Les analystes appellent à revoir la stratégie britannique de l’éolien face à la flambée des coûts

La ferme éolienne GE-Alstom de Block Island se trouve à 5 kilomètres au large de Block Island, Rhode Island, le 22 septembre 2016.
Photo: Scott Eisen/Getty Images
Les analystes et opérateurs énergétiques avertissent que le système britannique actuel de gestion de l’énergie éolienne fait grimper les factures des consommateurs et continuera de le faire dans les années à venir.
Ils estiment que le Royaume-Uni doit repenser son agenda pour l’énergie verte, et engager des réformes afin d’accroître la concurrence et de faire assumer davantage de coûts aux entreprises impliquées dans le réseau.
Bien que le pays soit l’un des leaders mondiaux de l’éolien offshore, second seulement derrière la Chine, le Royaume-Uni paie fréquemment aux exploitants de parcs éoliens le fait de ne pas produire, lorsque son réseau ne peut transporter l’électricité de l’Écosse vers le sud de l’Angleterre, où la demande est la plus forte.
Le coût de ces « paiements de contrainte » pèse en définitive sur les ménages.
L’indépendante Kathryn Porter, consultante en énergie, fondatrice de Watt-Logic et conseillère en réformes de marché, a qualifié ces paiements de « parfaitement scandaleux ».
Greg Jackson, fondateur et directeur général d’Octopus Energy, le principal fournisseur d’énergie britannique, a dénoncé dans un entretien du 21 septembre dernier un « système mafieux » au détriment du contribuable.
Ce constat intervient alors que le président américain Donald Trump — un critique assumé de l’éolien au Royaume-Uni — a qualifié publiquement cette énergie de « plus coûteuse jamais conçue ».
S’adressant à l’ONU le 23 septembre, il a affirmé que ce secteur accumulait les pertes et dépendait de « gigantesques » subventions publiques pour fonctionner.
Son positionnement contraste avec celui de Londres, où le gouvernement place l’éolien au cœur de son ambition de devenir une « superpuissance » de l’énergie propre et vise à décarboner entièrement son électricité d’ici 2030 et à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Le Premier ministre Sir Keir Starmer a déclaré, le 26 septembre, que ce projet « visait à garantir l’approvisionnement futur, à réduire la dépendance extérieure et à alléger les factures ».
Selon le secrétaire à l’Énergie Ed Miliband, chaque nouvelle éolienne « protège les familles, les entreprises et les finances publiques contre les chocs futurs sur les énergies fossiles ».
Quand le vent souffle trop fort
La plupart des éoliennes britanniques se trouvent en Écosse, alors que la plus forte demande se situe dans le sud de l’Angleterre.
Lorsque les vents forts génèrent plus d’électricité que le réseau ne peut en absorber, l’opérateur national NESO, responsable du réseau électrique britannique, ordonne l’arrêt de certaines turbines.
Les exploitants sont alors indemnisés par ces fameux « paiements de contrainte » pour l’énergie qu’ils auraient pu produire. NESO achète ensuite de l’électricité de remplacement, souvent auprès de centrales à gaz situées plus près des zones de forte demande.
Ces coûts sont répercutés aux fournisseurs via la taxe dite de « Balancing Services Use of System » (BSUoS : Services d’équilibrage sur l’utilisation du système, ndlr), et ajoutés in fine aux factures des particuliers.
Ces charges sont déjà conséquentes : durant l’hiver 2023-2024, les coûts de contrainte représentaient près de 60 % des dépenses totales d’équilibrage du réseau, selon le rapport NESO.
En 2024-2025, le coût de l’équilibrage a augmenté de près de 3,4 % la facture d’un foyer moyen, soit près de 46 dollars (34 livres sterling) par an.
NESO évalue désormais que le gaspillage d’électricité éolienne pourrait coûter jusqu’à 10,7 milliards de dollars d’ici 2030, bien qu’elle estime qu’une baisse du prix de l’éolien et du solaire pourrait finir par alléger globalement la facture.
Les analystes demeurent cependant sceptiques. Le chercheur Ben Pile déclarait à Epoch Times : « Il n’y a strictement aucune chance que l’agenda des énergies renouvelables britanniques fasse baisser les prix avant au moins vingt ans. » Il ajoute : « Je pense que nous verrons probablement un nouveau doublement des prix de l’énergie d’ici là. »
Le gouvernement dans l’impasse
Le Royaume-Uni soutient l’éolien offshore à travers des contrats de subvention à long terme baptisés « Contracts for Difference » (CfDs : Contrats de différence). Ces derniers garantissent aux développeurs tels que Ørsted (Danemark), SSE (Royaume-Uni) ou Equinor (Norvège) un prix fixe minimum pour l’énergie produite.
Les CfDs durent généralement 15 ans, mais en juillet, le gouvernement travailliste a déclaré vouloir proposer des contrats de 20 ans, afin d’offrir plus de visibilité aux investisseurs.
Ces mécanismes protègent bien les développeurs mais ne résolvent nullement les engorgements du réseau. Si les capacités de transport sont saturées ou la demande trop faible, les parcs éoliens peuvent toujours être rémunérés pour couper leur production, pendant que le réseau se tourne vers des fournisseurs classiques.
Harry Wilkinson, responsable des politiques à la Global Warming Policy Foundation, confiait à Epoch Times que ces contrats mettaient le gouvernement dans l’impasse : « Les clauses sont fixées avant l’installation même des éoliennes. Le vrai problème vient des conditions contractuelles, qui autorisent les exploitants à répercuter tous les coûts complémentaires, non seulement ceux liés à la contrainte, mais aussi ceux induits par l’intermittence, car des moyens de secours restent indispensables lorsque le vent ne souffle pas. »
Opinion publique et appel à la réforme
Un sondage YouGov réalisé en juillet 2025 a révélé que 80 % des Britanniques sont favorables à la construction de nouvelles installations d’énergie renouvelable afin de réduire la dépendance aux combustibles fossiles, tandis qu’une enquête menée en mars a montré que quatre personnes sur dix avaient au moins occasionnellement eu des difficultés à payer leurs factures d’énergie.
Si le soutien aux énergies renouvelables est massif, les analystes soulignent que les réformes du modèle éolien sont indispensables pour faire véritablement baisser les coûts. Selon M. Wilkinson, il faudra concevoir ces réformes avec soin afin de ne pas décourager les investisseurs. Son objectif : faire baisser les tarifs à terme en augmentant la concurrence, et en imposant davantage de charges aux entreprises du secteur.
« Il est évident que ces réformes doivent orienter le Royaume-Uni vers un système énergétique générant des prix plus bas à l’avenir », assure-t-il.
Payer deux fois
Kathryn Porter remonte la source du problème à une politique ancienne baptisée « Connect and Manage » (Connecter et gérer, ndlr), qui a permis le raccordement rapide de parcs éoliens avant même le renforcement des infrastructures de transport.
« Cela a favorisé l’installation massive de parcs sur le réseau, explique-t-elle. Mais il n’existe aucune limite à ce dispositif : certaines éoliennes ont été construites en toute connaissance de cause alors que la majeure partie de leur électricité n’était pas valorisable. »
Elle cite en exemple le parc offshore Seagreen au large de l’Écosse inauguré en 2023. « En 2024, les deux tiers de son électricité ont dû être coupés », indique-elle. « Les consommateurs paient donc deux fois : une première fois pour alimenter le réseau à partir du gaz, une seconde fois pour dédommager les parcs mis à l’arrêt. »
Mme Porter accuse le régulateur national Ofgem de faillir à défendre les intérêts des clients : « C’est absurde de construire des éoliennes sans pouvoir les exploiter pleinement. »
L’équilibre énergétique
Le Royaume-Uni dispose déjà de plus de 31 gigawatts (GW) de capacité éolienne installée, selon l’organisme RenewableUK. En matière d’éolien offshore, il n’est devancé que par la Chine.
La feuille de route gouvernementale « Clean Power 2030 » prévoit un doublement de la capacité terrestre, un triplement de l’éolien en mer et l’extension du solaire, en parallèle de la disparition progressive des centrales à gaz.
Mais la chaîne d’approvisionnement demeure fragile. Un rapport de 2024 de l’Institut de recherche en politiques publiques rappelle que le pays, bien qu’étant le premier importateur mondial d’éoliennes entre 2019 et 2021, n’a aucun fabricant local majeur. L’essentiel des équipements provient du Danemark et d’Allemagne.
La construction de parcs requiert également d’énormes volumes de matières premières, dont du cuivre et des terres rares, en grande partie importés de Chine.
Les critiques pointent les questions de sécurité énergétique et d’impact environnemental. « Construire un parc éolien, c’est énormément d’acier, de béton et d’autres minerais, explique Mme Porter. Il faut 15 tonnes de cuivre par mégawatt d’éolien offshore. Toute cette matière doit être extraite et traitée, ce qui consomme beaucoup d’énergie et engendre une forte pollution, surtout en Amérique du Sud. »
La Chine domine le traitement mondial des terres rares, alors qu’elle représente 61 % de l’extraction mondiale et 92 % du raffinage, selon l’Agence internationale de l’énergie.
« Nous achetons tous à la Chine des aimants aux terres rares pour équiper nos éoliennes, se félicitant de notre éthique environnementale, tout en ignorant les dégâts causés ailleurs », déplore Mme Porter.
Elle estime que le nucléaire, qui offre une densité de puissance supérieure pour une emprise foncière moindre, pourrait représenter une option plus fiable à long terme. Un débat qui resurgit alors que le Royaume-Uni développe de nouveaux projets nucléaires pour diversifier son mix énergétique.
Récemment, le Royaume-Uni et les États-Unis se sont accordés pour construire des réacteurs modulaires, tandis que d’autres initiatives émergent notamment dans le Nottinghamshire. En juillet, le gouvernement britannique a donné son feu vert à la centrale de Sizewell C, un projet à 68 milliards de dollars — la seconde nouvelle centrale nucléaire du pays en plus de vingt ans.

Evgenia Filimianova est une journaliste basée au Royaume-Uni qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour la politique britannique, les procédures parlementaires et les questions socio-économiques.
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