Le programme santé du vraisemblable candidat Emmanuel Macron

Par Bernard Kron
7 février 2022 11:40 Mis à jour: 7 février 2022 11:40

Retour sur les propositions phares de Macron en matière de santé. La ligne directrice semble être l’étatisation.

J’ai commencé à écrire une série d’éditoriaux sur les programmes santé des candidats à la suite de Blouses Blanches colère noire. Les deux derniers chapitres sont consacrés aux mesures nécessaires pour sauver le modèle sanitaire français.

Malheureusement, les solutions que proposent les candidats peuvent se résumer à « Il faut donner un meilleur accès à tous aux soins » ;  « Il faut doubler le nombre de soignants ». 

Ce sont des déclarations très générales ou peu réalistes. Aucun n’a de propositions pour modifier le système qui s’effondrera sans une simplification profonde de son organisation.

À l’heure actuelle, aucun candidat n’a de vision. Ce n’est pas surprenant car à gauche, à droite et au centre, ils sont responsables de l’échec de la santé avec quatre lois en moins de 25 ans.

La gauche s’est exclue elle-même de la compétition actuelle. Elle avait placé trop bas la barre du numerus clausus (François Mitterrand en 1982, Bruno Durieux en 1992). Le numerus clausus global toutes spécialités confondues était de 3500, alors qu’il faudrait 12 000 internes formés chaque année. Moins de 9000 sont actuellement admis en première année d’internat car 18 % manquaient cette année à l’appel.

Avec Mélenchon ce serait pire, car son programme est digne de la grande période du communisme en URSS. Il propose le remboursement de tous les soins à 100% et des médecins salariés ou fonctionnaires. Les soins deviendraient médiocres avec des listes d’attente interminables. Les bons médecins seraient pris d’assaut et réservés aux plus fortunés.

Le Rassemblement national a un programme économique et social proche de la gauche, de la même veine que celui de Mélenchon. Il s’agirait d’une médecine à deux vitesses avec, là aussi, des délais sans fin pour une consultation sans dépassement. Il se concentre surtout sur les fraudes à la carte vitale et aux abus de l’AME.

J’ai analysé le programme de Valérie Pécresse. Elle n’a pas pris la mesure de la crise organisationnelle et ne propose aucune solution pour simplifier le système.

La loi Ma Santé 2022

Cette loi n’est que le prolongement des lois précédentes qui ont détruit ce qui a été le meilleur système du monde.

Le Ségur de la santé (c’est-à-dire la consultation des acteurs du système de soin qui s’est déroulée entre le 25 mai et le 10 juillet 2020) n’a rien changé car il a fait la part trop belle aux administrations au détriment des soins. Les budgets alloués, soit 19 milliards, ne font en effet aucune distinction entre les administratifs trop nombreux et les soignants en sous-nombre et sous-payés.

On retrouve les mêmes défauts que ceux du projet de Valérie Pécresse. Il n’y a pas de modification de la gouvernance.

Le salaire des soignants est augmenté de 200 euros en moyenne ce qui ne rattrapera pas le retard. C’est une bombe à retardement financière car la hausse des rémunérations est uniforme au sein de l’hôpital.

Sans changer l’organisation générale, rien ne sera possible. De 8,5 milliards d’euros dans les décomptes initiaux du Ségur en 2020, la facture est montée à 12 milliards d’euros en 2021, auxquels il faut ajouter 120 millions d’euros pour les 20 000 salariés des établissements pour personnes handicapées.

Les revendications continueront tant que pour chaque salarié de la santé les valorisations des compétences et de la pénibilité n’auront pas été satisfaites. L’erreur est d’uniformiser les augmentations alors qu’il faudrait les centrer sur les soignants.

La Grande sécu

Cette proposition du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie déchaîne les passions et serait très négative pour la médecine libérale, donc pour les malades.

Le HCAAM est une instance de réflexion et de propositions qui contribue depuis 2003 à une meilleure connaissance des enjeux, du fonctionnement et des évolutions envisageables des politiques d’assurance maladie.

Le déficit de la branche maladie s’élève à 161 milliards, dont 130 sont cantonnés dans la CADES. Le budget porte les stigmates de la double erreur du Ségur et de l’absence de réformes structurelles du système.

Les honoraires des médecins seraient pris en charge intégralement par l’Assurance maladie obligatoire via un panier de soins aux prix encadrés.

Les complémentaires seraient cantonnées au remboursement des actes médicaux aux tarifs libres, les frais de chambre individuelle, voire les dépassements d’honoraires.

Selon le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, qui y siège au nom de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) :

« Il y a eu une protestation unanime, il faut que le rapport final soit plus équilibré. »

Pour le Dr Philippe Cuq, président de l’Union des chirurgiens de France (UCDF) :

« Je note que pour les praticiens qui ont adhéré à l’Optam [Option de pratique tarifaire maîtrisée], les complémentaires n’ont pas joué le jeuPour le secteur II, elles ne remboursent que marginalement les dépassements. De manière générale, elles participent très peu aux remboursements des soins mais davantage aux à-côtés comme les chambres particulières. »

Le président de la CSMF redoute la généralisation du tiers-payant :

« Le risque, c’est l’apparition de forfaits tous azimuts et c’est le dernier pas vers la fin de la médecine libérale. »

Le syndicat de gauche MG France applaudit :

« Notre position depuis une dizaine d’années est que l’assurance maladie obligatoire prenne en charge entièrement les soins primaires, éventuellement en tiers-payant si le médecin le souhaite, rejoignant ainsi les préconisations de l’OMS pour des soins primaires très faciles d’accès… sauf s’il n’ y a pas de soignants ! Nous souhaitons le développement des rémunérations forfaitaires. »

C’est le système par capitation de la Grande-Bretagne ou des pays nordiques, qui n’ont pas de Sécu mais un impôt destiné aux soins.

La pratique avancée

Selon l’ARS :

« La pratique avancée permet à des professionnels paramédicaux (par exemple, des infirmiers) d’exercer des missions et des compétences plus poussées, jusque-là dévolues aux seuls médecins. C’est un nouveau métier, à la frontière entre médecin et infirmier(e). »

Pour les infirmiers, la formation est prolongée de deux années. Pour un niveau bac + 5, les salaires sont à peine augmentés. Ce pourrait être une bonne idée s’il n’ y avait pas une grave pénurie de personnel para-médical.

L’accès direct aux professions de santé pour résoudre les difficultés rencontrées par certains Français pour se soigner a été adopté le 22 novembre en seconde lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

Aux termes de débats parlementaires animés, l’État va autoriser à titre expérimental et pour une durée de 3 ans les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes qui exercent dans une structure de soins coordonnés (MSP, centre de santé, équipes de soins primaires…) à pratiquer leur art sans prescription médicale dans six départements. Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Académie Nationale de médecine, précisera les modalités de cette expérimentation.

Cela ne réglera pas la pénurie de personnels. Allonger d’une année la formation des paramédicaux aggraverait la pénurie car les écoles sont vides. Il en sera de même pour les infirmiers en pratique avancée.

Le Service d’accès aux soins en urgence

La mise en place du 112, numéro d’appel unique en cas d’urgence médicale, permet ainsi à toute personne ne disposant pas de médecin traitant disponible et nécessitant un soin non programmé, d’accéder à distance à un professionnel de santé qui l’oriente vers une consultation non programmée en ville ou à l’hôpital, vers un service d’urgence, ou qui déclenche l’intervention d’un service mobile d’urgence et de réanimation à domicile.

Compte tenu de la pénurie de régulateurs, de nombreux appels risquent de ne pas aboutir.

Pénurie de médecins libéraux et déserts médicaux en expansion

On compte plus de 225 000 médecins en activité dont l’âge moyen est de 55 ans. La France ne compte plus que 100 000 médecins généralistes.

D’ici 2025, 6000 postes de généralistes devraient disparaître, selon le Conseil de l’ordre des médecins. La féminisation progressive de la profession conduit à une diminution du temps consacré aux soins des patients – déjà considérablement réduit par la lourdeur des tâches administratives, et à une demande plus importante de salariat.

Les jeunes médecins ne veulent plus travailler plus de 50 heures par semaine. On leur propose un salariat correctement rémunéré pour des semaines de 35 heures dans des maisons médicales qui restent vides faute de médecins à la sortie du deuxième cycle.

Nous manquons aussi de spécialistes, avec pour principale conséquence l’augmentation de délais d’attente avant de pouvoir consulter, parfois trois à six mois. Le risque est de voir la demande ne pas aboutir du tout comme c’est le cas pour les demandes de consultation en ophtalmologie.

Depuis des années des mesures sont mises en œuvre pour inciter les praticiens à s’implanter dans les déserts médicaux :

  • aides à l’installation,
  • création des maisons de santé,
  • bourses incitatives,
  • obligation pour tout interne de stage d’un semestre en médecine générale entre la quatrième et la sixième année,
  • garantie minimale de revenus pour des jeunes qui s’installent en zones sous-dotées.

Cela ne change rien.

La pénurie des médecins gagne du terrain, notamment en médecine libérale : seulement 10% des jeunes médecins ouvrent un cabinet, la majorité choisit des remplacements ou des postes de salariés.

Le récent abandon du numerus clausus en première année ne suffira pas à résoudre le problème des déserts médicaux. C’est une réforme en trompe-l’œil car le nombre de candidats admis en deuxième et troisième année du premier cycle des études de santé est très régulé par les universités et le nombre des places en internat n’a pas été augmenté. Il n’atteint même pas les 9000 postes car 18% des étudiants ont disparu avant l’examen classant.

L’isolement, l’abandon des services publics et les difficultés d’emploi du conjoint resteront de vrais freins à cette installation, freins que les aides financières seules ne suffisent pas à lever.

Les économies en santé

Elles sont possibles, notamment en luttant contre les fraudes à la carte vitale, mais elles sont à peine évoquées car politiquement embarrassantes.

Selon un rapport parlementaire de 2019, il existerait 1,8 million de faux numéros de sécurité sociale pour une fraude évaluée à 14 milliards d’euros par an.

En 2020 le rapport de Patrick Hetzel confirme l’ampleur des dysfonctionnements dans la lutte contre la fraude sociale.

Charles Prats a estimé à 50 milliards d’euros la fraude aux prestations sociales (allocations, carte vitale, AME) dans son ouvrage Le cartel des fraudes.

Malgré ses dénégations – encore récemment au Sénat – Olivier Véran semble jouer les poissons-pilotes du président de la République en avançant les pions d’une réforme qui a toutes les allures d’une mesure de gauche. Si elle était un jour appliquée, elle aurait des conséquences négatives pour la médecine de ville et pour les malades.

Le reste à charge zéro est une fausse bonne idée car la gratuité entraîne une surconsommation médicale. Or, ce reste à charge est l’un des plus faibles de l’Union européenne, soit environ 9%. Par ailleurs, nous avons déjà la complémentaire santé solidaire.

La CSMF y est très hostile. Son président, le Dr Jean-Paul Ortiz, alerte :

« Ce scénario est la pierre finale de l’étatisation du système de santé. Il pourrait aboutir à une situation comparable à la Grande-Bretagne ou à la Catalogne avec une médecine à deux vitesses et des listes d’attente pour accéder à un médecin ».

Conclusion

Quels sont les dangers d’un tel programme d’étatisation ?

Le panier de soins à 100% serait une médecine bas de gamme. Il pourrait être inflationniste s’il n’aboutissait pas à des listes d’attentes et à une médecine à deux vitesses.

L’augmentation des tarifs des complémentaires en sera la conséquence. Celles-ci devront rembourser davantage de soins dont l’accès serait rendu plus difficile car elles seraient devenues beaucoup trop coûteuses.

Il y aura toujours une médecine de qualité mais devenue très onéreuse et réservée à des privilégiés.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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