Le Département d’État américain affirme que l’alliance entre les États Unis et le Japon est « inébranlable » alors que Pékin intensifie ses menaces
Mme Takaichi rejette les demandes de Pékin visant à retirer sa déclaration sur Taïwan, affirmant qu’elle s’inscrit dans la position traditionnelle de Tokyo.
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La Première ministre japonaise Sanae Takaichi présente les mesures économiques aux journalistes au bureau du Premier ministre, à Tokyo, le 21 novembre 2025.
Les États‑Unis sont résolument engagés dans la défense du Japon et s’opposent à toute tentative visant à modifier le statut de Taïwan par la force ou la coercition, a déclaré le Département d’État le 20 novembre.
Cet engagement constitue la première prise de position de Washington depuis que le Parti communiste chinois (PCC) a intensifié sa pression économique et diplomatique sur Tokyo, à la suite des propos de la Première ministre japonaise Sanae Takaichi, qui a associé un conflit armé dans le détroit de Taïwan à une menace potentielle pour la sécurité extérieure du Japon.
Dans un contexte de tensions croissantes, le PCC continue de déployer ses imposants navires garde‑côtes, lourdement armés, dans les eaux environnant les îles administrées par le Japon en mer de Chine orientale, appelées Diaoyu par Pékin et Senkaku par Tokyo.
Dans une déclaration publiée sur X, le porte‑parole du Département d’État, Tommy Pigott, a affirmé que l’engagement des États‑Unis envers l’alliance américano‑japonaise et la défense du Japon demeurait « inébranlable », y compris en ce qui concerne les îles Senkaku administrées par Tokyo.
« L’alliance entre les États‑Unis et le Japon reste la pierre angulaire de la paix et de la sécurité dans la région indo‑pacifique », a souligné M. Pigott. « Nous nous opposons fermement à toute tentative unilatérale de modification du statu quo, y compris par la force ou la coercition, dans le détroit de Taïwan, la mer de Chine orientale ou la mer de Chine méridionale. »
La Première ministre japonaise rejette les exigences du PCC
Face à l’intensification des menaces du PCC, Mme Takaichi a été interrogée le 21 novembre sur la possibilité de retirer ses déclarations faites au Parlement, où elle a décrit une crise autour de Taïwan comme une « situation menaçant la survie » du Japon — une désignation qui pourrait permettre au Japon d’exercer son droit à l’autodéfense.
En réponse, Mme Takaichi a indiqué que le gouvernement procéderait à « une évaluation globale » de toutes les informations disponibles concernant ce qui constitue une crise existentielle, en examinant les détails des circonstances concrètes lorsqu’elles se présenteront.
« La position du gouvernement est cohérente », a assuré la Première ministre. « J’ai moi‑même répété cette réponse. »
Concernant les relations entre Tokyo et Pékin, Mme Takaichi a précisé qu’il n’y avait « aucun changement » dans la volonté d’instaurer des liens « constructifs et stables », objectif qu’elle et Xi Jinping avaient confirmé lors de leur sommet en Corée du Sud le mois dernier.
Lors d’une conférence de presse ultérieure à Pékin, la porte‑parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a affirmé que le Japon devrait « revenir sur ses propos erronés » s’il souhaite développer une relation mutuellement bénéfique et établir une relation constructive et stable.
Mme Mao a ajouté que Pékin prendrait des mesures « résolues » si ses « lignes rouges » sur Taïwan étaient franchies.
Le PCC considère Taïwan, territoire autonome, comme une province rebelle et refuse d’exclure le recours à la force pour la placer sous sa domination communiste. Le Japon, comme la majorité des pays, n’entretient pas de relations officielles avec Taïwan, mais il a rappelé l’importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan. L’extrême‑ouest japonais, l’île de Yonaguni, n’est située qu’à 110 km des côtes taïwanaises.
Des touristes asiatiques montent dans un bus après une visite dans le quartier commerçant de Ginza à Tokyo, le 19 novembre 2025. (Kazuhiro Nogi/AFP via Getty Images)
Après une série de critiques virulentes et de menaces visant Mme Takaichi, le PCC a déjà recouru à des mesures économiques pour contraindre Tokyo à retirer ses propos sur Taïwan. Le ministère chinois des Affaires étrangères a mis en garde les touristes contre tout séjour au Japon, tandis que le ministère de l’éducation a invité les étudiants chinois à planifier leurs études au Japon avec prudence. Après avoir retardé la sortie de certains films japonais, Pékin menace désormais les produits de la mer japonais, affirmant qu’il n’existe « aucun marché » pour ces produits en Chine.
« Refuser la coercition n’est pas une escalade »
Kazuya Shimba, secrétaire général du principal parti d’opposition Démocratie populaire (DPP) au Japon, a jugé la réaction de Pékin « excessive », déclarant le 21 novembre qu’un grand pays ne devrait pas agir de la sorte.
Hei Seki, député d’origine chinoise du parti au pouvoir Innovation japonaise, a minimisé les menaces du PCC.
« Que se passerait‑il au Japon si la Chine expulsait toutes les entreprises japonaises de son territoire ? » a‑t‑il confié lors d’une interview à Bloomberg le 20 novembre. « Les sociétés japonaises subiraient des pertes, mais le gouvernement chinois ne pourrait pas s’y résoudre. Pourquoi ? Parce que ces sociétés emploient un grand nombre de Chinois. »
M. Seki, premier député japonais à avoir été sanctionné par Pékin en raison de ses critiques à l’égard du PCC, a insisté sur la nécessité pour le Japon de rester ferme face à l’intimidation.
« Après des années à étudier le régime du PCC, j’en connais bien les réflexes », a‑t‑il expliqué en japonais, selon la traduction de Bloomberg. « Ils deviennent toujours arrogants et adoptent une attitude intimidante envers ceux qui cèdent ou paraissent faibles. Au contraire, ils font preuve de courtoisie envers les adversaires déterminés. Voilà la Chine. »
Naoki Hyakuta, président du parti conservateur d’opposition, a dénoncé les conseils donnés par Pékin aux ressortissants chinois concernant les séjours et études au Japon, expliquant aux journalistes le 18 novembre que ces avertissements relèvent de « l’intimidation » et du « harcèlement ». Il a néanmoins ajouté qu’il approuvait la décision de Pékin de décourager le tourisme chinois au Japon.
Yasuhide Nakayama, du Parti libéral‑démocrate (PLD), estime que les attaques de Pékin contre Mme Takaichi visent à « déstabiliser le débat sur la sécurité intérieure japonaise ».
« Il ne s’agit pas simplement d’un différend diplomatique. Le cœur même de la souveraineté du Japon est en jeu : le Japon peut-il continuer à prendre ses propres décisions en matière de sécurité, sans subir de pressions étrangères ni d’opérations d’influence ? », a écrit M. Yasuhide sur X le 19 novembre.
Le ministre d’État japonais aux Affaires étrangères, Yasuhide Nakayama (à dr.), écoute au sommet pour la lutte contre l’extrémisme violent au Département d’État américain à Washington, le 19 février 2015. (Mandel Ngan/AFP via Getty Images)
M. Yasuhide, ancien vice‑ministre de la Défense, considère les propos de la Première ministre sur Taïwan comme une prise de conscience sécuritaire, et non comme une provocation.
« Refuser la coercition n’est pas une escalade », a‑t‑il affirmé. « Le Japon doit continuer à débattre de sa sécurité avec calme, responsabilité et assurance. »