Le cas étrange de la disparition du ministre chinois des Affaires étrangères

Par Peter Dahlin
24 juillet 2023 08:04 Mis à jour: 24 juillet 2023 08:04

S’il s’avère vrai que le ministre chinois des Affaires étrangères disparu fait l’objet d’un « contrôle disciplinaire » par la police interne du Parti communiste chinois (PCC), il disparaîtra probablement dans le système de détention secret peu connu, cependant connu (de quelques-uns) sous le nom de « Liuzhi ».

Ces disparitions étranges, qui durent souvent plusieurs mois, jusqu’à six mois, voire plus, n’ont rien de nouveau. Vous souvenez-vous de l’ancien président d’Interpol Meng Hongwei ? Ou des magnats des affaires comme Bao Fan, Yim Fung et Mao Xiaofeng ? Ou l’ancien juge de la Cour suprême Wang Linqing ? Ou du super entrepreneur chinois Jack Ma ?

Ils ont tous quelque chose en commun : ils ont apparemment disparu dans le système peu connu de Guantanamo Bay, un système de détention secrète dirigé par le parti. Sauf que dans ce cas, ce système ne fait pas partie de l’État ou du système judiciaire, mais est dirigé exclusivement par le PCC sans aucun contrôle ni contrepoids.

La disparition du ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang et des autres personnes mentionnées ci-dessus n’est pas un bug dans le système, comme certains pourraient le croire. Il ne s’agit pas de cas isolés qui touchent quelques rares victimes ici ou là. C’est « le » système.

Depuis un certain temps, la Chine dispose d’un système permettant de faire disparaître des personnes pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois, détenues au secret, dans des lieux clandestins. Il s’agit de la « surveillance résidentielle dans un lieu désigné » (RSDL). Elle peut sembler anodine, mais elle est en fait bien plus redoutée que l’arrestation et a été utilisée en masse contre des défenseurs des droits, des activistes locaux et même des célébrités comme Fan Bingbing. Cependant, le PCC ne s’est pas contenté de la RSDL. Bien qu’elle puisse bloquer toutes les communications et interdire l’accès à un avocat, la RSDL faisait et fait toujours partie du système judiciaire officiel, et le PCC, bien qu’ayant un contrôle presque total, doit respecter certaines limites très élémentaires et imparfaites.

C’est ainsi que fonctionne le système Liuzhi.

Le Liuzhi opère plus ou moins de la même manière que le système de la RSDL, mais il est géré par la police interne du PCC, la Commission centrale de contrôle de la discipline (CCDI). Comme il ne fait en aucun cas partie du système judiciaire, le pouvoir sur ses cibles est absolu. L’organisme en question ne peut être poursuivi pour torture ou mauvaise conduite, et si les autorités vous retiennent plus longtemps que le maximum supposé de six mois, il n’y a nulle part où aller pour faire appel. Il n’y a, bien sûr, même pas de droit théorique à un avocat car il ne s’agit pas d’une procédure judiciaire – c’est une caractéristique cruciale du système, comme l’ont expliqué plusieurs responsables lors de son lancement au printemps 2018. Et le système ne s’applique pas seulement aux membres du Parti, mais aussi aux fonctionnaires de l’État, à ceux qui travaillent dans les agences gouvernementales, les entreprises publiques, les hôpitaux, les « syndicats », les écoles et les entrepreneurs.

Depuis la mise en œuvre du système Liuzhi, l’organisme responsable, le CCDI, ne publie que rarement des données, mais en de rares occasions, il publie quelques informations au niveau provincial. Sur la base d’une collecte de ces données, la CCDI a reconnu les avoir utilisées pour quelque 12.000 personnes depuis l’entrée en vigueur du système. Une estimation prudente de Safeguard Defenders s’élève à environ 77.000 personnes, soit entre 35 et 40 personnes par jour.

Le système de la RSDL, qui fonctionne sous sa forme actuelle depuis 2013, n’est pas beaucoup mieux, avec environ 30.000 cas admis par l’État de 2020 à 2022, mais plus probablement entre 65.000 et 80.000 victimes, soit environ 30 personnes par jour, selon l’organisation à but non lucratif basée en Espagne.

Lorsqu’un gouvernement a recours à ce que les Nations unies ont qualifié de disparitions forcées et à ce qui est, par définition, une détention arbitraire, souvent accompagnée de graves actes de torture, sur quelque 65 à 70 personnes chaque jour ou sur plus de 130.000 personnes depuis 2018, il ne s’agit plus d’un bug dans le système.

C’est « le » système.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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