L’effondrement «inconcevable» de la Chine communiste est-il désormais envisageable?

Par Gregory Copley
23 décembre 2022 20:15 Mis à jour: 23 décembre 2022 20:15

Les manifestations qui ont eu lieu en novembre dans toute la Chine continentale à la suite du XXe Congrès national le mois dernier ont atteint une ampleur jamais vue depuis la prise de pouvoir du Parti communiste chinois en 1949.

Les récentes manifestations n’ont pas nécessairement atteint le nombre d’incidents ou de victimes des manifestations antérieures, mais, force est d’admettre qu’elles étaient par essence différentes des précédentes crises.

La question est de savoir s’il s’agit de la vague qui va finalement briser l’emprise du PCC. En effet, à la différence des protestations précédentes, les mobilisations de 2022 ont attiré l’attention de l’ensemble du pays, avec un large soutien national. Une vague de protestations concomitante en Iran soulève des questions similaires, à savoir si « cette fois » les religieux au pouvoir seront enfin renversés.

Juste avant le Congrès national, le 13 octobre, un manifestant isolé a déployé des bannières sur le pont Sitong à Pékin, appelant à la destitution du dirigeant chinois Xi Jinping. Ce geste laissait présager que Xi Jinping étendrait encore davantage son pouvoir dictatorial lors du Congrès (ce qui fut le cas). « Bridge Man » a ensuite été arrêté et a disparu. Il a cependant donné un élan emblématique aux nombreuses protestations qui se sont propagées peu après le Congrès, à partir du 15 novembre, dans les principales villes du pays, Shanghai, Pékin, Wuhan, Urumqi, etc.

Ces protestations, étaient différentes de celles qui ont essaimé le pays ces vingt dernières années. Elles étaient différentes des 180.000 protestations distinctes qui ont eu lieu à travers la Chine continentale en 2010 ou des manifestations à Hong Kong de 2014. Le fait est que ces ralliements ciblaient des problèmes locaux, et les Chinois non concernés pouvaient les ignorer. Ils pouvaient encore prouver la théorie d’Aldous Huxley, selon laquelle « la plupart des êtres humains ont une capacité infinie à tout prendre pour acquis ».

Les protestations fin 2022, pour leur part, ont davantage mobilisé l’attention, l’attention nationale. Derrière les enjeux « nationaux » de 2022 se sont en réalité ralliés les innombrables enjeux locaux. L’opposition au zéro Covid était accompagnée du sentiment plus large que le PCC était synonyme de désespoir, du déclin de la liberté et des richesses.

Veillée en l’honneur des victimes de l’incendie meurtrier au Xinjiang (durant lequel les secours ont tardé à arriver du fait des confinements), à Pékin, le 28 novembre 2022. (Michael Zhang/AFP via Getty Images)

L’essence fondamentalement différente des protestations en 2022 est liée à des facteurs précis. En effet, le PCC et Xi Jinping ont tout fait pour que la dissidence autrefois morcelée devienne plus globale : ils ont notamment provoqué l’effondrement des marchés de l’immobilier (et de l’épargne), ou soumis le pays à des confinements Covid qui ont réduit à néant leur crédibilité.

L’énorme mobilisation de 2022 n’est pas surprenante. Pour la première fois, au cours des 73 années de contrôle communiste, la société portait de grands espoirs de prospérité, mais ceux-ci ont finalement été piétinés.

Les sociétés peuvent être réprimées presque indéfiniment jusqu’à ce qu’apparaissent dans la population l’espoir et le progrès. Dès lors les attentes de la population dépasseront toujours la capacité d’un gouvernement à les satisfaire.

C’est bien la leçon qu’a tirée le Shah d’Iran. Avec une ère sans précédent de croissance, d’augmentation des richesses et d’avantages sociaux, les exigences elles aussi ont augmenté en 1979, jusqu’à dépasser la capacité de l’État à les satisfaire.

C’est dans une telle configuration que le « contrat social » est rompu entre les gouvernés et les gouvernants. Ou du moins, le contrat social dérive jusqu’à devenir dysfonctionnel et doit être soit rétabli, soit rompu à jamais.

Le contrat social existe dans toutes les sociétés. Ce n’est que dans les prétendues démocraties (et c’est peut-être leur signe distinctif) qu’il est rendu explicite sous la forme de constitutions élaborées à partir d’un consensus public initial, puis modifié par des pratiques juridiques et sociales. Dans les États ouvertement autocratiques existe aussi un contrat social, mais il est implicite. Dans les dictatures, le contrat social tacite est que toute opposition au sein de la population est sanctionnée.

Le contrat social autocratique est essentiellement unilatéral – il n’a jamais fait l’objet d’un consentement volontaire de la part des gouvernés. Il est balayé dès lors que les gouvernés voient s’effondrer les mécanismes permettant le maintien des dirigeants, ou que ceux-ci manquent de détermination ou de pouvoir.

Manifestation contre les mesures zéro Covid, à Pékin, le 28 novembre 2022. (Kevin Frayer/Getty Images)

La rupture du contrat social consensuel ou imposé ne varie que par le rythme et la fermeté de la répression des protestations contre le gouvernement.

Certaines sociétés s’organisent autour de principes démocratiques et respectent ces principes dans la mesure du possible. Dans de tels cas, lorsque le contrat social en vient à s’éroder, la rupture commence par des défis juridiques et constitutionnels. Initialement, le but est de rappeler l’existence du contrat social et de le réaffirmer. Les protestations surviennent lorsqu’il devient clair que l’esprit du contrat social lui-même a été violé irrémédiablement.

À un moment – le point de basculement éventuellement – le prestige de l’autorité dirigeante (système ou individu) s’altère, résulte sur la haine, l’outrage et la satire.

Fin 2022, il est devenu clair pour de nombreux manifestants en Chine que Xi Jinping était responsable des politiques attaquant le bien-être de la population. Ce faisant, il est devenu une cible plus importante pour l’opposition que le PCC.

Nous commençons tout juste à voir de nombreux messages indirects (et quelques messages directs) de dérision et de mépris à son encontre.

L’histoire nous montre que tout effondrement social (et plus généralement toute tendance sociale) sera initié par des groupes minoritaires. Dans toute population, la majorité craint le changement, ce faisant, elle accepte (voulant l’éviter) la répression.

Le 29 novembre, les fonctionnaires du PCC ont clairement reconnu qu’ils avaient deux options : réprimer les foules (et donc la majorité), avec des implications symboliques importantes, soit cibler l’enjeu central de la contestation (Xi Jinping en grande partie).

Le principal objectif de Xi Jinping, depuis qu’il a pris le pouvoir en 2012, a été d’éliminer tous les concurrents potentiels au sein du Parti. Il est proche aujourd’hui d’avoir réalisé cet objectif, bien qu’il ne l’ait pas encore atteint pleinement. Donc fin 2022, les forces au sein du PCC pour le renverser sont extrêmement faibles. Il est impossible dans ces conditions de le tenir responsable de quoi que ce soit et encore moins de le faire destituer par l’Armée populaire de libération (la seule force du pays en mesure de l’évacuer).

Récemment, Xi Jinping a vérifié sa capacité à écraser des villes entières, à les confiner au nom du zéro Covid. Il s’agissait de tester les nouveaux moyens à disposition pour contrôler les foules. Le zéro Covid n’a que peu à voir avec un cataclysme médical, mais tout à voir avec le nivellement des aspirations, la réduction de la mobilité, et l’élimination de toute menace à son contrôle absolu.

La question se pose de savoir si les protestations en Chine continentale ont donné l’impulsion aux protestations iraniennes, ou vice-versa. Dans ce cas, il serait possible de voir un effondrement quasi-simultané des structures gouvernementales du régime chinois, de la République islamique d’Iran et même de la Turquie (où des parallèles existent dans ce qui n’est devenu qu’une société démocratique en théorie).

Cet ensemble de perturbations auraient également un impact profond sur la stabilité et le pouvoir de la Russie, soumise à de fortes contraintes et largement tributaire d’efforts extérieurs. Dès lors, la pression exercée sur les cinq principaux États d’Asie centrale, l’Inde et les États d’Asie du Sud-Est se relâcherait nettement.

Caricature de Xi Jinping en empereur nu, comme dans le conte d’Andersen. (Hong Kong Indigenous Defence Force)

Mais l’effondrement de Xi Jinping qui, pour obtenir le contrôle total, a anéanti plusieurs factions rivales, pourrait entraîner un vide de pouvoir au sein de nombreuses autorités locales. Seule l’APL serait capable de rétablir un ordre à court terme, couplée aux forces de sécurité intérieures.

Il faut désormais considérer un retour à une ère des seigneurs de la guerre ou à une période maoïste parmi les options.

Tout cela entraîne la forte probabilité de décisions irréfléchies et de tentatives pour distraire l’opinion publique à mesure que le système chinois s’effondre.

Face à la faillite de son administration, Xi Jinping peut éventuellement être atteint du « syndrome de Galtieri ». En 1982, le lieutenant-général argentin Leopoldo Galtieri, décide d’attaquer les îles Malouines dans l’Atlantique Sud, qui appartiennent à la Grande-Bretagne depuis 1833. Cette invasion stimule l’élan patriotique de la population argentine qui oublie dès lors les dérives de sa dictature.

Une expédition punitive contre Taïwan pourrait devenir le « moment Galtieri » de Xi Jinping, malgré la très mince probabilité d’un succès militaire. Ceux qui se maintiennent en Iran, en Turquie et dans une moindre mesure, en Russie, pourraient également appliquer cette stratégie pour se maintenir.

Si la Chine en arrivait là, toute la vaste toile de l’Asie de l’Est, du Sud-Est et du Sud deviendrait instable, et, de toute évidence, l’économie mondiale dans son ensemble connaitraît de sérieuses perturbations.

Cela aurait des ramifications immédiates pour l’Australasie (Australie, Nouvelle-Zélande, Pacifique Sud) ainsi que pour l’Indonésie. Un tel scénario, en supposant qu’il se produise relativement rapidement si les protestations gagnent en ampleur et en efficacité (ce qui n’est pas garanti), entraînerait une dislocation massive de l’organisation dans toute la région indopacifique et ailleurs, et les autorités devraient, à ce stade, chercher des mesures d’endiguement locales.

La communauté internationale aurait tout intérêt à planifier un monde post-Chine, mais rien n’est fait. Tous les efforts portent sur la gestion ou la programmation de la croissance continue de la Chine en tant que marché et menace.

Or, il est presque certain qu’un effondrement post-Chine aura des conséquences sur l’ensemble du monde. Pour l’heure, les gouvernements éludent l’ampleur du désastre qui en découlera.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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