annulé un contrat de vente de missiles à Pékin.

L’Inde est un allié des États-Unis et un membre du Dialogue de sécurité quadrilatéral (le Quad), un accord mené par les États-Unis pour tenter de contenir la Chine. L’Inde a jugé avantageux de coopérer avec la Russie pour lutter contre le terrorisme en Afghanistan, une relation qui a rendu Pékin et Islamabad nerveux.

De nombreux experts, comme Alexander Lukin, auteur de China and Russia : The New Rapprochement (Chine et Russie : Le nouveau rapprochement), estiment que les relations Chine-Russie ont déjà atteint leur apogée. Pour que les relations se renforcent et se transforment en un bloc politique, il faudrait que la Russie accepte d’être subordonnée à la Chine. Si les vents et les alliances politiques en Russie ont changé au fil des années, il y a une chose qui est restée constante : La Russie ne veut être subordonnée à personne.

Antonio Graceffo, docteur en philosophie, a passé plus de 20 ans en Asie. Il est diplômé de l’Université des sports de Shanghai et titulaire d’un Master en administration des affaires de l’Université Jiaotong de Shanghai. M. Graceffo travaille comme professeur d’économie et analyste de l’économie chinoise, et écrit pour divers médias internationaux. Parmi ses ouvrages sur la Chine, citons « Beyond the Belt and Road : China’s Global Economic Expansion » (Au-delà de la ceinture et route : L’expansion économique mondiale de la Chine ) et « A Short Course on the Chinese Economy » (Un bref exposé sur l’économie chinoise).


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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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