La «langue froide» du Pacifique, le mystérieux phénomène qui remet en question les prévisions climatiques

Par Robin Lefebvre
26 octobre 2023 18:36 Mis à jour: 26 octobre 2023 18:36

La « langue froide » est une zone de fraicheur, situé dans l’océan Pacifique, au large de l’Équateur. Seule zone des océans de la planète à refroidir, elle est un véritable mystère et pourrait même remettre en question les prévisions des modèles climatiques.

L’océan se réchauffe en raison du dérèglement climatique: c’est ce que nous répètent sans cesse les scientifiques depuis des années. Alors que la mer Méditerranée et l’Atlantique Nord ont enregistré des records de chaleur absolu, une anomalie demeure: celle d’une zone de l’océan Pacifique, qui contre toute attente, se refroidit. Et ce, depuis 30 ans. Plusieurs grands instituts d’étude du climat, comme l’université de Colorado Boulder, considère même qu’il s’agit de « la plus importante question sans réponse de la science du climat ».

Cette « langue froide », qui a été découverte dans les années 1990, se trouve à l’ouest de la côte de l’Équateur, et s’impose sur plusieurs milliers de kilomètres. Longtemps, elle a été mise sur le compte de l’extrême variabilité naturelle de la région: il s’agit de l’océan le plus vaste et le plus profond du monde, qui a toujours été beaucoup plus frais (de 5 à 6°C) côté Est, soit la côte Ouest des Amériques, que côté Ouest, c’est-à-dire côté Asie.

Mais d’autres scientifiques, comme Richard Seager de l’université Columbia à New York, ont suggéré que ce refroidissement progressif n’était pas forcément naturel, et qu’il pouvait être dû à l’activité humaine. Mais rien de vraiment concluant: cette langue froide perd des degrés (0,5°C en 40 ans) et on ne l’explique toujours pas, alors même que cela fait 30 ans qu’on le constate. Sauf que ce phénomène pourrait avoir de graves implications, que les modèles climatiques actuels ne prennent pas en compte, comme le relate le New Scientist.

Un phénomène exclu des modèles de prévision climatique

Le problème est là: les modèles de prévision climatique, qui misent sur une augmentation de la température des océans, ne prennent pas en compte pas cette zone froide, qui pourtant, freine actuellement le réchauffement climatique. De plus, les climatologues ne sont pas en capacité de dire avec certitude si ce phénomène va perdurer, ou s’inverser un jour, étant donné qu’ils ignorent ce qui le génère.

Il existe donc deux scénarios, le premier étant que ce refroidissement perdure. Cela pourrait être une relative bonne nouvelle: une masse d’air froid au milieu d’un océan chaud produit de la condensation et de la convection, et donc plus de nuages. Plus il y a de nuages, et plus les rayons UV sont renvoyés vers l’atmosphère, car ils n’arrivent pas à passer à travers. Ce scénario conduit inévitablement à moins de chaleur.

Selon les spécialistes interrogés par New Scientist, la Terre pourrait même se réchauffer 30% plus lentement que ce que les modèles ont calculé, si cette tendance se poursuit, soit 1,3°C de plus à la fin du siècle contre les 1,9°C attendus. Mais encore une fois, ce phénomène de « langue froide » n’est pas pris en considération par les modèles de prévision climatique, car il est totalement incompris. Ce scénario implique cependant l’intensification d’autres phénomènes liés au refroidissement de cette partie du globe: des risques de méga-sécheresses dans la Corne de l’Afrique et dans le sud-ouest des États-Unis.

L’autre scénario, moins encourageant pour le reste du monde, c’est que cette langue froide se réchauffe comme presque toutes les autres parties des océans. Cela devrait alors entraîner de terribles conséquences ailleurs: assèchement du bassin de l’Amazone, blanchissement des récifs coralliens, vagues de chaleur extrêmes et disparition des moussons en Inde, sécheresses et feux de forêt en Australie et en Indonésie, multiplication des tempêtes dans certaines parties des Amériques, pluies torrentielles et crues dévastatrices…

Un mystère à percer

Au final, comment expliquer ce phénomène de « langue froide » ? Plusieurs hypothèses se confrontent. L’une d’elles évoque une variabilité naturelle liée à des vents qui ramènent des eaux froides des profondeurs des régions du Nord, pour les faire remonter en surface. C’est le mécanisme d’upwelling qui peut donc persister, ou s’arrêter soudainement. Celui-ci peut très bien être naturel. Autre hypothèse: la fonte des glaces en Antarctique amène un mouvement d’air froid en direction de l’Équateur. Une hypothèse renforcée par le fait que certaines zones de l’océan Austral près de l’Antarctique ont également des poches d’eau froide.

Il est donc essentiel que les experts percent le mystère de cette langue froide afin d’anticiper au mieux ce qui attend l’humanité. « Pour percer ce mystère, nous avons besoin de modèles climatiques qui soient capables de tout simuler, de la couverture nuageuse aux courants océaniques, en passant par les vents et la fonte des glaciers », écrit la journaliste Madeleine Cuff. Un enjeu vital, car sans pouvoir de prédiction, d’importantes variations des phénomènes climatiques locaux, inattendues, pourraient surprendre les populations et les gouvernements.

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