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L’imprévisibilité de Donald Trump déstabilise Pékin, selon des analystes

Selon un analyste, l’approche volatile du président américain a obligé la Chine à abattre sa meilleure carte.

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Le président Donald Trump et Xi Jinping, dirigeant du PCC, quittent la base aérienne de Gimhae à Busan, Corée du Sud, après leurs discussions, le 30 octobre 2025.

Photo: Andrew Caballero-Reynolds/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

Dès son arrivée à la Maison‑Blanche, Donald Trump a embarqué Pékin dans un véritable grand huit tarifaire et réglementaire. Pour un régime déjà aux prises avec une économie stagnante et un marché international lassé du dumping chinois, les décisions du président américain ont ajouté une nouvelle dose d’incertitude.
Les deux parties se sont livrées à de multiples cycles d’escalade et de désescalade. Le mois dernier, elles sont parvenues à une trêve d’un an.
Les droits de douane ont reculé — environ 47 % sur les produits chinois et 33 % sur ceux importés des États‑Unis. La Chine suspend son vaste contrôle des exportations de terres rares, limite l’acheminement des précurseurs chimiques du fentanyl vers les États‑Unis et achètera également du soja aux agriculteurs américains. En contrepartie, les États‑Unis lèvent les taxes portuaires sur les navires chinois et la règle des 50 % — interdisant les exportations vers les entreprises détenues majoritairement par des entités de la liste noire.
Avant la rencontre Trump-Xi du 30 octobre, le ministre chinois des Affaires étrangères a qualifié Donald Trump d’« homme d’État de classe mondiale ». Durant la réunion à Busan, Xi l’a désigné comme « le timonier ». Xi a aussi affirmé que le développement chinois était « parallèle et non contradictoire » avec la campagne « Make America Great Again » de Trump.
S’adapter à l’imprévisibilité de Trump est un défi pour Pékin, souligne Dennis Wilder, ancien haut responsable américain du Conseil national de sécurité chargé de la Chine sous des présidents républicains et démocrates.
« Il est intéressant de voir à quel point Xi Jinping a flatté Trump cette fois ; je ne l’avais jamais entendu flatter un président américain auparavant », a-t-il confié à Epoch Times. « C’est frappant, et cela montre que les Chinois sont quelque peu intimidés par Trump et par le fait qu’il ne respecte pas les règles du jeu habituelles. »
Alexander Campbell, investisseur global macro, estime que la crise de l’immobilier en Chine oblige ses banques à obtenir chaque année une bouée de sauvetage d’un millier de milliards de dollars, équivalente au volume de son excédent commercial. Ainsi, le rôle clé des exportations pour le régime et la menace que représentent des droits de douane très élevés seraient sous-estimés. M. Campbell fut responsable des matières premières chez Bridgewater Associates.
À ses yeux, la volatilité trumpiste a contraint la Chine à abattre sa carte des terres rares, suscitant chez les États‑Unis une urgence à construire leur indépendance dans la chaîne d’approvisionnement.

Le chaos comme stratégie

Selon la théorie des jeux, l’imprévisibilité est l’atout du joueur le plus fort dans une compétition, explique M. Campbell. Le plus faible, ici le régime centralisé, a un besoin vital de prévisibilité : or l’imprévisibilité est pour lui une menace existentielle.
« Trump joue une stratégie mixte, comme un joueur de poker dont on ne sait s’il va bluffer ou suivre, ni s’il a un bon jeu ou non », poursuit M. Campbell dans Epoch Times.
« C’est ainsi qu’il aborde explicitement les négociations et ces dynamiques compétitives. »
Tout remonte, selon lui, au « Jour de la Libération », quand Trump « a séparé les amis des ennemis ».
Le 2 avril, il impose des droits de douane réciproques sur presque tous les pays, dont la Chine. Beaucoup de nations acceptent de négocier ; la Chine fait partie des rares à riposter.
Un point faible essentiel du régime chinois réside dans sa volonté d’afficher une force apparente : à force d’escalades, la Chine révèle alors sa meilleure carte : les terres rares.
Le quasi-monopole de Pékin sur ces minerais critiques, indispensables à l’industrie automobile, électronique ou de défense avancée, souligne combien ces ressources sont stratégiques à l’échelle mondiale.
Le 9 octobre, la Chine a annoncé la limitation de toutes les exportations de produits contenant au moins 0,1 % de terres rares chinoises, ou issus d’une technologie chinoise.
« La Chine est allée trop loin : au lieu de garder la négociation bilatérale, elle l’a rendue globale. En fin d’année, la planète entière sera effrayée par ces restrictions », note M. Wilder.
« Cela fait basculer tous les acteurs du côté américain. Les Chinois ont commis une erreur en jouant la carte mondiale au lieu de s’en tenir à Washington. »
Pour M. Campbell, Trump a délibérément poussé la Chine à agir, démontrant que Pékin userait de la pression sur les terres rares non seulement pour les tarifs mais sur toute question stratégique. Désormais, le « chokepoint » — l’asphyxie orchestrée des importations — est prise très au sérieux par le monde.
L’urgence provoquée par la Chine est, selon M. Campbell, ce qui a permis aux États‑Unis d’agir vite et fort.
« L’Occident est capable de résoudre très vite les crises aiguës, à condition de les percevoir comme telles, explique-t-il. L’‘Operation Warp Speed’ version terres rares aurait été impossible en janvier dernier. »

Fermer la vulnérabilité sur les terres rares

Outre la rencontre avec Xi, Trump a parcouru plusieurs pays d’Asie, concluant des accords-cadres sur les terres rares, dont avec le Japon et la Malaisie.
Le président a aussi signé un accord avec l’Australie pour un meilleur accès à ses ressources et infrastructures.
Ian Lange, professeur à la Colorado School of Mines et spécialiste des minéraux critiques, estime que la coopération avec d’autres pays est utile mais que les États‑Unis pourraient atteindre l’autonomie en terres rares d’ici deux ans.
L’entreprise australienne Lynas Rare Earths Ltd. détient à ce jour la seule raffinerie hors du contrôle chinois (en Malaisie), et la collaboration avec le Japon, géant technologique, constitue un avantage supplémentaire.
Par ailleurs, le recyclage pourrait couvrir 20 % de la demande américaine et d’autres initiatives sont en cours, comme le contrat conclu par le Département de la Guerre avec MP Materials, à Las Vegas : le Pentagone garantit un prix plancher et une marge de profit à la nouvelle usine d’aimants.
Le 24 octobre, la société brésilienne Aclara Resources Inc. a annoncé la construction de la première usine américaine de séparation de terres rares lourdes en Louisiane – livraison prévue fin 2027.
Trump a affirmé que les États‑Unis pouvaient mettre fin à leur dépendance aux terres rares chinoises en moins de 18 mois.
Selon Yeh Yao-Yuan, politologue à l’université Saint-Thomas, ces minerais critiques seront au cœur de la future rivalité entre une économie de marché sous leadership américain et une économie administrée par la Chine.
Comment Trump convaincra d’autres pays de produire des terres rares malgré la pollution générée lors du raffinage sera l’un des défis de son mandat, ajoute l’expert.

Et après ?

Yeh Yao-Yuan pense que la Chine continuera d’user de la carte des terres rares, que ce soit pour répondre aux tensions bilatérales, faire pression sur Taïwan ou détourner l’attention du mécontentement intérieur.
Mais en jouant la carte de l’épreuve de force, la Chine s’exposerait à la défaite : son marché étant moins vaste que celui des États‑Unis, elle résiste moins bien aux chocs.
« Et si demain la surcapacité touchait aussi les terres rares ? » s’interroge-t-il. « Si d’autres pays se passent des minerais chinois, quels autres moyens la Chine aurait-elle pour tenir le reste du monde en otage ? »
M. Wilder abonde : les terres rares sont l’atout maître de Pékin, mais Washington pourrait répliquer via les hautes technologies et des sanctions financières.
Les relations Washington‑Pékin demeurent extrêmement fragiles. M. Wilder voit dans la trêve une « pause tactique » en attendant des clarifications. La tenue de visites d’État réciproques — Trump à Pékin au printemps, Xi aux États‑Unis à l’automne — « contribue à suspendre la guerre commerciale. »
« Les attentes sont fortes des deux côtés. Si elles ne sont pas satisfaites, l’escalade pourrait reprendre. Trump pourrait repousser son voyage à Pékin ; il n’est pas obligé d’y aller en avril. »
Terri Wu est une journaliste indépendante basée à Washington qui travaille pour Epoch Times et couvre les questions liées à l'éducation et à la Chine.

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