La Russie a annoncé avoir déjoué un nouvel attentat dans le sud du pays

Par Epoch Times avec AFP
30 mars 2024 10:30 Mis à jour: 30 mars 2024 10:37

Les services de sécurité russes ont affirmé vendredi avoir arrêté trois « ressortissants d’un pays d’Asie centrale » qui prévoyaient un attentat à la bombe dans le sud-ouest de la Russie, une semaine après l’attaque d’une salle de concert près de Moscou qui a fait au moins 144 morts. Les services russes sont obnubilés par un possible rôle joué par l’Ukraine alors que l’État islamique a de nombreuses raisons de frapper la Russie.

Le FSB a assuré dans un communiqué cité par les agences de presse russes avoir « mis fin aux activités terroristes de trois ressortissants d’un pays d’Asie centrale qui projetaient de commettre un acte terroriste en faisant exploser un engin dans un lieu public de la région de Stavropol ».

La télévision russe a diffusé des images sur lesquelles ont peut voir plusieurs hommes maintenus au sol par des agents du FSB entre des voitures. Selon l’agence publique de presse Ria Novosti, des composants pour la fabrication d’un engin explosif artisanal et des substances chimiques ont été trouvés au domicile des suspects.

Cette annonce intervient une semaine après l’attentat au Crocus City Hall dans la banlieue de la capitale russe, qui a fait au moins 144 morts et 360 blessés et a été revendiqué par l’organisation terroriste État islamique (EI) bien que les autorités russes assurent y voir une piste ukrainienne. Douze personnes ont été arrêtées après ce massacre, dont les quatre assaillants présumés, qui sont originaires du Tadjikistan, une ex-république soviétique d’Asie centrale où l’EI est actif.

Les raison des attaques de l’État islamique en Russie

Le FSB annonce régulièrement depuis des années déjouer des attentats en Russie et peu de détails sont en général connus de ces affaires.

Que l’EI ait frappé la Russie ne saurait surprendre : le pays constitue « une cible évidente pour des raisons historiques et contemporaines », souligne Jérôme Drevon, expert du jihad pour l’organisation de résolution des conflits Crisis Group.

« L’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique en 1979 et la décennie d’occupation qui s’en est suivie suscite toujours la fureur chez beaucoup de jihadistes ».

Moscou s’est ensuite engagé aux côtés du régime de Bachar al-Assad dans la guerre civile syrienne face aux groupes jihadistes. Et en Afrique, les mercenaires russes collaborent avec les militaires au pouvoir au Mali contre Al-Qaïda et l’EI.

Depuis plusieurs années enfin, Moscou se rapproche de Téhéran, dont l’islam chiite est une abomination pour l’EI sunnite.

« L’EI perçoit la Russie comme l’avant-garde du monde chiite », résume Colin Clarke, directeur de recherche au Soufan Center, à New York. « Dans la liste de ceux qu’ils détestent le plus, les chiites sont au dessus des Américains, d’Israël et des régimes dits apostats ». Le groupe a revendiqué en janvier l’attentat de Kerman, en Iran, qui a fait 89 morts.

S’ajoute à cela un rapport profondément antagoniste avec les minorités musulmanes de Russie. Deux guerres en Tchétchénie en 1994 et en 2000 et l’intervention russe contre une insurrection islamiste au Daguestan, dans le nord-Caucase, ont laissé des traces.

« L’approche schizophrène » de Moscou

Au delà, Frederik Kagan, chercheur pour l’American Enterprise Institute, décrit « l’approche schizophrène » de Moscou. Le Kremlin promeut un discours de concorde, dans un pays comptant quelque 20 millions de musulmans, tout en tolérant des discriminations massives visant les millions de migrants précaires venus d’Asie centrale et du Caucase.

L’armée russe a recruté dans les milieux immigrés et défavorisés en Russie pour sa guerre en Ukraine, offrant d’importantes soldes. Son contingent compte aussi des unités issues des républiques musulmanes du pays.

Mais le virage de Vladimir Poutine « vers une pseudo-idéologie ultranationaliste, russifiante et chrétienne orthodoxe a renforcé un mouvement anti-migrants », estime Frederik Kagan.

L’analyste ouzbek, Temur Umarov, décrit des tensions ethnico-religieuses croissantes depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

« La xénophobie est devenue la norme parmi les “patriotes”, les blogueurs militaires » soutenus par un « appareil de sécurité russe particulièrement anti-migrants » et une législation de plus en plus répressive, relève-t-il dans un article pour l’institut Carnegie endowment for international peace.

L’EI n’a pas formellement attribué l’attaque à l’EI-K, sa filiale afghane, suspect numéro un tant elle puise une grande partie de ses militants dans le Caucase et l’Asie centrale. Mais quelle que soit leur allégeance, les auteurs présumés sont des Tadjiks.

Les analystes consultés par l’AFP conviennent que la menace restera vive en Russie, au vu de l’immense vivier d’individus susceptibles de passer à l’action.

L’EI, depuis longtemps, vise les plus jeunes générations, souligne Andrei Serenko, expert russe de l’Afghanistan. Avant la pandémie de Covid-19, « les recruteurs de l’EI tentaient d’endoctriner des collégiens et des lycéens, entre 15 et 16 ans, au Kazakhstan », explique-t-il. Il décrit « un culte romantique autour des récits jihadistes » et des propositions de formation à distance avant d’aller tuer en Russie. Le projet a échoué, mais l’intention était là.

Obnubilés par l’Ukraine, les services de sécurité russes représentent aujourd’hui une cible jugée faillible, quoiqu’en dise le Kremlin, préviennent nombre d’observateurs qui s’attendent à d’autres attentats.

Là encore, la jihadosphère est un indicateur significatif du risque. Laurence Bindner observe de vives réactions dans cette mouvance à la diffusion d’images de torture des assaillants présumés. « À leurs yeux, la diffusion de ces tortures légitime à posteriori l’attaque du Crocus Hall et constitue un grief supplémentaire pour mobiliser afin de mener de nouvelles attaques ».

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