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Opinion

La vie n’est pas juste, et c’est tant mieux

En rentrant à la maison, j’ai entendu mes enfants se disputer. — « C’est pas juste ! » hurlait l’un d’eux. Je ne savais même pas pourquoi ils criaient, mais je les ai arrêtés et je les ai fait asseoir. « La vie n’est pas juste, » je leur ai dit. « Qui vous a fait croire ça ? Elle ne l’a jamais été, et elle ne le sera jamais. »

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Des éleveurs surveillent leurs troupeaux près de Ten Sleep, dans le Wyoming, le 14 octobre 2025. John Fredricks / Epoch Times

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Durée de lecture: 7 Min.

Ils ont dix, huit et cinq ans — un peu jeunes pour une leçon de ce genre, sûrement. Mais une fois lancée, impossible de m’arrêter. En plein milieu de ma tirade, j’ai compris que ce que j’étais en train de dire ressemblait plus à un article qu’à une discussion de salon. Trop tard : j’étais déjà partie.

Je leur ai expliqué que le travail, la persévérance et l’engagement finissent souvent par payer — mais pas toujours. Certains réussissent sans effort. D’autres naissent au bon endroit, dans la bonne famille. Et puis il y a ceux qui doivent tout gagner à la sueur de leur front. La vie n’a jamais été, et ne sera jamais, un terrain égal.

Mais d’où nous vient cette idée qu’elle devrait l’être ? Et depuis quand demande-t-on à l’État de la rendre « équitable » ?

Le mythe de l’équité

La vérité, c’est que ça n’existe pas. On ne peut pas décréter la justice universelle. On ne peut pas la voter, ni la réglementer. On naît avec des corps, des familles, des blessures, des talents différents.

Quand j’étais ado, j’aurais voulu être plus mince pour continuer le patin artistique après la puberté. J’aurais voulu être plus grande pour jouer au basket. Mais vouloir n’y changeait rien.

Je pouvais bien me sentir basketteuse ou patineuse artistique : ça n’en faisait pas une réalité. C’était frustrant, injuste même. Je n’avais pas le corps qu’il fallait, ni celui des filles des magazines.

J’ai dû apprendre à vivre avec mon propre corps, à voir ce qu’il pouvait faire au lieu de pester contre ce qu’il ne pouvait pas. Cette leçon-là m’a suivie toute ma vie : on ne plie pas la réalité à ses désirs, mais on peut l’affronter avec humilité, courage et détermination.

J’ai reçu d’autres atouts : un esprit vif, une bonne dose d’humour, une grosse capacité de travail. Mon frère, lui, c’était le sociable, le fédérateur, celui qui connaît tout le monde et rassemble les gens. On a grandi sous le même toit, avec les mêmes parents, et nos vies n’ont rien à voir. Parfois c’est lui qui a gagné plus, parfois c’est moi. Ce n’est pas « injuste », c’est juste la vie.

Ce n’est pas le rôle du gouvernement de garantir la vie, la liberté ou le bonheur. Son rôle, c’est de créer un cadre pour qu’on puisse les chercher soi-même. Le reste dépend de nous.

Mais cette obsession de l’équité, cette culture des trophées de participation, ça nous ramollit. Quand on gomme la douleur de l’échec ou la frustration de ne pas être le meilleur, on supprime aussi ce qui pousse l’humain à se dépasser.

Sentir qu’on n’est « pas assez bon » sur le moment, c’est ce qui nous donne envie de progresser. Regarder ce que l’autre a et se demander « comment je peux y arriver ? », c’est ça, l’ambition. C’est ça, la nature humaine.

On naît tous différents : QI, santé, tempérament, famille. Certaines choses peuvent changer, d’autres pas. Mais aucune loi ne pourra jamais les rendre égales.

L’égalité parfaite n’existe pas. L’équité totale non plus. On peut garantir des chances, pas des résultats. L’important, c’est que les opportunités soient là pour ceux qui veulent bosser. Les résultats, eux, dépendront toujours des individus — et ils ne seront jamais identiques.

Mon mari, par exemple, est né dans une famille de huit enfants, et vivait dans une cabane en ciment au Mexique. Aujourd’hui, il possède un ranch de 200 hectares au Texas. Quelles étaient les chances ? Une sur un million, peut-être.

Est-ce que c’est « juste » que ses frères et sœurs n’aient pas eu la même réussite ? Bien sûr que non. Mais ce n’est pas la question. Le miracle, c’est qu’il ait pu le faire. Que dans ce monde — surtout dans ce pays — quelqu’un né dans la pauvreté puisse construire une vie qu’il n’aurait jamais osé imaginer.

Et parfois, il trouve injuste de devoir travailler autant pour maintenir tout ça, pendant que ses frères terminent leur journée à seize heures, s’allongent dans un hamac et ouvrent une bière.

Lui, à seize heures, a encore des heures de boulot devant lui.

L’équité, c’est une question de regard.

Il rêve parfois de retourner au Mexique, vivre plus simplement, avec moins de responsabilités. Pendant ce temps, ses frères le regardent et se disent qu’il a tout : les tracteurs, les outils, les terres.

Alors, qui a raison ? Qui a la meilleure vie ? Qui a tiré le bon lot ?

Peut-être qu’il ne faut pas chercher la justice partout. Peut-être que c’est juste une façon de voir ce qu’on a — et ce qu’on n’a pas.

Ce n’est pas la justice.

C’est la liberté.

J’aimerais que mes enfants grandissent en comprenant que la vie n’est pas juste, mais que la vraie force, c’est de savoir qu’ils sont responsables d’eux-mêmes. C’est à partir de là qu’ils pourront bâtir une vie qui leur ressemble.

Elle ne sera peut-être pas égale à celle des autres, mais ce sera leur vie — et s’ils la vivent à fond, ce sera déjà énorme.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Mollie Engelhart, agricultrice et éleveuse, est engagée dans la souveraineté alimentaire, la régénération des sols et l\'éducation à l\'agriculture familiale et à l\'autosuffisance.

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