Les exportations chinoises subissent leur plus forte baisse depuis le début de la pandémie

Par Andrew Moran
19 août 2023 19:52 Mis à jour: 20 août 2023 10:12

Les exportations chinoises ont chuté en juillet, ravivant les inquiétudes quant à l’essoufflement de la reprise post-pandémique de la deuxième économie mondiale.

Les exportations chinoises ont chuté de 14,5 % d’une année sur l’autre, pour atteindre 281,76 milliards de dollars, soit à un niveau plus bas que ce que les estimations générales prévoyaient, qui tablaient sur une baisse de 12,4 %. Il s’agit de la troisième baisse mensuelle consécutive et de la plus forte baisse depuis février 2020, selon l’Administration générale des douanes.

Au cours des sept premiers mois de 2023, les exportations ont chuté de 5 %, pour atteindre 1,94 billion de dollars.

Les départs de cargos vers les États-Unis ont chuté de plus de 23 % par rapport à la même période de l’année dernière. Les exportations vers les pays de l’Association des nations du Sud-Est (ASEAN) et l’Union européenne ont chuté de 21,4 % et 20,6 %, respectivement.

La Chine a continuer de réduire ses importations le mois dernier, confirmant la tendance générale à la baisse observée sur l’ensemble de l’année. Les importations vers la Chine ont diminué à un rythme annuel de 12,4 pour cent, pour atteindre 201,16 milliards de dollars, soit plus que ce que prévoyaient les économistes, qui tablaient sur une baisse de 5 pour cent. Il s’agit de la cinquième baisse consécutive des importations et du neuvième résultat négatif au cours des dix derniers mois, dans un contexte de détérioration de la demande.

Pékin a acheté plus de soja (23,5 %), de pétrole brut (17 %) et de minerai de fer (2,5 %). Cependant, ses importations de cuivre, un métal industriel essentiel, ont chuté de 2,7 %.

Les importations en provenance des principaux partenaires commerciaux de la Chine ont connu une chute à deux chiffres, notamment en provenance de la Corée du Sud (-23 %), du Japon (-14,7 %), de Taïwan (-14,3 %) et des États-Unis (-11,2 %).

De janvier à juillet, les importations se sont contractées de près de 8 %.

A worker in a Hyundai factory in Cangzhou, in China's northern Hebei province, on Feb. 21, 2017. (STR/AFP via Getty Images)
Un ouvrier dans une usine Hyundai à Cangzhou, dans la province chinoise du Hebei, le 21 février 2017. (STR/AFP via Getty Images)

Dans l’ensemble, l’excédent commercial de la Chine a augmenté pour le troisième mois consécutif, pour atteindre 80,6 milliards de dollars. Toutefois, il s’agit d’une baisse de 21,5 % par rapport à son excédent de l’année dernière, qui s’élevait à 102,7 milliards de dollars.

Un long Covid économique

Pour Zichun Hang, économiste spécialiste de la Chine chez Capital Economics, les derniers chiffres « reflètent davantage la baisse des prix que celle des volumes, qui restent bien supérieurs à leur tendance prépandémique ». Néanmoins, les conditions commerciales pourraient se détériorer dans les mois à venir.

« Nous ne sommes pas convaincus que cette vigueur se maintiendra, étant donné qu’il est de plus en plus évident que la demande mondiale de biens diminue à mesure que les distorsions dues à la pandémie se dissipent et que le resserrement monétaire pèse sur les dépenses de consommation », détaille-t-elle dans une note. « La demande intérieure s’est également affaiblie récemment, les volumes d’importation étant tombés à leur plus bas niveau depuis le début de l’année en juillet. Mais les mesures de soutien du gouvernement devraient permettre d’inverser cette tendance dans les mois à venir ».

Malgré l’abandon de nombreuses restrictions de santé publique liées au Covid à la fin de l’année dernière et le lancement de nouvelles mesures de relance budgétaire et monétaire, l’économie chinoise d’après-crise ne s’est pas redressée contrairement aux prévisions de nombreux observateurs du marché.

« Les chiffres confirment que les déficits de croissance croissants de l’économie reflètent à la fois des défis intérieurs et extérieurs », a écrit l’économiste Mohamed El-Erian sur les réseaux sociaux.

Au deuxième trimestre, l’économie chinoise a progressé de 6,3 %, contre 4,5 % au premier trimestre. Ce chiffre reste toutefois inférieur aux prévisions du marché, qui tablaient sur un taux de 7,3 %.

Les indices des directeurs d’achat (PMI) du Bureau national des statistiques et du Caxin Manufacturing (qui mesurent l’orientation générale du secteur) sont toujours en zone de contraction. En juillet, les deux PMI s’établissaient respectivement à 49,3 et 49,2. En outre, le secteur des services a lui aussi continué à ralentir dans un contexte d’affaiblissement de la demande, l’indice PMI des services du NBS étant passé de 53,2 à 51,5.

Du côté des ventes au détail, les données du NBS ne sont pas plus réjouissantes. En juin, le commerce de détail n’a augmenté que de 3,1 % d’une année sur l’autre, contre 12,7 % le mois précédent.

A ces problèmes s’ajoute celui du marché du travail en Chine. Alors que le taux de chômage dans les villes officiellement communiqué par les autorités est de 5,2 %, celui des jeunes de 16 à 24 ans des zones urbaines a déjà dépassé les 21 %.

Selon les économistes, le principal moteur du chômage des jeunes se situe du côté de l’inadéquation entre les postes pour lesquels les jeunes étudient et les opportunités d’emploi disponibles.

Dans un contexte de ralentissement économique, « les jeunes ont tendance à être particulièrement vulnérables », explique Maggie Wei, économiste chez Goldman Sachs.

« En conséquence, nous pourrions voir le chômage des jeunes poursuivre sa tendance à la hausse au cours des prochains mois », a déclaré la banque dans un rapport.

Adam Posen, président de l’Institut Peterson pour l’économie internationale, parle d’un « long Covid économique ».

« Tout comme il existe des patients souffrant de cette maladie de façon chronique, de même, le corps économique de la Chine n’a pas retrouvé sa vitalité et reste léthargique, même maintenant que la phase aiguë – trois années de mesures de verrouillage zéro Covid extrêmement strictes et coûteuses – a pris fin », écrit M. Posen. « Le problème est systémique et le seul remède fiable [est de] réassurer de manière crédible les Chinois ordinaires et les entreprises qu’il existe des limites aux intrusions du gouvernement dans la vie économique, mais c’est un remède qui ne sera pas mis en place ».

Le prochain indicateur clé pour analyser la santé de la puissance économique est à trouver du côté de l’inflation.

Bien que le gouvernement ait apparemment exhorté les économistes à ne plus aborder la question de la déflation, celle-ci n’en demeure pas moins une menace fréquemment évoquée au cours des derniers mois. Alors que la demande des consommateurs s’essouffle, les entreprises réduisent leurs prix pour relancer la consommation.

Des politiques de relance attendues

La semaine dernière, le gouverneur de la Banque populaire de Chine, Pan Gongsheng, a promis d’affecter des ressources financières supplémentaires à l’économie privée, notamment à l’agriculture, à l’aluminium et aux sociétés immobilières.

Cette promesse intervient un mois après que la banque centrale a annoncé une série de mesures politiques destinées à faciliter la croissance économique et à aider les entreprises à amortir les effets des restrictions liées à la pandémie et des mesures de répression réglementaires.

Bien que beaucoup s’attendent à ce que Pékin lance des projets de relance massifs pour réanimer une économie anémique, un économiste de Goldman Sachs pense que cela n’arrivera pas.

« En termes d’ampleur, nous pensons qu’il s’agit d’un assouplissement modéré », a déclaré Hui Shan, économiste en chef pour la Chine au sein de la branche recherche du titan de Wall Street. « Mais il ne faut pas s’attendre à trop, étant donné que l’objectif de croissance de cette année semble être à portée de main et que le gouvernement se concentre réellement sur la transformation et la restructuration de l’économie, plutôt que sur la recherche d’une forte augmentation de la croissance à court terme. »

Des policiers paramilitaires patrouillent devant la Banque populaire de Chine, la banque centrale de Chine, à Pékin le 8 juillet 2015. (Greg Baker/AFP via Getty Images)

Ben Kirby, coresponsable des investissements et gestionnaire de portefeuille chez Thornburg Investment Management, ne « l’exclut pas complètement ».

« La Chine reste un moteur important de la croissance des ME [marchés émergents] et de la croissance mondiale. Après un premier trimestre vigoureux, la dynamique de croissance en Chine s’est essoufflée au deuxième trimestre », a écrit M. Kirby dans une note de recherche. « Dans l’ensemble, la réouverture a été décevante, mais elle n’est pas complètement exclue. Nous pensons que la Chine pourrait envisager des dépenses fiscales dans les infrastructures ou sur les marchés immobiliers. »

Selon les experts, la BPC a lancé son cycle de réduction des taux en juin, lorsqu’elle a abaissé le principal taux de prêt de référence pour la première fois depuis près d’un an. La banque centrale a réduit le taux préférentiel de prêt à un an (LPR) de 10 points de base, à 3,55 %. Les décideurs politiques ont également abaissé le LPR à cinq ans de 10 points de base, à 4,2 %.

Certains signes pourraient indiquer que la reprise s’essouffle, mais Fitch Ratings prévoit que la croissance de la Chine « restera supérieure à l’objectif ».

« Les données récentes indiquent que le rebond de la Chine s’estompe rapidement depuis la réouverture fin 2022, mais la croissance du PIB devrait rester supérieure à l’objectif de 5 % fixé par le gouvernement pour 2023, car la consommation se normalise et le soutien politique renforce l’investissement dans les infrastructures », écrit Fitch.

L’agence de notation prévoit des taux de croissance de 4,8 % en 2024 et de 4,7 % en 2025.

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