Le racisme contre les populations noires en Chine, au milieu de cette pandémie, déclenche une crise diplomatique

Par Eva Fu
22 avril 2020 19:08 Mis à jour: 22 avril 2020 19:08

Les abus et le racisme à l’encontre des Africains vivant dans le sud de la Chine, en pleine crise sanitaire, ont provoqué des réactions hostiles dans leur pays, entraînant des tensions diplomatiques.

Au cours du mois dernier, la Chine a annoncé qu’elle avait réussi à supprimer l’agent pathogène, révélant peu d’infections locales et mettant plutôt l’accent sur les cas importés, alors que des recherches, des témoignages et des documents internes contestent l’authenticité de ces informations officielles.

Guangzhou, un centre industriel situé dans le sud de la province de Guangdong et qui abrite l’une des plus grandes populations africaines d’Asie, a été mis à rude épreuve lorsque plusieurs infections ont été signalées au sein de la population migrante africaine.

Les Africains sont rapidement devenus les cibles de discriminations liées au virus du PCC*.

Des vidéos diffusées sur les médias sociaux montrent des Africains forcés de quitter leur hôtel quand les propriétaires redoutent qu’ils ne soient porteurs du virus. Des restaurants et des magasins refusent de les servir, leurs passeports sont saisis et des quarantaines obligatoires leur sont imposées. Certains ont dû dormir dans la rue.

Dans une vidéo, des ressortissants africains traînent leurs bagages dans la rue depuis leur domicile, après avoir été chassés.

Une autre vidéo, ayant pour légende « c’est le traitement que les Africains en Chine reçoivent maintenant », montre deux hommes en costume qui empêchent une jeune femme africaine d’entrer dans un centre commercial. « Seulement nous ? » a demandé la femme, avant de proposer à un client blanc d’entrer. En faisant des signes de ses mains, l’un des hommes a permis le passage à ce dernier, alors que la femme noire n’était pas la bienvenue.

Une chaîne McDonald’s de Guangzhou a récemment affiché un avis mentionnant : « Les noirs ne sont pas autorisés à entrer dans le restaurant. » La branche chinoise du géant de la restauration rapide s’est ensuite excusée sur son compte officiel de médias sociaux Weibo et a déclaré qu’elle avait suspendu l’activité du restaurant le 12 avril pour une formation d’une demi-journée.

Dans une communauté résidentielle de la province de Guangdong, un panneau daté du 5 avril invite les propriétaires à contacter leurs locataires de race noire pour leur demander de partir, en précisant que la communauté ne tolérera plus l’entrée d’étrangers, « surtout des Noirs ».

Alors que la xénophobie alimentée par le virus est en hausse dans le monde entier, les cas sont généralement isolés, tandis qu’en Chine, le même type de racisme se joue au niveau gouvernemental, selon Anders Corr, analyste politique et éditeur du Journal of Political Risk.

« C’est la version chinoise de la réalité : ils affirment qu’ils n’ont plus de cas, qu’ils ont vaincu la maladie, la pandémie, dans leur propre pays. Et donc, logiquement, tout nouveau cas en Chine vient de l’extérieur », a déclaré M. Corr.

Sur cette photo prise le 1er mars 2018, les gens se rassemblent dans une rue du quartier de la « Petite Afrique » à Guangzhou, la capitale de la province du Guangdong, dans le sud de la Chine. (Fred Dufour/AFP via Getty Images)

Stigmatisé

Environ 86 475 ressortissants étrangers vivaient à Guangzhou l’année dernière, dont 13 652 étaient d’origine africaine, a déclaré le maire de la ville le 12 avril.

Depuis fin mars, le régime interdit l’entrée à la plupart des ressortissants étrangers.

Les tensions se sont intensifiées à Guangzhou lorsque, le 7 avril, un groupe de 16 cas est apparu parmi les résidents africains, dans le district connu sous le nom de « Petite Afrique ». Les autorités ont alors imposé des tests aux Africains, puis une quarantaine à leurs propres frais, qu’ils soient ou non porteurs du virus.

Plus de 4 550 Africains ont été soumis à des tests de masse à Guangzhou depuis début avril, et au moins 111 ont été testés positifs, selon le maire.

Selon M. Corr, le racisme des autorités chinoises démontre que la Chine n’est pas un endroit sûr pour faire des affaires.

« La Chine se tire une balle dans le pied puisque les gens se rendent compte que ce n’est pas vraiment un pays sûr où aller, ce n’est pas un pays sûr pour faire des affaires […] si vous ne ressemblez pas à un Chinois Han (la majorité ethnique) », a déclaré M. Corr.

M. Zhou, un habitant de Guangzhou, a raconté au journal Epoch Times qu’un couple africain qui tenait un restaurant à moins d’un kilomètre de son village a été infecté par le virus.

« Maintenant, les Africains peuvent se faire arrêter par la police dès qu’ils apparaissent dans la rue », a-t-il déclaré dans une interview.

Asita Awovie, un Nigérian qui étudie actuellement le génie civil à l’université de Chang’an dans la province chinoise du Shaanxi, prévoit de rentrer chez lui après moins d’un an dans le pays.

« Mes parents sont inquiets parce qu’ils pensent qu’il n’est plus sûr de vivre ici », a-t-il déclaré au journal Epoch Times. « La situation dans ma région est correcte et l’université a essayé de nous protéger, mais en ce qui me concerne, je ne fais plus confiance en la Chine. »

Un agent de sécurité chinois à l’entrée du quartier de la « Petite Afrique » à Guangzhou, la capitale de la province de Guangdong, en Chine, le 1er mars 2018. (FRED DUFOUR/AFP via Getty Images)

Des liens bilatéraux « creux »

Le régime chinois est l’un des plus grands créanciers de l’Afrique, puisqu’il a prêté aux nations africaines environ 143 milliards de dollars entre 2000 et 2017, selon une étude de l’université Johns Hopkins. En 2018, environ un cinquième de la dette extérieure du continent était due à la Chine, selon le groupe de pression britannique Jubilee Debt Campaign (pdf).

Pourtant, les relations que nous entretenons depuis des décennies avec les pays africains se heurtent aujourd’hui à des difficultés au lendemain des incidents racistes survenus à Guangzhou.

Anozie Maduabuchi Cyril, consul général du consulat nigérian à Guangzhou, s’en est pris aux fonctionnaires chinois pour ce traitement injuste, notant que le gouvernement nigérian n’a pas pointé du doigt les Chinois qui se trouvaient au Nigeria lorsqu’il intervenait faice à l’épidémie.

« Si vous saisissez un passeport nigérian, c’est comme si vous saisissiez le Nigeria dans son ensemble », a-t-il déclaré dans une vidéo qui est depuis devenue virale.

La semaine dernière, les ambassadeurs africains présents à Pékin ont écrit une lettre au ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, pour demander l’arrêt immédiat des « tests forcés, des mises en quarantaine et des autres traitements inhumains infligés aux Africains ».

CORONAVIRUS : CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR

Le 10 avril, le président de la Chambre nigériane, Femi Gbajabiamila, a également convoqué l’ambassadeur chinois à une rencontre. Il lui a montré une séquence vidéo sur les abus perpétrés en Chine et a fait pression sur ce responsable chinois pour obtenir une explication.

« La façon dont je parle est peu diplomatique, mais je suis contrarié par ce qui se passe », a-t-il déclaré.

L’ambassade de Sierra Leone en Chine, dans un avis du 10 avril, a déclaré que des délégués des ambassadeurs africains ont rencontré des représentants du ministère chinois des Affaires étrangères pour protester contre les « expériences dérangeantes et humiliantes » subies par leurs citoyens, et a rappelé aux autorités chinoises la nécessité de soutenir les pays africains.

Face à la pression internationale, le régime chinois a affirmé avoir une « tolérance zéro pour toute discrimination ». Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a déclaré lors d’un point de presse le 12 avril dernier : « La Chine et l’Afrique sont de bons amis, partenaires et frères. »

Le 13 avril, le consulat américain a émis une alerte qui conseille aux ressortissants afro-américains d’« éviter la zone métropolitaine de Guangzhou jusqu’à nouvel ordre », les autorités chinoises craignant qu’ils puissent avoir des contacts avec la population africaine.

« Les abus et les mauvais traitements infligés aux Africains vivant et travaillant en Chine nous rappellent malheureusement à quel point le partenariat entre la RPC (République populaire de Chine) et l’Afrique sont sans fondement », a déclaré un porte-parole du département d’État le 11 avril.

« En cette période où nous devrions nous entraider pour lutter contre cette pandémie, les autorités chinoises se cachent imprudemment du monde et s’emploient à chasser les étudiants africains dans les rues sans nourriture ni abri », ajoute-t-il.

* Epoch Times qualifie le nouveau coronavirus, à l’origine de la maladie covid-19, de « virus du PCC » parce que la dissimulation et la gestion déplorable du Parti communiste chinois ont permis au virus de se propager dans toute la Chine avant d’être transmis dans le monde entier.

Une information non partisane et indépendante

Epoch Times est non partisan et fondé sur des valeurs. Nous pensons que le vrai journalisme est basé sur des principes moraux. Nous nous concentrons sur les questions importantes ainsi que sur les politiques et leur impact, et non sur la partisanerie. Nous ne suivons pas la tendance contraire à l’éthique du journalisme axé sur un agenda, mais nous utilisons plutôt nos principes de vérité et de tradition comme guide pour rapporter les faits de manière honnête.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.