La Chine et la Russie sont-elles en train de fomenter une famine mondiale ?

Les chaînes d'approvisionnement alimentaire mondiales sont-elles transformées en arme par ses deux pays ?

Par James Gorrie
30 avril 2022 17:43 Mis à jour: 5 mai 2022 08:40

Malgré d’importants revers militaires, la Chine continue à soutenir pleinement l’invasion russe en Ukraine. Diverses raisons poussent Pékin à agir ainsi. Globalement, les deux nations autoritaires œuvrent ensemble pour remodeler l’ordre mondial.

En d’autres termes, Pékin et Moscou ont pris conscience que l’avantage militaire terrestre ou maritime n’était pas indispensable pour influencer voire contrôler le cours de l’histoire. Il suffit d’avoir la main mise sur l’approvisionnement alimentaire mondial.

Vue sous cet angle, l’invasion de l’Ukraine par la Russie prend une tout autre dimension.

Officiellement, l’attaque de Moscou contre son voisin est une réaction défensive face à la présence étouffante de l’OTAN. Que ce soit réellement le cas ou pas n’exclut en rien la possibilité d’une stratégie sous-jacente, aux enjeux bien plus conséquents. On note, par exemple, que l’invasion place Moscou dans une position très avantageuse dans l’approvisionnement mondial en céréales.

Avant l’invasion, la Russie et l’Ukraine produisaient environ un tiers des exportations mondiales de blé, ce qui n’est plus le cas désormais. La Russie a détruit une grande partie de la capacité d’exportation de l’Ukraine sans même prendre le contrôle des champs de blé. Elle l’a fait en détruisant une grande partie de l’infrastructure d’exportation de l’Ukraine, notamment les ports du sud. En conséquence, environ 80 % des exportations de céréales ukrainiennes ont cessé ou ont été réduites à un filet d’eau.

Du grain est versé d’une moissonneuse-batteuse dans un tracteur dans le village de Mala Divytsa, en Ukraine, le 27 juillet 2015. (SERGEI SUPINSKY/AFP via Getty Images)

L’impact des hausses de prix qui en résultent est actuellement limité au Moyen‑Orient, à l’Afrique du Nord et à certains marchés asiatiques, du moins pour le moment. Mais les effets sur les prix pourraient se propager bien plus loin sur les marchés mondiaux.

Cela semble placer la portée de l’invasion dans un contexte stratégique beaucoup plus large.

La politique de famine de la Russie

Mettre à profit la famine pour faire avancer ses ambitions politiques et militaires n’est en rien une nouveauté pour Moscou et Pékin. Les deux nations ont régulièrement soumis des millions de personnes et des régions entières à la famine.

Dans le cas de la Russie, Moscou a provoqué une famine, connue sous le nom de Holodomor, contre les Ukrainiens pendant l’ère soviétique au début des années 1930. Joseph Staline a imposé son idéologie communiste à certains des agriculteurs les plus productifs. La collectivisation forcée a entraîné des dérèglements et de graves pénuries, le tout à l’avantage du pouvoir croissant de Moscou.

En bref, Staline a pris le contrôle de l’approvisionnement alimentaire en Ukraine afin d’appliquer la politique de la famine. Il a délibérément affamé près de sept millions d’Ukrainiens pour imposer l’agriculture collectivisée et supprimer le nationalisme. La famine a été suivie par une oppression continue du peuple ukrainien par les Russes.

Cette histoire contribue à expliquer le niveau élevé de résistance du peuple ukrainien actuellement. Les Ukrainiens savent de quoi Moscou est capable.

La famine chinoise par idéologie

La Chine a elle aussi une longue histoire de famine.

Les pénuries alimentaires qui ont frappé la Chine communiste au 20e siècle étaient le résultat direct de la collectivisation forcée et d’autres politiques idéologiques imposées au peuple par le Parti communiste chinois (PCC).

À l’instar de la collectivisation forcée des producteurs de céréales ukrainiens par Staline, le prétendu « Grand Bond en avant » de Mao Zedong, de 1958 à 1962, a également imposé la collectivisation des fermes. La production, la récolte et la distribution des denrées alimentaires, tout s’est effondré.

Des employés de l’hôtel Shin Chiao de Pékin construisent un petit fourneau à acier rudimentaire dans la cour de l’hôtel (à l’arrière-plan) en octobre 1958, pendant la période du « Grand bond en avant » (1958-1962). La famine qui s’ensuivra fera 30 millions de victimes. (Jacuet Francillon/AFP via Getty Images)

Cette politique a entraîné la mort par famine de plus de 30 millions de Chinois, soit 1 habitant sur 20. Cela reste le plus grand désastre de l’histoire causé par l’homme et totalement évitable.

Une famine mondiale ?

Aujourd’hui, alors que la guerre en Ukraine se poursuit, Moscou et Pékin sont peut-être en train de fomenter une autre famine, d’ampleur mondiale cette fois-ci. Que la Russie et la Chine tentent d’obtenir une telle influence ne devrait surprendre personne. Les deux nations remettent ouvertement en question l’ordre mondial actuel.

Qui plus est, le détournement des chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales constitue une équation aussi simple qu’efficace. En tant que premier exportateur mondial de blé et parmi les premiers exportateurs d’orge, la Russie profite d’un marché céréalier mondial plus serré et de la hausse des prix.

De l’autre côté du calcul, la Chine joue également un rôle important en tant que premier importateur mondial de denrées alimentaires. D’une part, elle fournit à la Russie, qui fait l’objet de sanctions et d’embargos commerciaux de la part de l’Occident, un marché dont elle a grand besoin pour ses céréales.

Mais ce n’est qu’un début.

Le pouvoir de la Chine sur les chaînes d’approvisionnement alimentaire

Le pouvoir croissant de la Chine en matière d’approvisionnement alimentaire a été considérablement renforcé par son expansion dans les principaux pays producteurs de denrées alimentaires au cours des dix dernières années environ. Grâce à son importante acquisistion de terres agricoles en Afrique, en Amérique latine et même aux États-Unis, Pékin peut tirer parti de sa position stratégique de principal fournisseur de denrées alimentaires dans le monde.

Dans le même temps, nous savons que la Chine accumule de grandes réserves de nourriture et thésaurise divers types de denrées alimentaires, de sorte que l’approvisionnement alimentaire mondial est soumis à une hausse des prix.

Dans sa volonté d’exercer un contrôle accru sur le reste du monde, rien n’empêche Pékin de bloquer tout simplement la nourriture des autres nations.

Réduire les denrées alimentaires ou d’autres produits essentiels, comme le gaz naturel ou le pétrole, n’est en rien une stratégie nouvelle pour les gouvernements russe ou chinois. Ces gouvernements sont passés maîtres dans la limitation de l’approvisionnement alimentaire de leur population, ou de leurs ennemis (car ils ne font qu’un).

Et les deux régimes sont dirigés par des despotes animés par des ambitions mondiales.

Est-il possible que l’enjeu ukrainien dépasse l’OTAN ?

Est-il raisonnable de supposer que la Russie et la Chine coordonnent une politique de contrôle alimentaire afin d’étendre leur pouvoir et leur influence ?

Y aura-t-il davantage de pénuries alimentaires, et non moins, dans un avenir proche ?

Tout est possible dans le plan soigneusement établi par Moscou et Pékin.

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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