Opinion
Le Parti communiste chinois exporte sa guerre contre la religion tibétaine

Des Tibétains vivant en exil en Inde participent à une marche pour la paix lors de la 65e journée nationale du soulèvement tibétain contre l'occupation chinoise du Tibet, dans la banlieue de McLeod Ganj, près de Dharamsala, le 10 mars 2024.
Photo: SANJAY BAID/AFP via Getty Images
La répression de la religion tibétaine par le Parti communiste chinois (PCC) ne se limite pas à ses frontières : elle va jusqu’à sanctionner le président tchèque Petr Pavel pour avoir rencontré Sa Sainteté le Dalaï-Lama en Inde.
Le mois d’août 2025 a souligné la montée des tensions entre l’Europe et la Chine dans les domaines du commerce, de la diplomatie et de la sécurité. Pékin a riposté aux sanctions de l’Union européenne contre deux institutions financières chinoises en ciblant deux banques lituaniennes et en élargissant ses enquêtes antidumping et antisubventions sur les produits européens.
Les services de renseignement britanniques et alliés ont découvert des cyberattaques chinoises contre des infrastructures critiques, liées à la précédente opération « Salt Typhoon » qui visait les dirigeants américains.
Londres a retardé l’autorisation de la « super ambassade » proposée par la Chine, invoquant des préoccupations liées à l’espionnage, tandis que le PCC bloquait la reconstruction de l’ambassade britannique à Pékin.
L’Allemagne a accéléré sa stratégie de « réduction des risques », diminuant sa dépendance aux aimants en terres rares chinois, développant le recyclage et s’associant au Canada pour l’approvisionnement en matières premières.
Les tensions entre l’Europe et Pékin étaient déjà vives, entre différends sur les sanctions, menaces cybernétiques, vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement et affrontements diplomatiques. En juillet, le PCC a annoncé la suspension de ses échanges avec le président tchèque Petr Pavel après sa rencontre avec le Dalaï-Lama en Inde, qualifiant l’événement de provocation portant atteinte à la souveraineté chinoise.
Le gouvernement tchèque a affirmé que la rencontre était privée et a exhorté Pékin à la considérer comme telle. Les relations entre les deux pays étaient déjà tendues, du fait des critiques de Prague sur le bilan chinois en matière de droits humains, de l’étroitesse des liens entre la République tchèque et Taïwan, et des accusations de cyberattaques chinoises contre des institutions tchèques.
Le Dalaï-Lama entretient également un lien particulier avec la République tchèque à travers son amitié avec Vaclav Havel, premier président post-communiste du pays.
En juillet, alors que le Dalaï-Lama célébrait ses 90 ans, le PCC a vertement critiqué l’Inde après que le Premier ministre Narendra Modi et plusieurs responsables lui ont adressé des félicitations d’anniversaire. Il a également admonesté les États-Unis pour le message envoyé à Sa Sainteté par le secrétaire d’État Marco Rubio. Remarquons qu’à travers ses réprimandes envers les dirigeants mondiaux, Pékin emploie le terme « Xizang » plutôt que Tibet, une tentative d’effacer l’histoire et d’affaiblir le soutien international à la liberté religieuse et culturelle.
Pékin a rappelé sa position selon laquelle le Dalaï-Lama serait un exilé politique engagé dans des activités séparatistes, exhortant l’Inde à respecter ses engagements sur le Tibet, à agir avec prudence et à cesser de s’ingérer dans les « affaires internes » de la Chine. Bien entendu, on peut s’interroger sur la légitimité de qualifier d’affaire interne les faits et gestes des dirigeants étrangers. En réalité, on pourrait même discuter du caractère « interne » des événements au Tibet, lequel a été annexé et envahi illégalement par le PCC en 1950.
De plus, le PCC n’hésite pas à porter atteinte à la souveraineté d’autres pays en espionnant des ressortissants chinois ou taïwanais et en exportant la répression religieuse. Le mois dernier, le groupe bouddhiste mondial Guan Yin Citta Dharma Door s’est retrouvé au centre d’une affaire d’espionnage : une femme d’origine chinoise a été inculpée d’ingérence étrangère imprudente pour avoir, selon les autorités, signalé les activités des antennes australiennes du mouvement aux services de renseignement chinois. Cette affaire a suscité l’inquiétude que Pékin utilise des organisations religieuses et culturelles pour surveiller la diaspora chinoise et restreindre la liberté religieuse à l’étranger.
Dans un entretien avec Epoch Times, Yalkun Uluyol, chercheur sur la Chine à Human Rights Watch, a expliqué que la répression à l’étranger cible également les Ouïghours, les Tibétains et les Mongols de l’Intérieur, dont les familles restées au pays sont harcelées afin de décourager toute activité politique.
« Les autorités vont jusqu’à inciter les membres de la diaspora à livrer des informations les uns sur les autres », a-t-il déclaré.

Des membres de la communauté tibétaine d’Australie tiennent des drapeaux et des pancartes lors d’un rassemblement organisé par l’Alliance pour les victimes du régime communiste chinois devant le Parlement à Canberra, le 20 mars 2024. (David Gray/AFP via Getty Images)
M. Uluyol explique que sous le régime du PCC, il n’existe aucune société civile indépendante, ni liberté d’expression, de réunion, ou de religion au Tibet.
« Les politiques d’assimilation de Pékin ne laissent aucune place à l’exercice des droits fondamentaux, ni à la préservation des modes de vie traditionnels, ni à l’affirmation de la culture, de l’identité et de la langue tibétaines », affirme-t-il.
Un exemple concret réside dans le rythme accéléré de la relocation forcée des villageois et des éleveurs ruraux, qui a dévasté les communautés tibétaines et érodé leur culture.
Depuis 2021, des dizaines de Tibétains ont été arrêtés pour des infractions politiques liées à l’utilisation du téléphone ou d’Internet.
Selon M. Uluyol, « la simple possession d’une photo du Dalaï-Lama ou l’expression de sympathies pro-tibétaines constituent des ‘contenus interdits’. Tout contact avec l’étranger expose à des sanctions sévères, allant jusqu’à vingt ans de prison. »
Depuis 2009, au moins 160 Tibétains se sont immolés par le feu pour protester contre la domination chinoise. Parmi les formes les plus graves de répression figure l’exigence du PCC de contrôler la réincarnation des moines et lamas de haut rang. Pour cette raison, à l’occasion de ses 90 ans, le Dalaï-Lama a déclaré que la recherche de son successeur réincarné devra se dérouler dans le « monde libre », hors de Chine. Pékin s’y oppose fermement, affirmant que lui seul a le pouvoir de désigner le prochain chef spirituel du Tibet et prévoyant d’installer un Dalaï-Lama rival.
M. Uluyol évoque également le cas du Panchen Lama disparu. En 1995, les autorités chinoises ont enlevé le 11e Panchen Lama, Gendun Choki Nyima, et ses parents, un acte largement condamné comme une attaque flagrante contre la liberté religieuse. Historiquement, le Panchen Lama et le Dalaï-Lama jouent un rôle clé dans la reconnaissance du successeur de chacun.
Alors que le 14e Dalaï-Lama approche de la fin de sa vie, la question de sa succession et celle de l’avenir du bouddhisme tibétain deviennent de plus en plus pressantes, Pékin cherchant à imposer la légitimité de son propre Panchen Lama nommé par l’État.
Les Tibétains exilés dépendent fortement de la bienveillance internationale que le Dalaï-Lama a personnellement cultivée. Le PCC semble croire que sa disparition réglerait la « question tibétaine ». Pourtant, cette mort risquerait d’aggraver l’instabilité, en particulier si le PCC tente d’imposer son propre choix pour sa réincarnation.
La « voie médiane » du Dalaï Lama visait l’autonomie au sein de la Chine plutôt que l’indépendance totale, une position que certains Tibétains critiquent comme étant trop conciliante, préférant relancer la lutte pour l’indépendance. Pour Pékin, la succession est une question stratégique. Pour les Tibétains, elle est existentielle, car elle représente la préservation de leur religion, de leur identité culturelle et même de leur survie en tant que peuple.
Des décennies de répression et de coercition n’ont pas permis d’obtenir la fidélité des Tibétains envers le PCC et pourraient, au contraire, renforcer la résistance et consolider la lutte pour l’indépendance.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Antonio Graceffo, docteur en philosophie, a passé plus de 20 ans en Asie. Il est diplômé de l'Université des sports de Shanghai et titulaire d'un MBA chinois de l'Université Jiaotong de Shanghai. Il travaille aujourd'hui comme professeur d'économie et analyste économique de la Chine, écrivant pour divers médias internationaux.
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