Le «génocide systématique» de la culture mongole se poursuit en Chine avec l’interdiction de la langue mongole dans les écoles, affirment des défenseurs des droits de l’homme

L'interdiction de la langue mongole dans les écoles et le silence sur les livres témoignent des efforts continus déployés par la Chine pour faire disparaître la langue et l'histoire mongoles.

Par Lynn Xu & Xin Ning
1 octobre 2023 18:53 Mis à jour: 1 octobre 2023 18:53

L’utilisation de la langue mongole dans les écoles de la Mongolie-Intérieure chinoise a été totalement éliminée, à l’issue d’un processus de transition de trois ans. Cette décision inquiète de nombreux Mongols de souche, qui craignent que les jeunes générations ne voient leur culture disparaître complètement.

« Il s’agit d’une politique systématique et planifiée par le Parti communiste chinois (PCC) désireux d’éliminer la nation mongole », a affirmé Enghebatu Togochog, un militant mongol établi aux États-Unis, à propos du changement obligatoire, présenté comme une « éducation bilingue ». M. Enghebatu est le directeur du Centre d’information sur les droits de l’homme en Mongolie méridionale (SMHRIC : Southern Mongolian Human Rights Information Center).

Les activistes mongols hors de Chine se réfèrent souvent à leur patrie comme étant la Mongolie du Sud, plutôt que la région autonome de Mongolie-Intérieure, comme l’appelle Pékin.

À partir du 1er septembre, toutes les écoles mongoles de la région, y compris les maternelles, devront enseigner exclusivement le mandarin, a indiqué le Centre d’information sur son site web.

En avril, le Centre d’information a déclaré avoir obtenu un enregistrement audio d’une réunion parents-enseignants tenue dans la capitale de la Mongolie-Intérieure, Hohhot. Dans cet enregistrement, le directeur de l’école informe les parents que « conformément à la directive du gouvernement central, toutes les écoles mongoles de la région utiliseront la langue nationale commune [le chinois] comme langue officielle à partir du 1er septembre de cette année ».

« La langue mongole est le dernier symbole de l’identité nationale mongole, mais aujourd’hui le parti au pouvoir [PCC] viole les droits linguistiques en interdisant aux enfants mongols d’utiliser leur langue maternelle à l’école », a expliqué M. Enghebatu à Epoch Times le 16 septembre.

Au début du mois d’août 2020, sous prétexte de réformer le programme des écoles élémentaires, Pékin a mis en place une « éducation bilingue de deuxième génération », exigeant des écoles élémentaires ethniques de Mongolie-Intérieure qu’elles utilisent le matériel pédagogique normalisé du ministère de l’Éducation du Parti communiste chinois pour trois cours : la langue, l’éthique, l’histoire et le gouvernement. Les écoles devaient supprimer l’enseignement des langues locales pour ces trois matières et adopter le mandarin à la place.

Cette année, Pékin a finalisé la transition vers le mandarin, supprimant presque complètement la langue mongole du programme officiel des écoles primaires et secondaires.

Des manifestants brandissent des bannières et le drapeau mongol lors d’une manifestation à Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie, contre les politiques chinoises mises en œuvre dans la province chinoise voisine de Mongolie-Intérieure, en Chine, le 1er octobre 2020. (Byambasuren Byamba-Ochir /AFP via Getty Images)

L’annonce initiale faite en 2020 a déclenché une série de manifestations qui ont conduit à l’arrestation de dizaines de parents, d’enseignants et d’autres employés de l’État.

Par la suite, le Parti communiste chinois a exercé une stricte surveillance de la région mongole pour éviter d’autres manifestations. Les médias sociaux locaux ont été censurés et les groupes WeChat ont été temporairement désactivés.

« L’enseignement bilingue de deuxième génération » signifie en fait un enseignement dispensé quasi entièrement en mandarin.

L’approche du Parti communiste chinois « est une politique typique de génocide culturel, destinée à faire disparaître la langue, la culture et les symboles identitaires mongols, de sorte que les Mongols ne puissent plus mettre en avant leur identité propre ».

L’ethnie mongole représente près de 20% des 23 millions d’habitants que compte la Mongolie-Intérieure.

Effacer l’histoire de la Mongolie

Pékin interdit aux enfants d’apprendre le mongol à l’école et tente de faire disparaître les livres qui traitent de l’histoire de la Mongolie.

« Les écoles, les bibliothèques et les librairies ne sont pas autorisées à distribuer des publications, des livres et des revues en langue mongole. »

Un exemple récent est « L’histoire générale des Mongols », une œuvre en six volumes rédigée par l’écrivain Mansang Taichuud, originaire de Mongolie-Intérieure. Cette histoire a été publiée en 2004 et a d’abord été saluée par les autorités chinoises.

Cependant, le 25 août, un avis de l’association des éditeurs de livres de la région autonome de Mongolie-Intérieure a été mis en ligne, demandant à ses membres d’arrêter la publication de « L’histoire générale des Mongols » et de « retirer les livres des rayons dès que possible ». Les livres sont accusés de « nihilisme historique ».

Ces restrictions font suite à la visite du dirigeant chinois Xi Jinping en Mongolie-Intérieure au mois de juin, au cours de laquelle il a souligné l’importance d’inculquer un sentiment d’identité nationale chinoise aux 6 millions de Mongols de la région.

Des touristes passent devant une sculpture de sable représentant Gengis Khan alors qu’ils visitent les dunes de Xiangshawan, en Mongolie-Intérieure, le 16 juillet 2007. (China Photos/Getty Images)

Des journalistes ont contacté la librairie d’État Xinhua à Hohhot, qui a confirmé que ces livres avaient été retirés des rayons.

Le 16 septembre, un journaliste d’Epoch Times a contacté un membre du personnel de la maison d’édition des enfants et des jeunes de Mongolie-Intérieure. L’employé a fait savoir que la maison d’édition avait reçu un avis de retrait de la publication, citant un fonctionnaire qui avait expliqué que les aspects historiques de la publication avaient été « mal écrits » et que des « erreurs politiques » s’étaient glissées dans les livres. La maison d’édition vérifie actuellement d’autres versions du livre, a précisé l’employé.

L’éradication de la vie nomade

La géographie de la Mongolie-Intérieure, avec ses steppes et ses plateaux, a favorisé un mode de vie nomade unique qui s’est transmis de génération en génération pendant des milliers d’années.

Des bergers jettent un mouton à vendre sur un camion à Yuejin, en Mongolie-Intérieure, le 8 août 2006. (China Photos/Getty Images)

Cependant, depuis 2003, Pékin a mis en place des politiques de « migration écologique » qui ont abouti à une interdiction générale du pâturage dans les prairies du Tibet, du Qinghai, du Xinjiang, du Sichuan et de la Mongolie-Intérieure. En 2013, le régime communiste a proclamé « la fin de la civilisation nomade » avec la « réinstallation du dernier lot de 1,2 million de bergers nomades ».

« Il n’y a plus de zones nomades au sens propre en Mongolie du Sud, et tous les éleveurs ne sont pas autorisés à faire paître leurs troupeaux dans leurs pâturages. Les représentants du Parti communiste chinois viennent souvent attraper les vaches et les chèvres, et les éleveurs sont souvent détenus, emprisonnés et condamnés à des amendes », a expliqué M. Enkhbatu.

M. Enkhbatu a établi un lien entre la répression des nomades tibétains et la répression d’autres minorités ethniques, affirmant que « le Parti communiste chinois pratique une politique génocidaire non seulement au Xinjiang et au Tibet, mais aussi en Mongolie méridionale ».

Persécution politique et ethnique

M. Enkhbatu a rappelé les jours qui ont suivi l’arrivée au pouvoir du Parti communiste chinois en 1949.

Un grand nombre d’élites mongoles ont été persécutées lors de la purge politique du Parti communiste contre les « nationalistes », a expliqué M. Enkhbatu, citant le tristement célèbre « incident de Mongolie-Intérieure », une purge politique massive qui s’est déroulée entre 1967 et 1969. Il l’a qualifié de « massacre typique au cours duquel au moins 100.000 Mongols ont perdu la vie ».  Le Parti communiste chinois a ensuite anéanti le mode de vie nomade traditionnel de la Mongolie.

L’« incident de Mongolie-Intérieure », également connu sous le nom de la « purge du Parti révolutionnaire du peuple de Mongolie-Intérieure », est une purge politique massive menée sous les auspices du général du Parti communiste Teng Haiqing pendant la révolution culturelle. Elle était dirigée contre l’ancien vice-président chinois Ulanhu, alors chef du Parti en Mongolie-Intérieure.

Ulanhu, qui signifie « fils rouge », était le nom de guerre du général Yun Ze, qui a joué un rôle déterminant dans la soumission de la Mongolie-Intérieure aux autorités du Parti communiste chinois. Ulanhu a occupé une place importante dans la vie politique de la Mongolie-Intérieure. Pendant la révolution culturelle, il a été accusé de diriger la Mongolie-Intérieure comme un « royaume indépendant », d’être un « activiste anti-Parti » et a été persécuté, tout comme un grand nombre de ses partisans.

Il est difficile de déterminer le nombre de victimes et de morts causés par « l’incident de Mongolie-Intérieure ». Les estimations sont toutes astronomiques. Elles vont de 20.000 à un nombre stupéfiant de 100.000 personnes massacrées ou torturées à mort avec des méthodes trop horribles pour être détaillées ici. Des centaines de milliers de personnes ont été arrêtées lors de la purge. La plupart des victimes étaient mongoles.

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