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La Chine et les 100 premiers jours de Donald Trump : réorganiser l’échiquier mondial

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Photo: Freepik

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Durée de lecture: 21 Min.

Le président américain Donald Trump a adopté une ligne dure envers la Chine dès les trois premiers mois de son second mandat, s’éloignant ainsi des politiques de son prédécesseur et même de ses propres politiques lors de son premier mandat.
Son premier mandat avait marqué un changement significatif par rapport à la politique sino-américaine menée depuis des décennies, qui visait une coopération économique avec Pékin – dans l’espoir de créer les conditions de réformes politiques du pays communiste.
Reconnaissant la futilité de cette approche, la première administration Trump avait adopté une position plus ferme à l’égard de la Chine, imposant des droits de douane sur les produits chinois afin de rétablir des conditions de concurrence équitables et mettant en œuvre des contrôles à l’exportation pour maintenir l’avance américaine dans les technologies de pointe. L’administration Biden avait d’ailleurs adopté une approche similaire et avait même renforcé certaines de ces mesures dans certains secteurs et produits.
Durant son mandat actuel, Donald Trump met la barre encore plus haut.
Plutôt que de réagir aux initiatives de la Chine, il réorganise proactivement l’échiquier, selon Christopher Balding, chercheur principal au sein du groupe de réflexion britannique Henry Jackson Society.
Il utilise les droits de douane pour ouvrir la voie à un changement radical et « crée un bloc commercial mondial de pays alliés contre la Chine », a déclaré M. Balding, également contributeur à Epoch Times.
La stratégie vis-à-vis de la Chine ne concerne plus seulement les contrôles à l’exportation sur les technologies de pointe et les sanctions contre les entreprises chinoises ayant des liens militaires. L’administration Trump aurait également demandé à d’autres pays de réduire leurs liens commerciaux et économiques avec la Chine en échange de réductions de droits de douane.
Les décisions de M. Trump à l’égard de la Chine ne visent pas seulement à corriger les déséquilibres commerciaux, selon Yeh Yao-Yuan, professeur d’études internationales à l’université de St. Thomas à Houston. Selon lui, le président américain utilise les droits de douane et le commerce pour affaiblir l’influence mondiale du Parti communiste chinois (PCC).
Le PCC est conscient de ce défi sans précédent – les médias d’État chinois ont qualifié le conflit tarifaire sino-américain de « bataille pour le destin national ».
C’est la raison sous-jacente pour laquelle le régime chinois est le seul à augmenter ses droits de douane de représailles contre les États-Unis sur plusieurs cycles, selon Mike Sun, un homme d’affaires basé aux États-Unis qui a plusieurs dizaines d’années d’expérience dans le conseil auprès d’investisseurs et d’entrepreneurs travaillant en Chine. Il préfère utiliser un pseudonyme pour se protéger des représailles du régime.
Actuellement, un droit de douane américain de 145 % s’applique à tous les produits chinois. Certains produits, comme les véhicules électriques et les seringues, sont soumis à des prélèvements allant jusqu’à 245 % en raison de droits de douane imposés avant le second mandat de M. Trump. Les produits américains sont soumis à un droit de douane de 125 % lorsqu’ils sont exportés vers la Chine.
Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, lors d’un événement à huis clos le 22 avril, a déclaré qu’il s’attendait à une désescalade des deux côtés dans un « très proche avenir ». Le lendemain, il rappelait aux journalistes que les États-Unis n’avaient offert aucune concession unilatérale.
Le président américain a confirmé que Pékin avait pris contact pour négocier et que des pourparlers étaient en cours. Il a réfuté les affirmations du régime chinois selon lesquelles les deux parties ne communiquaient pas.
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L’emblème national chinois au fond alors que des délégués et des agents de sécurité se rassemblent à l’entrée de l’auditorium avant la cérémonie de clôture de l’Assemblée nationale populaire au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 11 mars 2024. (Kevin Frayer/Getty Images)

Le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré qu’il fallait faire preuve de respect avant de commencer toute négociation commerciale. Selon Mike Sun, ce type de langage de la part du PCC est une façon de dire aux États-Unis qu’ils ne pourront pas restreindre la montée en puissance et le développement de la Chine.
Étant donné que l’impasse tarifaire actuelle est un symptôme du conflit sino-américain plus large, plutôt que la cause, les trois experts ne voient pas beaucoup de marge pour des négociations significatives pour l’une ou l’autre des parties.
Ils ne s’attendent pas à ce que Donald Trump suspende son offensive contre la Chine pendant les négociations commerciales.
Cibler les Nouvelles Routes de la Soie du PCC
En sus de la guerre commerciale, l’administration Trump a décidé de s’attaquer à l’influence du PCC sur le canal de Panama.
« La Chine exploite le canal de Panama. Et nous n’avons pas donné [le canal] à la Chine », a déclaré Donald Trump lors de son discours d’investiture en janvier. « Nous l’avons donné au Panama, et nous le reprenons. »
Cette voie navigable est un point de passage stratégique qui joue un rôle crucial dans les activités militaires et économiques américaines, servant de passage vital pour les navires de guerre et le fret entre les océans Atlantique et Pacifique.
En s’attaquant à Panama, l’administration a également commencé à s’attaquer aux Nouvelles Routes de la Soie maritimes du régime, a déclaré Mike Sun à Epoch Times.
Les Nouvelles Routes de la Soie maritimes sont une composante de l’initiative « la Ceinture et la Route » de Pékin, également connue sous le nom de « Une ceinture, une route », le programme phare de politique étrangère du dirigeant chinois Xi Jinping. Il a lancé cette initiative en 2013, sa première année à la tête du Parti.
Pékin utilise l’initiative « la Ceinture et la Route » pour étendre son influence économique et militaire par le développement d’infrastructures mondiales.
Environ 80 % des membres de l’ONU, soit 152 pays, ont signé des mémorandums d’accord pour cette plateforme géopolitique, selon le régime chinois.
En 2017, quelques mois après avoir rompu ses liens diplomatiques avec Taïwan, le président panaméen Juan Carlos Varela s’est rendu à Pékin. Lors d’une rencontre avec Xi, il a signé des accords relatifs à l’initiative « la Ceinture et la Route », faisant de son pays le premier d’Amérique latine à rejoindre le programme.
Avec Panama comme base, Pékin a étendu la plateforme « la Ceinture et la Route » à plus d’une douzaine de pays d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale et des Caraïbes. Xi Jinping a également visité le canal de Panama en 2018.
Le PCC a également cherché à étendre son influence dans les pays du Sud, en particulier dans les pays en développement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, selon Michael Shoebridge, fondateur et directeur du groupe de réflexion Strategic Analysis Australia.
Il a déclaré à Epoch Times que la voie empruntée par Pékin pour établir sa version de l’ordre mondial consiste à dominer économiquement les pays du Sud.
« Un partenariat sécuritaire, stratégique et politique en découle naturellement », dit-il.
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Le président panaméen de l’époque, Juan Carlos Varela, s’entretient avec le dirigeant chinois Xi Jinping (non visible sur la photo) au Grand Palais du Peuple à Pékin le 17 novembre 2017. M. Varela a rencontré Xi Jinping un jour après l’ouverture par le Panama de sa première ambassade en Chine, cinq mois après avoir rompu ses liens avec Taïwan. (Jason Lee/AFP via Getty Images)

Aujourd’hui, l’influence du PCC à Panama est en train d’être démantelée.
Le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, s’est rendu à Panama lors de son premier voyage à l’étranger en février. Après sa rencontre avec M. Rubio, le président panaméen José Raúl Mulino a annoncé que son pays ne renouvellerait pas son accord relatif à l’initiative « la Ceinture et la Route ».
« Nous allons étudier la possibilité de savoir si cela peut être terminé plus tôt ou non », avait déclaré M. Mulino le 2 février. « Je pense que son renouvellement est prévu dans un ou deux ans. »
Le Panama, premier pays d’Amérique latine à avoir rejoint l’initiative « la Ceinture et la Route », sera également le premier à s’en retirer.
La société hongkongaise CK Hutchinson contrôle les ports aux deux extrémités du canal de Panama, suscitant l’inquiétude de certains experts quant à la possibilité que le régime chinois exerce un contrôle sur le canal, en particulier en cas de conflit.
Début mars, un consortium d’entreprises américaines dirigé par BlackRock a conclu un accord avec CK Hutchinson pour acquérir les droits d’exploitation de leurs ports à chaque extrémité du canal de Panama.
Le 28 mars, les autorités chinoises ont ouvert une enquête sur cet accord, le suspendant de facto.
Outre le canal de Panama, la Commission maritime fédérale américaine a identifié d’autres points de passage maritimes mondiaux stratégiques et a lancé un examen à leur sujet. Il s’agit notamment du passage du Nord-Est, de la Manche, du détroit de Malacca, du détroit de Singapour, du détroit de Gibraltar et du canal de Suez.
Parmi les sept points de passage stratégiques, des entreprises publiques chinoises ou des entreprises chinoises exploitent des ports dans cinq d’entre eux, selon l’Institut Mercator pour les études sur la Chine. Bien que Pékin n’exploite aucun port le long du passage du Nord-Est, il détient d’importants projets portuaires dans la région plus large de la Manche et de la mer du Nord.
L’administration Trump a également pris des mesures terrestres.
Lors de la visite d’État du Premier ministre indien, Narendra Modi, en février, la Maison-Blanche a annoncé un pacte visant à faire progresser la coopération commerciale et de défense entre les deux pays, y compris de nouveaux investissements dans le corridor Inde–Moyen-Orient–Europe, une initiative lancée sous l’administration Biden dans le cadre du programme d’infrastructure américain conçu pour contrer l’initiative « la Ceinture et la Route ».
Le corridor relie l’Inde à Chypre et à la Grèce, en passant par Israël, l’Italie et la France. Il concurrencera la route maritime actuelle via le canal de Suez.
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Le secrétaire d’État américain Marco Rubio (4e à g.) s’entretient avec l’administrateur de l’Autorité du canal de Panama, Ricaurte Vasquez (à g.), lors d’une visite des écluses de Miraflores à Panama City le 2 février 2025. Rubio s’est rendu à Panama lors de son premier voyage à l’étranger en tant que secrétaire d’État. (Mark Schiefelbein/POOL/AFP via Getty Images)

M. Rubio, dans une interview accordée à Breitbart News en février, a déclaré que l’administration Trump adoptait une posture offensive contre la Chine.
« Dans la direction où nous allions, nous allions nous réveiller un jour et réaliser que les Chinois installaient des bases navales dans l’hémisphère occidental d’où ils allaient pouvoir nous menacer. Nous allions nous réveiller et réaliser qu’ils étaient le principal partenaire commercial de tous les pays qui sont nos voisins », a-t-il déclaré.
L’administration Trump « commence à inverser tout cela », a-t-il dit.
Les actions de M. Trump ont déjà mis Xi Jinping sur la défensive, a déclaré M. Balding.
M. Xi a tenu une conférence de deux jours avec le Politburo du Parti communiste début avril, soulignant la nécessité de « construire une communauté avec un avenir partagé pour les pays voisins », selon l’agence de presse chinoise Xinhua. Outre les plus hauts fonctionnaires du Parti, les ambassadeurs chinois dans les pays asiatiques et auprès des Nations unies ont également assisté à la réunion en personne.
La dernière fois que le PCC a tenu une réunion de ce type, c’était il y a 12 ans, peu après le lancement de l’initiative « la Ceinture et la Route » par Xi Jinping.
En avril, il s’est également rendu au Cambodge, en Malaisie et au Vietnam pour faire avancer divers projets liés à l’initiative « la Ceinture et la Route », notamment des chemins de fer, des ports et l’intelligence artificielle.
« 30 secondes dans un film de 3 heures »
La nouvelle approche de M. Trump à l’égard du régime chinois n’est pas sans risques et défis, selon les experts. L’alignement des autres pays sur les États-Unis ou la Chine aura une incidence sur le leadership mondial.
M. Shoebridge estime que les droits de douane imposés lors du premier mandat de M. Trump étaient des mesures positives, mais que les droits de douane universels imposés par le président aux pays alliés durant ce mandat érodent la confiance entre les États-Unis et leurs alliés.
Amy K. Mitchell, associée fondatrice du cabinet de conseil en géopolitique Kilo Alpha Strategies, a déclaré : « Les États-Unis doivent faire attention à la manière dont ils jouent leurs cartes maintenant, afin de ne pas aliéner nos alliés naturels et de reconnaître en fin de compte qui est l’adversaire. »
La Chine s’efforce également de rapprocher les alliés des États-Unis de Pékin, notamment en faisant des ouvertures à l’Union européenne et en accueillant le Premier ministre espagnol.
M. Yeh estime que les différentes approches économiques et sécuritaires des alliés des États-Unis les ont jusqu’à présent conduits à maintenir de bonnes relations avec les États-Unis tout en participant à l’initiative « la Ceinture et la Route » de la Chine.
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Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez arrive pour une rencontre avec le dirigeant chinois Xi Jinping à la maison d’hôtes de Diaoyutai à Pékin, le 11 avril 2025. Après la rencontre, des responsables chinois ont publié un plan visant à renforcer le partenariat stratégique Chine-Espagne alors que la Chine s’efforce de rapprocher les alliés des États-Unis de Pékin. (Andres Martinez Casares/POOL/AFP via Getty Images)

Mais cela pourrait changer, a-t-il déclaré.
Selon lui, les 100 premiers jours du président Trump ont préparé le terrain pour que chaque pays fasse un choix exclusif entre les États-Unis et la Chine. À l’avenir, aucun pays ne pourra plus jouer sur les deux tableaux, a-t-il affirmé.
Gordan Chang, expert de la Chine, rappelle l’importance des enjeux.
« C’est une lutte existentielle », a déclaré M. Chang à « American Thought Leaders » d’EpochTV en avril.
« C’est plus qu’une simple guerre commerciale, plus qu’une simple guerre tarifaire, et nous ferions mieux de la gagner. »
La réaction des alliés à la pression de s’aligner sur les États-Unis vis-à-vis de la Chine reste à voir.
L’administration Trump a consacré ses 100 premiers jours à renforcer son personnel de défense, selon M. Mitchell, de sorte que la politique américaine à l’égard de la Chine n’est pas aussi aboutie sur le plan de la sécurité qu’elle l’est sur le plan économique.
Le régime chinois a augmenté sa pression militaire contre Taïwan de « 300 % », a déclaré l’amiral Samuel Paparo, commandant du Commandement indopacifique américain, lors d’une audition en avril devant la commission des forces armées du Sénat. Il a averti que les actions du régime près de Taïwan n’étaient plus des exercices mais des « répétitions ».
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Quatre avions de chasse Mirage 2000 de l’armée de l’air taïwanaise se préparent à décoller de la base aérienne de Hsinchu à Hsinchu, à Taïwan, le 2 avril 2025. Le même jour, la Chine a lancé de nouveaux exercices militaires près de Taïwan. (I-Hwa Cheng/AFP via Getty Images)

Pékin a également imposé des contrôles à l’exportation sur toutes les terres rares vers les États-Unis, réduit la limite d’importation des films américains et lancé des enquêtes sur les entreprises américaines en Chine.
La confrontation entre la première et la deuxième économie mondiale pourrait se dérouler de diverses manières, a déclaré M. Balding, mais il est trop tôt pour prédire l’issue.
« Nous sommes à 30 secondes d’un film de trois heures, donc nous ne pouvons pas juger [M. Trump] sur la qualité de son travail », a-t-il déclaré.
« En réalité, il faudrait probablement le juger cinq ans après son départ. »
Terri Wu est une journaliste indépendante basée à Washington qui travaille pour Epoch Times et couvre les questions liées à l'éducation et à la Chine.

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